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La liberté ou le mariage, pour lycéens et adultes

Les Chemins de la Liberté, de Jean-Paul Sartre

La Pléiade, 1945, 340 p., 401 p., 323 p., 76 p., 69,9 €

dimanche 20 novembre 2011

L’Âge de raison, deuxième roman publié par Jean-Paul Sartre, date de 1945, mais il a été écrit à partir de 38 / 39, et fait partie d’un cycle, Les Chemins de la liberté, conçu par Sartre alors qu’il était mobilisé, puis prisonnier dans un stalag, pendant que de son côté Simone de Beauvoir écrivait L’Invitée. Les deux philosophes se communiquaient l’avancée de leurs manuscrits. L’Âge de raison s’inspire de faits autobiographiques, de la relation d’amour libre des deux philosophes et de relations de trio vécues avec plusieurs jeunes femmes, des anciennes élèves de Beauvoir. Autant Beauvoir se focalise sur la question du rapport à autrui, autant Sartre se préoccupe de la question de la liberté, en plaçant son héros dans un dilemme : se marier pour légitimer l’enfant dont sa compagne se trouve enceinte, ou conserver sa liberté pour réaliser le destin qu’il s’est promis.
L’action est censée se passer en 1938, comme L’Invitée. Sartre s’éloigne davantage du modèle autobiographique. Le personnage d’Ivich (prononcer « Ivik ») a pour modèle Olga Kosakiewicz, dédicataire du roman de Beauvoir, mais aussi sans doute d’autres jeunes femmes avec qui le couple vécut d’autres relations plus récentes au moment de l’écriture, par exemple Bianca Lamblin, laquelle soldera le compte en 1991 en publiant Mémoires d’une jeune fille dérangée [1]. Sartre a utilisé, plus que Beauvoir, les ressources de la focalisation interne et du monologue intérieur, et son œuvre est empreinte d’humour, et surtout d’auto-dérision à travers le personnage de Mathieu Delarue, qui le représente [2]. Il n’a pas inscrit de relation triangulaire dans son roman. Mathieu est seul à fréquenter Ivich (sans se cacher de Marcelle), mais la relation amicale secrète de Marcelle avec Daniel, personnage homosexuel fort riche de significations, également ami de Mathieu, permet de retrouver de façon différente certains motifs de L’Invitée. J’ai utilisé l’édition Pléiade des œuvres romanesques de Sartre, où le roman court des pages 391 à 729. J’ai indiqué quelques équivalences avec l’édition Folio.

L’avortement, le médecin juif et les gosses

Mathieu et Marcelle se fréquentent depuis sept ans, ayant gardé la même façon adolescente de se rencontrer le soir en cachette de la mère de Marcelle. « Ils avaient convenu qu’ils se diraient toujours tout » (p. 401), mais cette volonté de transparence se heurte à l’habitude et au déséquilibre entre l’homme et la femme, ce dont Mathieu n’a pas conscience au début (voir La force de l’âge, mémoires de Beauvoir, éd. Folio, p. 33 et p. 82, autant pour la source biographique chez Sartre de ces relations en cachette de la mère que pour une réflexion sur les limites de la sincérité). Ce soir, Marcelle annonce à Mathieu qu’elle est enceinte, et qu’elle doit recourir aux services d’une avorteuse de bas étage à 400 francs. Sans chercher plus loin, Mathieu se met en quête d’un avorteur plus sûr, et forcément plus cher. Il trouve un médecin juif grâce à l’aide d’une amie, Sarah, mais les exigences de celui-ci le contraignent à trouver 4000 francs dans les 48h, alors que son salaire, qu’il a déjà presque épuisé, est de 3000 francs. Comme dans L’Invitée, la focalisation interne permet de laisser les personnages exprimer des idées politiquement incorrectes. Ce médecin juif est méprisé, mais peu à peu se font jour les motivations de son attitude, due à sa connaissance des camps de concentration, et à sa volonté de faire payer les non-juifs : « ils nous ont fait trop souffrir là-bas » (p. 681, ou 318 en Folio). En dehors des mots utilisés, il n’y a pas de condamnation morale du personnage, et à aucun moment, malgré les difficultés de ses exigences (être payé très vite), Mathieu ne préfère changer la difficulté de trouver tant d’argent en un si court délai en celle de dégoter un autre avorteur. Le point de vue sur les juifs dans ce roman tient donc au choix esthétique qu’il faut bien appeler « réaliste » de Sartre.
Les pages sur la conception que se fait Mathieu de l’avortement sont terribles : « Dans son ventre, il y avait une petite marée vitreuse qui gonflait doucement, à la fin ça serait comme un œil : “ Ça s’épanouit au milieu des cochonneries qu’elle a dans le ventre, c’est vivant. “ Il vit une longue épingle qui avançait en hésitant dans la pénombre. Il y eut un bruit mou et l’œil éclata, crevé. » (p. 410). Le regard sur les enfants en bas âge est aussi provocateur. Voilà ce que dit Mathieu à propos de Pablo, l’enfant de Sarah : « il n’y avait pas longtemps que le môme était sorti d’un ventre et ça se voyait ; il était là, indécis, tout petit, il gardait encore un velouté malsain de chose vomie ; mais derrière les humeurs troubles qui remplissaient ses orbites, une petite conscience goulue s’était embusquée » (p. 437 ; 57 en Folio). Cela ne fait qu’abonder ses réflexions sur l’avortement : « Un gosse : une conscience de plus, une petite lumière affolée, qui volerait en rond, se cognerait aux murs et ne pourrait plus s’échapper » (p. 440 ; 60 en Folio).

La liberté

Mathieu ne fait pas que chercher de l’argent et un avorteur ; il consacre aussi beaucoup de temps à ses amis, Brunet, son ancien meilleur ami, qu’il retrouve par hasard chez Sarah, et qui veut l’enrôler au parti communiste ; Boris et Ivich, un ancien élève et sa sœur, 21 ans, qui vit en foyer d’étudiantes ; Lola, la petite amie plutôt âgée de Boris, une danseuse de cabaret, etc. Mathieu a le béguin pour Ivich, mais celle-ci préfère en rester à l’amitié ; elle foire son examen et doit retourner à Laon chez ses parents. Mathieu lui propose spontanément, alors qu’il n’est pas en fonds, de lui prêter de quoi s’installer à Paris. Tout cela lui fait prendre conscience qu’il n’est pas amoureux de Marcelle comme au début. L’engagement est aussi problématique en amour qu’en politique : quand il donne un baiser à Ivich, au début du roman, il le regrette aussitôt : « Cinq minutes auparavant cet amour n’existait pas ; il y avait entre eux un sentiment rare et précieux, qui n’avait pas de nom, qui ne pouvait pas s’exprimer par des gestes. Et, justement, il avait fait un geste, le seul qu’il ne fallait pas faire – ça n’était pas exprès d’ailleurs, c’était venu tout seul. Un geste et cet amour était apparu devant Mathieu, comme un gros objet importun et déjà vulgaire » (p. 462 ; 83 en Folio). Cette attitude étonne quand on se rend compte que dans les discussions rapportées, et qui constituent une bonne part du roman, les personnages passent d’un sentiment extrême à l’autre, de l’amour à la haine, en quelques instants.
De son côté, Marcelle vit ses propres sentiments sans oser en parler à Mathieu, à cause de leur pacte antérieur. Un beau monologue intérieur montre ses sentiments pour cet enfant en elle (p. 466 ; 86 en Folio). Mathieu tente d’emprunter l’argent à Daniel, qui refuse par caprice, puis à son frère Jacques, qui veut le raisonner, et emploie le premier le terme « âge de raison » (p. 508 ; 133 en Folio), qui acquiert évidemment une coloration ironique. Mathieu refuse la tentation de Jacques (épouser Marcelle contre dix mille francs), un peu comme le pauvre refuse celle de Don Juan chez Molière. Deuxième tentation refusée plus tard, celle de Brunet : « Tu as renoncé à tout pour être libre. Fais un pas de plus, renonce à ta liberté elle-même : et tout te sera rendu » (p. 521 ; 146 en Folio). En fait de renoncer, Mathieu finit par se faire à l’idée, s’il ne trouve pas l’argent, ou que Marcelle ne veuille pas avorter, de l’épouser. Il a l’impression d’avoir « sécrété [s]a coquille » (p. 599 ; 229 en Folio, belle page pour lecture analytique), de n’être « pas révolutionnaire, révolté » (entre guillemets dans le texte, p. 601). C’est un défi enfantin d’Ivich qui réveille Mathieu à sa conscience : il se plante un couteau dans la main pour l’imiter, comme « un défi à Jacques, à Brunet, à Daniel, à sa vie » (p. 610). Mathieu se montre si faible face à Ivich, qui l’allume sans cesse et l’humilie, tout en étant insensible à ses déboires avec Marcelle, que lorsqu’il la fiche enfin dehors, le lecteur naïf est soulagé ! Après la proposition de Daniel, qui arrange les plans de Mathieu, le roman se referme sur un retour à l’incipit.

L’homosexualité

Encore plus que dans le roman de Beauvoir, l’homosexualité tient une grande place dans L’Âge de raison. Cela commence par le personnage de Boris, le jeune frère d’Ivich, qui fait songer au Gerbert de L’Invitée, car ils ont le même modèle sans doute : il remarque un type qui cause avec « une petite tapette » : « Boris ne blairait pas beaucoup les pédérastes parce qu’ils étaient tout le temps après lui, mais Ivich les appréciait, elle disait : “ Ceux-là, au moins, ils ont le courage de ne pas être comme tout le monde. “ Boris était plein de considération pour les opinions de sa sœur et il faisait des efforts loyaux pour estimer les tantes » (p. 414 ; 31 en Folio). Comme Gerbert, Boris établit un lien avec son attitude pour les femmes : « C’est marrant, pensa-t-il, j’aime mieux les types que les bonnes femmes. Quand je suis avec une bonne femme, je ne suis pas le quart aussi heureux que quand je suis avec un type. Pourtant je voudrais pour rien au monde coucher avec un type » (p. 430 ; 48 en Folio). Dans une librairie, Boris feuillette un dictionnaire d’argot, et tombe sur l’expression « être de l’homme » qui veut dire être homo. Un ami le surprend à ce moment-là et lui demande s’il en est. Boris devient écarlate, mais l’ami répond : « soyez convaincu que cette pensée ne m’a même pas effleuré. Je sais reconnaître ceux qui sont de l’homme […] leurs gestes ont une rondeur molle qui ne trompe pas. Tandis que vous, je vous observais depuis un moment et j’étais charmé : vos gestes sont vifs et gracieux, mais ils ont des angles » (p. 551). Ivich, comme dans L’Invitée, utilise le mot « pédéraste » de façon aléatoire : « Je crois que je deviens pédéraste », dit-elle en croisant « un jeune pupille » (p. 472). Boris, croisant une belle femme lors d’une promenade avec Ivich, imagine l’avoir, et propose : « Quand je serai fatigué d’elle, je te la passerai » (p. 640). Saoule dans une boîte, Ivich embrasse une femme sur les lèvres (p. 670).

Daniel : la haine de soi, cas clinique

Le personnage de Daniel, l’un des plus important du roman, constitue un cas clinique d’homosexuel refoulé taraudé par la haine de soi, personnage qui n’est pas sans rappeler quelques aspects du Vautrin de Balzac. Il est notamment inspiré d’un ami du couple de philosophes, Marco, surnom de Marc Zuorro, prof de français et artiste lyrique dont il est souvent question dans La Force de l’âge, éd. Folio, à partir de la p. 138 ; voir notamment le récit de son amour tragi-comique et désespéré pour Bost, p. 327. On fait d’abord connaissance avec lui alors qu’il se livre à un acte gratuit : noyer ses trois chats qu’il adore. On le suit encore dans un passage parisien, où il observe avec mépris le manège des « tantes » [3]. Mais coup de théâtre, un garçon l’interpelle, un de ses protégés qu’il a placé chez un pharmacien, et il est grillé au moment où il s’apprêtait à se faire passer pour un flic pour terroriser un dragueur : « “ Il me voit avec cette lope, il me prend pour un confrère, je suis sali “. Il haïssait cette franc-maçonnerie de pissotières. “ Ils s’imaginent que tout le monde en est. Moi, en tout cas, je me tuerais plutôt que de ressembler à cette vieille lope ! “ » (p. 537 ; 163 en Folio) [4]. Puis Daniel entre pleinement dans son rôle de méchant qui entreprend de contrarier le projet de Mathieu en convainquant Marcelle de garder l’enfant (mais il a deviné juste : elle le souhaite réellement, et n’a pas pu exprimer ce désir à cause du déséquilibre de son pacte de sincérité avec Mathieu, tout à l’avantage de « celui qui a son opinion déjà faite », p. 564). Cela donne de belles pages : « La méchanceté, c’était cette extraordinaire impression de vitesse, on se détachait soudain de soi-même et on filait en avant comme un trait ; la vitesse vous prenait à la nuque, elle augmentait de minute en minute, c’était intolérable et délicieux, on roulait freins desserrés, à tombeau ouvert, on enfonçait de faibles barrières qui surgissaient à droite, à gauche, inattendues – Mathieu le pauvre type, je suis trop vache, je vais gâcher sa vie – et qui cassaient net, comme des branches mortes, et c’était enivrant cette joie transpercée de peur, sèche comme une secousse électrique » (p. 558 ; 185 en Folio). Quand Marcelle lui montre une photo d’elle à dix-huit ans, Daniel trouve qu’elle a « l’air d’une gouine, avec la bouche veule et les yeux durs » (p. 561). Daniel prend le temps d’une lutte ludique et érotique avec une jeune « tante » (p. 689), au terme de laquelle il se persuade toujours qu’il veut « lui cogner dans la figure de toutes ses forces » (p. 689), puis il a un fantasme d’auto-castration (p. 693), dont il ne sort qu’en ayant l’idée de proposer à Marcelle de l’épouser, ce qui arrange tout le monde. Il va trouver Mathieu et lui annonce en même temps qu’il épouse Marcelle et qu’il est « pédéraste », s’attendant à une réaction de rejet : « Ça t’étonne ? Ça dérange tes idées sur les invertis ? ». Or Mathieu n’est pas étonné, et lui répond : « Tu te dégoûtes peut-être, mais pas plus que je ne me dégoûte, on se vaut » (p. 723). Daniel déclare : « Les pédérastes ont toujours fait d’excellents maris » (p. 724), mais il n’a pas l’intention de dire qu’il l’est à Marcelle, et « entend remplir [s]es devoirs de mari jusqu’au bout » (p. 724). Daniel se confesse à Mathieu : « J’ai honte d’être pédéraste parce que je suis pédéraste. Je sais ce que tu vas me dire : “ Si j’étais à ta place, je ne me laisserais pas faire, je réclamerais ma place au soleil, c’est un goût comme un autre “, etc. Seulement ça ne me touche pas. Je sais que tu me diras tout ça, précisément parce que tu n’es pas pédéraste. Tous les invertis sont honteux, c’est dans leur nature » (p. 726 ; 367 en Folio).

Le Sursis

Le tome II, Le Sursis, est extrêmement différent du tome 1. La structure est radicalement originale, puisque le lecteur est amené à suivre sans aucune transition les réactions de nombreux personnages de toute l’échelle sociale, à travers la France voire l’Europe, dans les journées précédant les accords de Munich, c’est-à-dire du 23 au 30 septembre 1938. Une citation de Situation, dans les notes du volume de la Pléiade (p. 1966), explique ce qu’a voulu – et réussi – Sartre : « Nous souhaitions que nos livres se tinssent tout seuls en l’air, et que les mots, au lieu de pointer en arrière vers celui qui les a tracés […] fussent des toboggans déversant les lecteurs au milieu d’un univers sans témoins, bref que nos livres existassent à la façon des choses, des plantes, des événements et non d’abord comme des produits de l’homme ; nous voulions chasser la Providence de nos ouvrages comme nous l’avions chassée de notre monde ». On ressent effectivement l’effet « toboggan », et c’est un roman que je ne me risquerais pas à étudier avec mes élèves… mais ce n’est pas à nous que Sartre fera le coup de l’objectivité : il est bien évident que le romancier est on ne peut plus présent dans sa volonté farouche de s’absenter ! Le montage est cinématographique, ou plus exactement, comme le dit Michel Contat dans l’édition citée, on a l’impression d’un montage de « télévision en régie directe ». Les transitions se font d’un paragraphe à l’autre, sans interligne, voire sans changer de paragraphe, et certains passages virtuoses alternent carrément dans la même phrase trois ou quatre scènes. La métaphore de la régie télé s’impose toujours, avec la technique bien connue actuellement du montage parallèle, mais quelle innovation à l’époque ! Voir p. 1022/23 une sorte d’évocation cryptée de la technique narrative par les personnages : « il faudrait être partout à la fois ». La réflexion en avance sur son temps de Sartre sur la condition des juifs continue, à travers le personnage de M. Birnenschatz, juif qui se veut uniquement français, et tourmenté par la haine de soi, père d’une jeune fille calque de Bianca Bienenfeld dans la réalité (cf. p. 816). La scène très forte du discours d’Hitler montre une connaissance précise des persécutions antisémites (p. 1020).
La sexualité prend évidemment une place secondaire dans cette tourmente. On s’intéresse fort peu à Marcelle, enceinte, un peu plus à Daniel et à sa haine de soi exacerbée par la gravité des temps : « Être ce que je suis, être un pédéraste, un méchant, un lâche, être enfin cette immondice qui n’arrive même pas à exister » (p. 850). Ses sentiments pour Marcelle n’ont pas été modifiés par son sacrifice : « il la sentit contre lui, chaude et difforme ; il pensa : « Mathieu a pu désirer ça. » » (p. 771). Une scène montre Daniel fantasmant sur Émile, un « petit gars grossier et nul, un visage brut », et ayant honte de ce fantasme : « Qu’elle vienne donc, la guerre, qu’elle vienne mater mes yeux, les enfoncer dans leurs orbites, qu’elle leur montre enfin des corps souillés, saignants, désarticulés, qu’elle m’arrache à l’éternel, aux veules petits désirs éternels, aux sourires, aux feuillages, au bourdonnement des mouches, un geyser de feu monte au ciel, une flamme qui brûle le visage et les yeux, on croit qu’on a les joues arrachées, qu’il vienne enfin l’instant innommable qui ne rappelle rien » (p. 847). Il y a un personnage en gestation, qu’on retrouvera par la suite, c’est Philippe, fils d’un général, qui se veut déserteur, et commet un acte désespéré, parce qu’il se sent délaissé par un certain Pitteaux, journaliste, qui « avait voulu profiter de ça pour se l’envoyer par vice pur : il n’était même pas pédéraste » (p. 784). Ledit Philippe se fait dépuceler par une prostituée, qui le montre endormi à sa collègue, et les deux apprécient l’aubaine : « Miam ! Miam ! fit-elle. Couvre ça, je ferais des folies » (p. 999). On note deux scènes de masturbation d’un « potteux », Charles, par une infirmière (p. 791 et 956) ; dans cette dernière scène il est question de « Master Jack », désignant le pénis : modernité de Sartre ! Le mot « potteux » est un hapax ; il m’a été impossible d’en trouver la signification [5]. Il fait sans doute référence à une maladie particulière, en tout cas les « potteux » du récit sont cloués au sol, incapables de se lever ou de faire leurs besoins sans l’intervention d’une infirmière. Une scène saisissante montre Charles, le « potteux », séduisant une « potteuse » placée à côté de lui dans le train d’évacuation dû à la mobilisation. Il évoque le mythe platonicien de la caverne au sujet des ombres des infirmières qu’ils voient dans le train (p. 951). Quant à Boris, fidèle à son modèle, Jacques-Laurent Bost, il déclare : « J’aime mieux les hommes que les bonnes femmes » (p. 1032), et s’engage pour devancer la mobilisation de sa classe, et échapper à Lola. Les littéraires relèveront enfin l’évocation circonstanciée du rôle d’Alexis Léger, alias le poète Saint-John Perse, lors de la dernière scène des accords de Munich (p. 1122).

La Mort dans l’âme

Retour à une narration plus traditionnelle dans le 3e et dernier volume publié. Ce tome III se divise en deux parties, qui couvrent la période qui précède et suit la défaite de l’armée française, du 15 juin à fin août 1940. La première partie alterne les points de vue, mais en des séquences successives clairement séparées. La seconde se concentre sur le sort d’un camp de prisonniers dans les premiers moments de la captivité. Mathieu est le personnage principal de la 1re partie ; on le laisse pour mort dans le clocher d’où il a tiré sur les soldats allemands qui investissaient un village, se donnant enfin l’illusion d’échanger sa liberté contre quinze minutes de retardement de l’invasion (en fait il n’est pas mort, voir ci-dessous). Brunet est le personnage principal de la seconde partie. Dans le camp, il tente d’organiser un embryon de résistance communiste, aidé par Schneider, un intellectuel mystérieux dont il fait connaissance. Schneider est un autre double de Sartre, après la disparition de Mathieu, d’ailleurs son nom signifie « tailleur » en allemand, la même chose que « sartre » (note Pléiade, p. 2089). Dans ce roman d’hommes, cette débâcle, on relève dans un style très libre, l’expression d’une certaine fragilité masculine, en dehors du regard des femmes. Sarah est presque la seule femme qu’on croise, au début. Sur la route de l’exode, chargée du petit Pablo, elle songe à Gomez, qui l’attend à New York, sans doute déjà avec une autre femme : « Va ! Va ! Pensa-t-elle, si j’étais seule, tu n’entendrais plus jamais parler de moi ; mais il faut bien que je vive pour élever le gosse que tu m’as fait » (p. 1151). entre hommes Sartre n’a pas mis l’accent sur l’exacerbation de la virilité, mais plutôt de la tendresse et de la fragilité. Ainsi de Charlot, jeune soldat juif que ses camarades charrient et chatouillent : « Rose et nu sans un poil, avec ses joues rouges et son gros petit ventre caressé par la lumière blonde du matin, Charlot ressemblait au plus beau bébé de France. Schwartz vint derrière lui à pas de loup, comme chaque matin. « Tu as la chair de poule, dit-il en le chatouillant. Tu as la chair de poule, bébé. » (p. 1174). Plus tard, Charlot confie à Mathieu sa peur, en tant que juif : « C’est pas moi qui ai peur, c’est ma race au-dedans de moi » (p. 1284). Plus loin, il dit à Mathieu : « on dit que la peur fait bander […] c’est pas mon cas : elle s’est recroquevillée » (p. 1243). Des soldats d’un autre régiment les insultent : « Enculés, dit Latex. Il nous a traités d’enculés, ce moutard. Nous qu’on est pères de famille. Et t’as visé la chaine qu’il porte au cou ? Petite lope, va ! Tu peux parler. » (p. 1225). À la page suivante, les insulteurs se font dégommer, et ledit Latex va récupérer la chaîne ! Dans la seconde partie, Brunet, haut placé à l’Huma, s’investit de la mission d’encadrer les bonnes recrues du camp. La focalisation interne nous donne accès à ses pensées, souvent ambiguës. Ainsi, quand la colonne de prisonniers croise enfin une fontaine : « Moûlu court comme une femme, en tournant les genoux, ils se bousculent, ils rient, ils crient, scandaleux et provocants comme des tapettes » (p. 1353). Parmi les recrues, il y a un juvénile typo blondinet, que Brunet circonvient. Un jour, celui-ci s’émerveille de bander, et montre la merveille à toute la petite chambrée ; on le dit « chançard », on demande à toucher : « Je commençais à m’inquiéter, dit-il, en surveillant entre ses cils son membre qui se soulève et s’abaisse au rythme de sa respiration » Brunet lui demande de cacher ça, et dit : « Vous êtes tous des porcs » (p. 1407). Schneider explique à Brunet pourquoi il peine à recruter dans le camp : les gars ont tous « la mort dans l’âme » à cause de la défaite (p. 1425). Ils recrutent surtout des râleurs, et Schneider a cet aphorisme : « Un râleur, ce n’est pas forcément un mécontent ; au contraire il est content de râler » (p. 1421). Dans le train qui emmène les prisonniers, Brunet serre fort le jeune typo contre lui au moment où il devient sûr que le train se dirige vers l’Allemagne et non la France. Le garçon avait menacé de sauter du wagon : « le typo s’est abandonné comme une femme sur l’épaule de Brunet » […] il regarde cette petite gueule d’écureuil » (p. 1454). Sautera, sautera pas ? En tout cas Brunet se révèle un cas clinique de dilution de la sexualité dans le communisme. Et les deux parties du roman, même si on pourrait plutôt les considérer comme deux courts romans séparés, puisque on n’y retrouve guère les mêmes personnages, et on se concentre sur les prisonniers en oubliant tous les autres personnages, se terminent sur un motif analogue, le rapport fraternel de Mathieu et de Brunet avec un jeunot qui joue quasiment sa vie à pile ou face, et impressionne son aîné.
Le mariage
Le mariage n’est pas tant vanté par les soldats mariés : « Si t’étais marié, t’apprendrais à faire ça sans envie, couillon ! Et ce qu’il y a de bien quand tu baises, c’est que tu ne penses à rien » (p. 1179) ; « Je rentrais chez moi crevé, et puis il y avait les disputes, et puis si t’es marié, c’est pour baiser ta femme tous les soirs, non ? » (p. 1212). Dans Paris, Ivich retrouve son frère Boris. Elle s’amuse à interpeller les femmes qui se retournent sur lui, et Boris ne sait plus où se mettre : « C’était la nouvelle scie. Un matin quelqu’un avait dit qu’il était beau et, depuis, tout le monde le lui répétait, Francillon et Gabel l’appelaient « Gueule d’Amour ». Naturellement, Boris ne marchait pas, mais c’était agaçant parce que la beauté n’est pas une qualité d’homme. » (p. 1191). Mathieu fait la morale au jeune Pinette, qui va d’ailleurs l’entraîner dans le clocher et y mourir. Celui-ci, marié, drague une jeune postière, et passe à l’acte : « tu as eu tort de la sauter, si c’était pour la laisser tomber ensuite » (p. 1298). Brunet s’étonne de ce que le typo soit fiancé (incohérence de l’auteur, car il a déjà dit qu’il l’était en sa présence lors de l’épisode de la bandaison) : « — T’as une souris ? dit Brunet. À ton âge ? » Il veut savoir si elle est du parti, et tique quand le gars lui avoue qu’il s’en fiche, mais qu’elle est « bien roulée » : « Seulement dis, quand je baise, le Parti n’est pas là pour tenir la chandelle. » Quant à Brunet, quand le typo lui demande s’il en a une, il répond : « Pas le temps, dit Brunet. — Alors, comment que tu t’arranges ? » Brunet sourit : « Quelquefois, en passant, comme ça, dit-il. » (p. 1448).
Daniel
Daniel se retrouve tel qu’en lui-même, sans Marcelle. La défaite l’excite : « Les murailles de Paris criaient encore leur orgueil et leurs mérites : nous sommes les plus forts, les plus vertueux, les croisés de la démocratie, les défenseurs de la Pologne, de la dignité humaine et de l’hétérosexualité » (p. 1218 ; peu d’écrivains auraient à l’époque osé une telle phrase !). En voyant entrer les Allemands dans Paris, il a cette pensée : « D’autres visages passèrent devant son regard embué, d’autres encore et d’autres, toujours aussi beaux ; ils vont nous faire du Mal, c’est le Règne du Mal qui commence, délices ! Il aurait voulu être une femme pour leur jeter des fleurs » (p. 1219). Il surprend le jeune Philippe, toujours en quête de suicide, au bord de la Seine : « Une bouffée de désir lui enflamma le sexe ; il se mit à marcher derrière le gosse avec la joie glacée du chasseur » (p. 1259). Il joue à lui faire peur, puis le ramène chez lui, et passe par une douche glacée de sentiments exacerbés : « Chaque fois que la fortune plaçait sur sa route la rayonnante beauté d’un enfant-Dieu, le ciel et la terre lui faisaient des clins d’œil malicieux. Il défaillait de désir, les souffle lui manquait à chaque pas, mais il avait tellement l’habitude de marcher en silence auprès de jeunes vies sans soupçon qu’il avait fini par aimer pour elle-même la longue patience pédérastique. » Pour le retenir dormir chez lui (chacun don lit), il lui fait peur : « tu risques de tomber sur une patrouille et Dieu sait ce qu’ils feront de toi : tu es joli comme une fille et les Allemands sont tous pédérastes » (p. 1287). Daniel médite en une jolie page sans ambages : « « J’ai tellement mal aux couilles » […] il avait l’habitude de ces longs désirs abstraits, de ces vaines et furtives érections […] Les Nathanaël, les Rimbaud, Daniel en faisait son affaire, mais la nouvelle génération le déconcertait […] Dans le doute, il ne serait pas mauvais de jouer à fond la carte du dérèglement systématique ». Daniel éprouve le « besoin de dételer » ; il en a assez des « kermesses » et de « la vulgarité abjecte des permissionnaires aux pieds odorants » ; « ce sera une liaison sérieuse, décida-t-il. » […] Il regarda la porte close, il soufflait, il pensait : « Cette fois-ci, j’en crèverai » et il avait dans la bouche le fiel des souffrances futures » (p. 1288). Belle apologie du « mariage gay » !

Drôle d’amitié

Ce tome IV n’a pas été achevé. Deux livraisons en ont été publiées dans Les temps modernes fin 1949, reprises dans le volume de la Pléiade, mais ce sera tout. Il faudra attendre la parution de La Force des choses de Beauvoir pour apprendre le plan envisagé par Sartre, et ce scoop : Mathieu n’était pas mort ! Il s’agit d’un exemple extrême de ce que Gérard Genette appelle « paralipse », encore mieux que l’Armance de Stendhal : « Ce roman constitue l’exemple peut-être unique dans toute la littérature d’une œuvre à secret, dont la clef se trouve ailleurs : à savoir, dans une lettre à Mérimée et dans une note en marge d’un exemplaire personnel, qui affirment d’une manière formelle l’impuissance d’Octave. » (G. Genette, Figures II, p. 173 ; la notion de paralipse se trouve dans Figure III). Certes le secret n’est pas du même ordre, il s’agit d’une information clé sur le personnage principal abandonné par Sartre en plein milieu de l’affirmation de sa liberté. La notice de l’édition de la Pléiade nous apprend qu’il s’agit d’une « élégie pour un ami mort, une élégie pudique, mais passionnée et tragique », en l’occurrence Paul Nizan, que Sartre cherche à réhabiliter, ce qui nous vaut un véritable cours d’histoire et d’histoire des idées sur les contorsions du parti communiste français entre le pacte germano-soviétique et l’entrée en guerre de l’URSS (22 juin 41). Brunet est devenu ami de Schneider. L’ironie du sort veut qu’il le traite amicalement de « Vieille fripouille ! Sacré vieux social-traître ! » (p. 1478) juste avant qu’un nouveau convoi de prisonniers amène Chalais, un autre cadre du parti qui apprend à Brunet que Schneider est en réalité Vicarios, exclu du parti pour avoir dénoncé le pacte germano-soviétique, comme Nizan. La tendance des cadres du parti alors, est simplifiée par Sartre : renvoyer dos-à-dos Gaullisme naissant et nazisme, « L’impérialisme des généraux français et des deux cents familles » (p. 1492). La tendresse paradoxale de Brunet pour Schneider est exprimée non pas par lui-même, qui en est incapable jusqu’au drame, mais par Thibaut, un radical qui tient une autre chambrée : « Tu es comme une jolie femme, tu te payes des béguins. Le mois dernier, il n’y en avait que pour Schneider. A présent, c’est tout pour Chalais. » (p. 1502).

Fragments

Les fragments publiés en appendice de l’édition Pléiade confirment l’information de Beauvoir : Mathieu n’est pas mort ! On trouve d’abord des pages d’un journal après-coup de Sartre, qui lui servit de notes pour la rédaction du livre. L’aspect « amitié virile » ne s’y retrouve pas, mais des méditations utiles. Par exemple, sur les accusations de l’arrière selon lesquelles « Le soldat français de 40 ne savait plus mourir » (p. 1577), Sartre répond : « Peut-on nous reprocher de n’avoir pas sauté à pieds joints dans la mort, de n’avoir pas eu le tropisme de la mort ? Il ne convient pas aux hommes de mourir comme des mouches. […] Nous avons grandi à l’ombre de l’avant-dernière grande guerre et puis il y a eu la guerre d’Espagne et puis on a vu croître l’ombre de cette guerre-ci et puis il y a eu Munich, ce faux départ : depuis longtemps nous étions familiarisés avec la mort et la présence de la mort à nos côtés nous avait civilisés ; déjà nous commencions à connaître le prix d’une vie humaine, déjà nous regardions nos propres vies avec une impartiale mélancolie, comme si nous étions de l’autre côté. » (p. 1578). Suivent des fragments du roman qui ressuscitent Mathieu, et précisent la pensée de Sartre sensible derrière ce tome sans femmes : « — Et tu n’aimais pas ça, une belle pépée dans ton lit ? — J’aimais beaucoup, au contraire. Un intellectuel, qu’est-ce que tu veux que ça foute ? Causer avec les types, baiser avec les bonnes femmes. Je préférais baiser. — Là, je te suis. — Peuh ! Dit Mathieu : c’était faute de mieux. — Faute de mieux ? — Il doit y avoir mieux. — Penses-tu ! — En juin, c’était mieux. On ne se parlait plus : on attendait les Allemands et on était ensemble. Tiens : quand nos officiers se sont taillés… — Eh bien ? — Eh bien on était ensemble. Si c’était toujours comme ça entre les types, je ne baiserais plus qu’une fois par mois. » (p. 1590). Il s’agit d’une discussion à l’infirmerie du stalag avec un soldat amputé des jambes. Celui-ci évoque la vie d’avant : « Moi je baisais ma petite femme tous les jours. Un coup le matin, deux coups le soir. Je n’ai pas arrêté une seule fois, depuis le jour de mon mariage jusqu’à celui de la mobilisation. » Amputé, il s’exerce : « Tu ne sais pas à quoi je m’occupe la nuit ? dit Bollard. Je me mets sur le ventre et j’essaie pour voir si je peux encore faire les mouvements de l’amour. Parce que, je te le dis, pour les soins, je ne suis pas inquiet, elle fera tout. Mais il n’y aura pas mèche de la décider à monter sur moi. Elle ne veut pas. Ça la dégoûte. » (p. 1591). Par ces préoccupations constantes de la sexualité génitale en terrain difficile, Sartre se révèle très moderne.

Existentialisme vs naturalisme

Sartre a explicité dans cet extrait fameux de L’existentialisme est un humanisme (folio essais, p. 54 à 56), la différence entre existentialisme et naturalisme.
« Si les gens nous reprochent nos œuvres romanesques dans lesquelles nous décrivons des êtres veules, faibles, lâches et quelquefois même franchement mauvais, ce n’est pas uniquement parce que ces êtres sont veules, faibles, lâches ou mauvais : car si, comme Zola, nous déclarions qu’ils sont ainsi à cause de l’hérédité, à cause de l’action du milieu, de la société, à cause d’un déterminisme organique ou psychologique, les gens seraient rassurés, ils diraient : voilà, nous sommes comme ça, personne ne peut rien y faire ; mais l’existentialiste, lorsqu’il décrit un lâche, dit que ce lâche est responsable de sa lâcheté. Il n’est pas comme ça parce qu’il a un cœur, un poumon ou un cerveau lâche, il n’est pas comme ça à partir d’une organisation physiologique mais il est comme ça parce qu’il s’est construit comme lâche par ses actes. Il n’y a pas de tempérament lâche ; il y a des tempéraments qui sont nerveux, il y a du sang pauvre, comme disent les bonnes gens, ou des tempéraments riches ; mais l’homme qui a un sang pauvre n’est pas lâche pour autant, car ce qui fait la lâcheté, c’est l’acte de renoncer ou de céder, un tempérament ce n’est pas un acte ; le lâche est défini à partir de l’acte qu’il a fait. Ce que les gens sentent obscurément et qui leur fait horreur, c’est que le lâche que nous présentons est coupable d’être lâche. Ce que les gens veulent, c’est qu’on naisse lâche ou héros. Un des reproches qu’on fait le plus souvent aux Chemins de la liberté se formule ainsi : mais enfin, ces gens qui sont si veules, comment en ferez-vous des héros ? Cette objection prête plutôt à rire car elle suppose que les gens naissent héros. Et au fond, c’est cela que les gens souhaitent penser : si vous naissez lâches, vous serez parfaitement tranquilles, vous n’y pouvez rien, vous serez lâches toute votre vie, quoi que vous fassiez ; si vous naissez héros, vous serez aussi parfaitement tranquilles, vous serez héros toute votre vie, vous boirez comme un héros, vous mangerez comme un héros. Ce que dit l’existentialiste, c’est que le lâche se fait lâche, que le héros se fait héros ; il y a toujours une possibilité pour le lâche de ne plus être lâche, et pour le héros de cesser d’être un héros. Ce qui compte, c’est l’engagement total, et ce n’est pas un cas particulier, une action particulière, qui vous engagent totalement. »

 Les années 1940 et 50 furent riches en romans ou en expériences d’une sexualité hors-normes. Voir Le Rempart des Béguines, de Françoise Mallet-Joris, Un Barrage contre le Pacifique, de Marguerite Duras, Jules et Jim, et bien sûr Mémoires d’une jeune fille dérangée, de Bianca Lamblin. On n’oubliera pas non plus des romans plus anciens, comme La Garçonne, de Victor Margueritte, paru en 1922.
 Lire aussi l’article sur Les Mots, de Jean-Paul Sartre, (1964).
 Une intéressante étude sur les nuances entre amour et amitié, avec des éclaircissements sur les masques littéraires de Sartre et Beauvoir, se trouve dans cet article d’un site italien.

 L’Âge de raison fait partie des nombreux ouvrages que j’ai lus pour écrire mon essai Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay ». Et si vous l’achetiez ?

Lionel Labosse


© altersexualite.com, 2011
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[1Dans Entretiens avec Sartre, de John Gerassi, Grasset, 2011, p. 392, on apprend que le modèle d’Ivich était plutôt Wanda, la sœur cadette d’Olga, dont Sartre était tombé amoureux par dépit, Olga étant partie avec Bost.

[2Auto-dérision déjà sensible par le choix du nom « Delarue ».

[3Daniel semble en partie inspiré du personnage d’Édouard dans Les Faux-Monnayeurs, d’André Gide.

[4Ce passage semble inspiré de la vie de Marco : « le crâne dégarni, le visage éteint, la fesse lourde, il courait les kermesses de Montparnasse à la recherche de l’amour fou […] il nous présentait un jeune voyou en nous murmurant à l’oreille d’une voix extatique : « C’est un dur de dur » ou "— « C’est un cambrioleur ! » et même une fois : « C’est un assassin ! » » (La Force de l’âge, p. 578).

[5Ça y est ! J’ai mis un an à tomber dessus, et je vous livre cette information exclusive : l’adjectif a été sans doute inventé par Sartre, pour désigner les patients atteints du mal de Pott.