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Quelques musées & autres amusements.
Notes de voyage en France : Nice, Marseille, Lyon, Bourgogne-Franche-Comté…
Et une ou deux crucifixions pour la route…
samedi 12 septembre 2020, par
En cette « annus horribilis » coronavirale, avant et après m’envoler pour la Crète, je me suis décollé de mon ordinateur pour faire un petit aller-retour Paris-Marseille, en passant par Lyon & Dijon, puis la Haute-Saône, histoire de rendre visite à ma sœur, mon neveu, mon oncle et ma tante tout en visitant notre beau pays. Voici quelques notes de ce petit périple, augmentées de souvenirs de précédents séjours et d’un séjour à Nice en juin 2019. Mes photos sont visibles sur Comboost.
Plan de l’article :
Nice
Marseille
Lyon
Dijon & Montbard
Franche-Comté
Nice
J’étais déjà passé en coup de vent à Nice en 2009, lors d’un séjour chez un ami qui disposait d’une incroyable maison familiale sur la côte. J’en avais profité pour jeter un œil sur Monaco, et la tombe de Léo Ferré (photo). À Nice j’avais déjà repéré la fameuse Fontaine du soleil d’Alfred Janniot (1889-1969), avant sa restauration & remise en place. Elle était à cette époque en front de mer, et elle a été replacée en 2011 sur la place Masséna. C’est une des plus belles fontaines de France avec la Place des Terreaux à Lyon (que je n’ai pas photographiée). L’histoire de cette fontaine magnifique vaut le détour ; voyez l’article en lien. Apollon, Mars, Mercure, Gaïa, Vénus font la teuf pour notre grand plaisir. Le même Janniot est l’auteur du Monument aux morts qui se trouve derrière la colline du Château (tout à l’Est de la Promenade des Anglais). La ville est coupée en deux par une autoroute urbaine qui surplombe la gare, interdite à la circulation de nuit. Étant de passage pour un mariage, je n’ai pas approfondi la visite, mais je suis tombé par hasard sur la magnifique Église Sainte-Jeanne-d’Arc de Nice (1933) aux dômes en voile de béton, qui renferme un trésor méconnu, les superbes fresques de la Passion d’Eugène Klementieff (1933), peintre inconnu au bataillon, un de ces exilés Russes qui fourmillaient à Nice. À l’extrémité droite de l’œuvre, il n’a pas raté la scène des soldats dépouillant le Christ de sa tunique, que j’ai inventoriée dans mon article sur la Crucifixion.
J’ai aussi dégusté les spécialités locales, notamment les glaces incroyables de Fenocchio, par exemple glace à la tourte aux blettes !
Marseille
J’avais déjà passé quelques jours à Marseille entre deux voyages en août 2013, mais je n’en ai retrouvé aucune photo, sans avoir le souvenir que je me fusse abstenu de photos ! Quelques mots d’abord sur le trajet en train en plein délire coronaviral. Réserver un voyage en train est de plus en plus devenu un travail en soi. On est submergé de messages, d’écrans intermédiaires, d’informations inutiles qui nous font douter à tout instant qu’on ait bien agi. Je n’ai pas réussi à comprendre, sur le site qui s’appelle dorénavant « Oui.Sncf », comme si « SNCF » c’était devenu sale, quels sont les TGV normaux et les TGV low cost où vous êtes de plus en plus traité comme un projectile selon la formule de Paul Virilio, immobilisé dans un siège dont vous ne pouvez guère bouger, paradoxe de la grande vitesse. Pour gagner plus de fric, ils ont rogné sur tout, poubelles et toilettes en priorité ; je crois même qu’il n’y a plus de wagon restaurant. Il faut se restreindre en bagages comme dans les avions, et payer un supplément pour avoir un bagage normal. J’ignore ce qui se passerait en cas d’incendie dans un espace si confiné et si bondé, sans aucun espace libre. Dans l’un de mes trajets, j’ai même eu droit à une scène à épisodes où une contrôleuse qui gérait son wagon comme une provodnitsa russe infligea une contravention de 135 € à une femme qui avait dû retirer son masque et avait eu le malheur d’être assise de dos en début de wagon, car dès cet esclandre, tout le monde avait repositionné ledit masque. Elle a carrément fait intervenir la police ferroviaire à l’arrivée à Lyon Part-Dieu, et à la question d’un voyageur de savoir quand le train repartirait, elle a répondu que cela dépendait de la dame (si elle se résolvait à payer l’amende). Une belle scène d’humiliation et démonstration de nullité de la SNCF (l’incident ayant eu lieu au milieu du trajet, la police, à supposer que son intervention pour si peu soit légitime, aurait dû être présente dès l’arrivée du train au bon endroit). J’ai tant vu de scènes où des contrôleurs renoncent à verbaliser des gens manifestement non solvables qui voyagent sans billet et débitent des fables pour se justifier (ils ont malencontreusement égaré porte-feuille, papiers, etc. !) Il y a tellement peu de poubelles qu’on vous inonde les oreilles de messages (en plus des autres) demandant d’emporter les masques et de les jeter à l’extérieur du wagon. Pour un des trajets, j’avais pris une « place tranquille » pour 5 € plus cher. J’ai compris lors du trajet suivant, où je n’avais pas pris cette option : on se retrouve avec les familles et les gosses ! Faire payer pour ne pas être avec les gosses, voilà une belle invention de marketing gestapiste. Dans le temps, on avait des cartes de réduction pour famille nombreuse, pour personne âgée, et voilà tout. C’est quoi le progrès ?
Bref, j’ai eu honte pendant ce petit voyage, que les touristes japonais puissent assister à une telle décadence de la France, eux qui proposent des trains réguliers, où l’on peut emporter son bagage sans souci, déguster à l’aise son bento et travailler (ce qui permet aux Japonais d’abandonner la voiture car ils ne perdent pas de temps dans le train). Prendre un train en France pour un Japonais doit présenter le même aspect retour à l’état de pré-civilisation que de réserver une case lors d’un voyage dans le fin fond de l’Indonésie. Même sans parler de l’obligation de port du masque et de la façon gestapesque dont on la fait appliquer, tout dans la politique de la SNCF depuis des années vise à nous faire détester le train, comme je l’ai déjà exprimé par exemple dans cet article. Les crétins qui nous gouvernent n’ont pas compris que l’écologie ce n’est pas foutre de force des pékins dans un wagon, mais leur donner l’impression qu’ils y seront mieux que dans une voiture, et ce que l’on fait actuellement c’est exactement le contraire. L’impossibilité de monter un vélo dans ce type de train est encore une aberration : au revoir multimodalité ! J’avais par précaution scindé mon voyage en portions de 2 h maximum, faisant deux étapes à Lyon, aller et retour, de façon à ne pas avoir à supporter cela trop longtemps. Parmi les messages incessants dont on nous tartine les oreilles pour nous empêcher de profiter du voyage pour lire, on nous raconte que le train est désinfecté à fond entre chaque voyage. Ça, c’est l’info. Voyons maintenant les faits : à l’arrivée à Marseille alors que le train venait de Paris sans doute, les gens étaient déjà agglutinés sur le quai pour monter dedans car il repartait une demi-heure plus tard ! Bref, je ne vais pas vous ennuyer avec mes élucubrations, mais si vous avez une voiture, eh bien surtout continuez, n’écoutez pas les écolos français (enfin ceux qui ont droit à la parole) qui sont pour notre malheur des abrutis totalement incapables de se soucier de la qualité de la vie. Aujourd’hui on nous annonce que l’on va interdire les terrasses chauffées, « que rien ne justifie », mais bien sûr on ne va jamais interdire les écrans lumineux de publicité, car pour l’écologie punitive, ça c’est une dépense d’énergie utile ! Tiens, encore un détail peut-être significatif : sur les trois villes c’est seulement à Dijon que les auto-collants empêchant de s’asseoir sur un siège sur deux avaient été ôtés, conformément aux nouvelles instructions du 10 juillet. À Paris, c’est de la colle haute-performance et on peut attendre que la sueur les fasse fondre ! Sur mes 4 neveux et nièce, tous moins de 30 ans, les 4 ont une voiture alors qu’ils habitent en ville, dont 2 en Île-de-France, et utilisent le moins possible les transports en commun. Le message est passé ! Encore un détail : à Dijon, c’est la première fois que je remarque un ustensile dédié au paiement du transport par carte bancaire dans le tramway, en dépannage si on n’a pas pu acheter de billet. On passe juste sa carte sur le réceptacle, et ça indique « paiement validé » ou un truc comme ça. Bonne idée pour éviter les contraventions !
Grâce à l’abonnement transport vraiment peuchère de Marseille, je ne me suis pas gêné pour visiter toute la ville. Je me souviens bien qu’en 2013, j’avais tout vu grâce aux bus, au métro & autres tramways, des calanques & de la Cité radieuse du Corbusier, jusqu’à l’Estaque, très loin du centre. Cette année, je suis retourné voir la Basilique Notre-Dame-de-la-Garde. J’ai particulièrement apprécié les oiseaux en mosaïque du cul-de-four de l’abside, d’une précision naturaliste digne des gravures de François-Nicolas Martinet pour Buffon. Au Vieux Porc, pardon, au Vieux Port, un graffiti proclame un besoin naturel à mon âge, que je reprends à mon compte, à bon entendeur !
Devant le Mucem (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) il y avait un gros ours orange, plaisante sculpture et clin d’œil aux « bears » peut-être, ou aux petits jeunes fort décoratifs qui montrent « leur joli corps » comme dit Brel dans un autre contexte & pour un autre port. (Oui, je sais : ce n’est pas parce qu’on est au régime qu’on ne peut pas jeter un œil sur le menu !) Cela m’amusait d’ailleurs de comparer la mode estivale des jeunes, de plus en plus courte & colorée en ce qui concerne les bermudas façon plage & flashy à Marseille, bien plus classiques à Dijon, colorés mais moins flashy à Lyon ! J’avais déjà parcouru la promenade qui mène par l’extérieur du bâtiment, du Mucem au fort Saint-Jean, et je l’ai refait avec plaisir, constatant que la façade-résille ne tombe pas en ruine comme c’est souvent le cas dans les bâtiments flambant neufs. Par contre je n’avais pas apprécié le bâtiment prétentieux qui jouxte le Mucem, avec son étage en porte-à-faux. J’apprends que cette Villa Méditerranée est un four complet puisqu’elle a été désaffectée en 2018 et devrait rouvrir on ne sait quand (il y a aussi un projet fumeux de téléphérique entre le Mucem et Notre-Dame-de-la-Garde). Je me souviens avoir assisté en 2013 (on venait de l’inaugurer) à une séance risible de tentative de nettoyage très artisanal, à croire que l’architecte n’avait pas songé à ce détail ! Bref, cette fois-ci j’ai visité la collection permanente du Mucem, qui est de grand intérêt. Une exposition intitulée « Connectivités » est renouvelée fréquemment, et propose des tas de documents sur l’architecture mais aussi sur l’histoire des métropoles de la Méditerranée, de Lisbonne à Istanbul.
C’est je crois dans le carré consacré à Lisbonne que j’ai photographié ces trois statues de jésuites martyrs de Nagasaki, par Juan de Mesa (Séville, 1627) (voir cet article). Le rapport est sans doute ténu avec la Méditerranée, mais d’île en île… J’ai aussi photographié un carton des tapisseries de Jan Cornelisz Vermeyen (1500-1559) commémorant la prise de Tunis par Charles Quint, avec une occurrence unique de la scène des soldats dépouillant le Christ de sa tunique (le Christ est remplacé par une jeune mère !), à retrouver dans mon article sur la Crucifixion.
À Marseille, je me suis rendu tel un pèlerin en visite à Lourdes, devant l’lIHU Méditerranée Infection. Les journaux, y compris La Provence que j’avais à l’hôtel prévenaient qu’il y avait à nouveau la queue pour les tests devant l’Institut. De queue, je n’ai pas vu la queue d’une, et pourtant j’y étais un mercredi vers 15 h, jour idéal pour obtenir le résultat pour le week-end. De même je n’ai pas vu en trois jours un seul T-shirt à l’effigie de Raoult, à part le mien, ni dans une boutique, ni sur un beau Marseillais. En réalité (je veux dire à l’opposé des mensonges des médias), le Pr Parola qui a pris le relais en juillet du Pr Raoult pour les points video hebdomadaires de l’IHU, nous apprend qu’il y a environ 250 personnes par jour qui viennent faire le test directement à l’IHU, et 600 dans le secteur, ce qui ne suffit pas pour faire une file d’attente visible de l’extérieur. Bref, pour l’instant la 2e vague du coronavirus reste un rêve d’épidémiologiste. J’ai visité le musée d’histoire de Marseille, fort riche, dans lequel j’ai photographié ce tableau de Michel Serre (1658-1733), Vue de l’hôtel de ville de Marseille pendant la peste de 1720 (1721). Histoire de nous rappeler ce qu’est une vraie épidémie. 30 000 morts à Marseille, 130 000 en France, à une époque où il y avait dans les 20 millions d’habitants.
Au modeste Musée des Beaux-Arts de Marseille (situé dans le très beau parc du Palais Longchamp) j’ai admiré les œuvres d’Émile Loubon (1809-1863), notamment la Vue de Marseille prise des Aygalades un jour de marché (1853) dont un détail fournit la vignette de cet article. J’adore ce gros toutou immobilisé avec son ombre, et l’arrière-plan industriel d’une scène bucolique, qui me fait penser, à trente années près, à Une baignade à Asnières (1884) de Georges Seurat.
Lyon
J’avais passé quelques jours à Lyon au début des années 1990, avec mon amie Catherine, rendant visite à notre ami René qui s’y était installé brièvement. J’en ai un vague souvenir, je crois avoir juste visité Fourvière et la cathédrale Saint-Jean. J’y suis retourné pour le week-end du 11 novembre 2019, ce qui était une bien mauvaise idée, car par exemple les sites ouverts en principe le lundi étaient fermés le lundi 11 novembre férié, ce qui en dit long sur la façon dont le tourisme est envisagé dans notre pays qui croit vivre éternellement de cette rente. J’y suis donc retourné en juillet, et je n’ai pas encore fait le tour, mais Lyon constitue de toute façon un séjour plaisant, à deux heures de train de Paris. Dans la région, j’ai fait un tour dans l’Ain, à Pérouges, cité ancienne préservée pour le cinéma dont je n’ai pas pris de photos, puis au château des Allymes, à Ambérieu-en-Bugey, dont j’ai photographié la superbe charpente digne du chantier de Guédelon. J’ai constaté que les excités du féminisme sévissaient aussi dans cette ville avec leurs placardages souvent misandres. À l’église Saint-Nizier, j’ai admiré le chemin de croix moderne de Bruno Desroches, dont la station X, Jésus est dépouillé de ses vêtements, évite le thème des soldats jouant aux dés la tunique du Christ, mais n’en est pas moins une belle réussite (à voir dans mes photos).
Le Musée des Beaux-Arts de Lyon est fort riche, et mérite deux ou trois bonnes heures. Je n’ai pas pu visiter l’exposition Picasso, mais je ne le regrette pas car je n’aurais pas eu le temps après la longue visite de l’expo permanente. Les affiches pourtant récentes prévenaient : « réservez votre visite en ligne » au lieu de la bonne info qui aurait été « réservation obligatoire en ligne », mais inutile de protester dans notre nouveau monde où le citoyen non connecté 24 h / 24 est un suspect en puissance. Toujours dans le cadre des crucifixions, j’ai repéré un extraordinaire calice en ivoire du XVIIe siècle représentant les soldats jouant aux dés la tunique du Christ.
Par contre Le Partage de la tunique du Christ par Le Greco (1579) est un fort beau tableau qui évite ce motif. J’ai photographié un superbe buste de notre ami Fontenelle (1748), par Jean-Baptiste II Lemoyne. À noter que le bon Fontenelle avait 91 ans à l’époque ! Je soupçonne le sculpteur de l’avoir quelque peu rajeuni, car à cette époque je ne crois pas qu’on ait pu conserver toutes ses dents à cet âge !
Une tapisserie du XVIIe intitulée La Vengeance d’Hécube, réalisée en Chine d’après une gravure de Bernard Salomon sur les Métamorphoses d’Ovide, en fils de coton, fils métalliques, et satin de soie, a retenu mon attention pour la représentation d’une scène saisissante de vengeance contre un délinquant féminicide avec perforation des yeux, etc. À retenir pour mon cours sur le féminisme !
Je me suis amusé à constater certaines similitudes entre les musées de ces grandes villes. À Lyon comme à Dijon, le musée des Beaux-Arts proposait une vitrine consacrée au sculpteur François Pompon (1855-1933) ; à Lyon comme à Marseille, le musée des Beaux-Arts proposait une vitrine de tirages en bronze des Célébrités du Juste Milieu d’Honoré Daumier, dont les originaux en terre sont au musée d’Orsay. Félix Ziem et Albert Gleizes (crucifixions cubistes) étaient à l’honneur à Lyon & à Dijon, etc.
J’ai déjeuné à la fameuse Brasserie Georges, après de vaines tentatives. En été on ne réserve pas, mais c’est bondé aux heures des repas. Je m’y suis donc présenté vers 14 h, pour éviter de faire la queue. Hélas, il faut être deux pour déguster la légendaire omelette norvégienne ; me voilà donc réduit à inviter un jeune gône la prochaine fois… C’est la première fois que je vois des serveurs munis d’étranges et pratiques masques-mentonnières, comme j’en ai revu en Crète au mois d’août. Au chapitre culinaire, j’ai dégusté des sorbets bio à la boutique Terre Adélice (j’ignore si c’est la seule boutique, mais la marque est distribuée dans les boutiques bio), mais j’ai fini par les trouver un peu trop brut de décoffrage. Il y a d’autres excellents glaciers dans la région. J’ai arpenté le Cimetière de Loyasse, la tombe d’Édouard Herriot, la mystérieuse tombe des 33 jouteurs, etc. J’ai même dégotté une inscription en l’honneur d’un Jean-Louis Lambert, « célibataire de 55 ans », peut-être prémonitoire en ce qui me concerne…
Au musée gallo-romain de Fourvière visité en novembre 2019, j’avais repéré un trifrons celtique provenant de Nîmes, et de belles mosaïques. Quant à la Basilique Notre-Dame de Fourvière, je n’y ai pas pris de photos, sauf pour l’extérieur. Sur la presqu’île, on peut voir une plaque sur une maison où vécut Louise Labé. Enfin, au parc de la Tête d’Or, j’avais bien aimé la Centauresse et faune (1849), d’Augustin Courtet. Cas unique peut-être, ce centaure au féminin !
Pour en revenir aux détails pratiques, les conditions drastiques du protocole covid de l’hôtel soi-disant 4 étoiles que j’avais choisi à Lyon étaient radicalement différentes, en moins bien, de l’hôtel de Marseille d’où je venais juste avant : pas de ménage pour un séjour de deux jours, pas de buffet petit-déjeuner, et cela sans changement de prix, pas de plateau-bouilloire (mais café à la demande), et le sac pas gardé lors du checking-out, et sans qu’on en soit prévenu ! À l’hôtel de Marseille, tout était normal sauf le masque imposé dans l’établissement, et par exemple pour le petit-déjeuner, il suffisait de s’inscrire à une heure donnée pour éviter l’affluence. J’ignore lequel des deux hôtels était le plus dans les rails édictés par nos énarques, mais comme pour les transports, je note que toutes ces mesures drastiques sont faites pour le plus grand bénéfice des plateformes de location de logements privés, où ces mesures sont inexistantes.
Dijon & Montbard
J’ai quelques souvenirs d’enfance à Dijon, où j’ai habité au début des années 1970, je pense entre 1972 et 1976, donc entre 6 et dix ans. J’y ai mes premiers souvenirs de scolarisation, ce qui veut dire que je n’ai pas fait de « maternelle », enfin cela est si flou… Anne Sylvestre chantait déjà « La dame de Dijon ». Je me souviens aussi des spécialités gourmandes locales, depuis le cassis jusqu’aux croquantes « Jacquelines » inventées par le confiseur Michelin (désormais proposées par Mulot & Petitjean), hommage au « Jacquemart » de l’Église Notre-Dame de Dijon, dont les fausses gargouilles réalisées au XIXe siècle peuplaient mon imaginaire enfantin. Je m’étais initié à la poterie dans un centre éducatif de La Fontaine-d’Ouche, nom mystérieux relatif à un cours d’eau. Je me souviens aussi du lac Kir. J’étais retourné à plusieurs reprises dans la capitale des ducs de Bourgogne en 1990-91 car j’y suivais à l’université ma formation du mercredi en tant que prof stagiaire, cela s’appelait à l’époque « CPR ». Et puis j’y étais retourné une ou deux fois voir mon neveu qui s’y est installé (retour aux sources car il n’y a pas du tout passé son enfance) et bien installé car il a été élu conseiller municipal en 2020, et son frère qui y a entamé ses études d’histoire. J’avais aussi visité le fameux Puits de Moïse, œuvre du sculpteur Claus Sluter et de son neveu Claus de Werve, auteurs aussi des premiers Pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne, ceux de Philippe II de Bourgogne, dit Philippe le Hardi, qui furent si bien exposés jadis lors d’une exposition au musée de Cluny en 2013. Bref, je connais un peu cette ville, mais je voulais en profiter pour visiter à nouveau le musée des Beaux-Arts qui a été réaménagé voici une couple d’années. Je n’ai pas eu le temps de tout voir tant le musée est riche et bien présenté. Les œuvres sont accrochées à bonne hauteur pour qu’on les admire en détail, avec malheureusement des notices écrites tout petit et en bas, donc illisibles sans se faire mal au dos, alors qu’il y a des mètres carrés de surface disponible pour les agrandir ! Fléau mondial que cette manie des conservateurs de musée ! Par rapport au MBA de Lyon, celui de Dijon possède des œuvres mieux réparties de l’Antiquité au contemporain, et c’est une mine pour les activités pédagogiques. Voici quelques œuvres qui m’ont marqué : un Retable de la Passion, du « maître à l’œillet de Baden », fin XVe. Le Christ y est moqué par des espèces de fous en vêtements d’Arlequins, et tous les personnages ont des postures loufoques. Deux grands retables de la fin XIVe sont remarquables, notamment un Retable de la Crucifixion de Jacques de Baerze & Melchior Broederlam dont j’ai tiré mon détail favori, avec 4 soldats pour le prix de trois !
Dans la partie moderne, Le Repas des humbles, de Laurent Adenot (1923) me rappelle une nature morte dans Le Pianiste, de Roman Polanski.
J’ai apprécié un peintre dijonnais méconnu et mort jeune, Félix Trutat (1824-1848), dont le musée possède plusieurs toiles, dont le Portrait de l’artiste et de sa mère (1846). Il illustre l’article de Wikipédia sur le peintre. Vous avez aussi plusieurs œuvres intéressantes du sculpteur François Rude et de son épouse la peintre Sophie Rude née Frémiet, mais son propre, enfin leur propre musée se trouve à deux pas. Autre sculpteur de talent méconnu, Henri Bouchard (1875-1960) dont ce Faucheur (1904) vous rappellera Maxime dans M&mnoux !
François Pompon est bien sûr à l’honneur dans son département natal, et l’on peut comparer sa Panthère noire stylisée au Tigre qui marche d’Antoine-Louis Barye. Pompon le décrocha tardivement avec son Ours blanc, évoqué dans la BD Kiki de Montparnasse de Catel & Bocquet. J’ai aussi relevé une étonnante Crucifixion cubiste d’Albert Gleizes (1881-1953) datée de 1935 (on en trouve une autre version dans un triptyque de la Passion au Musée des Beaux-Arts de Lyon) et une peinture d’André Devambez intitulée L’exposition de 1937, vue de la tour Eiffel (1937). Vous trouverez ces deux tableaux dans l’article Le contexte artistique des années 30. J’ai également photographié deux tableaux que vous trouverez dans cet article : Les Cyclistes (1954), tableau futuriste d’Arpad Szenes (1897-1985), et un tableau rare de Jacques-Émile Blanche (1861-1942), Entraînement de Rugby (1930), de facture plus classique mais au sujet moderne.
Dans la rue de la Liberté, qui est l’artère centrale de Dijon, j’ai apprécié la sculpture moderne Sempervirens (2013) de Gloria Friedmann (née en 1950) : une tête humaine en forme de feuillage d’arbre. Une autre de ses œuvres Le Compteur du temps est installée un peu plus loin, mais elle m’a moins convaincu.
Ce périple s’est achevé à Montbard et au village de Buffon, où l’on visite la Grande Forge de Buffon. Je n’avais pas réalisé que cette Grande Forge date de 1768, alors que le grand homme avait 61 ans. Ce n’est donc pas là qu’il a mené ses expériences sur le refroidissement des sphères. On visite donc une forge ancienne, devenue entre-temps cimenterie, mais cela n’a pas grand chose à voir avec la personnalité de Buffon. Une fois n’est pas coutume, je vous recommande l’hôtel-restaurant Le Marronnier dans ce village, on y déjeune fort bien à des prix abordables, et l’hôtel que je n’ai pas essayé, semble d’un bon rapport qualité-prix. Plus intéressante fut la visite du petit musée de Montbard consacré au grand homme. Vous avez une expo temporaire actuellement consacrée aux réserves du musée de Dieppe, avec notamment beaucoup de volatiles naturalisés, dont notre amie la spatule de Cayenne, bien moins réussie que son dessin par François-Nicolas Martinet dont j’ai fait la vignette de mon article consacré aux œuvres de Buffon. Ce que j’ai le plus apprécié dans l’exposition, ce sont les volumes originaux qui remplissent une petite bibliothèque, sans malheureusement les volumes d’ornithologie avec les planches en couleurs, lesquelles constituent pourtant 90 % des illustrations retenues pour orner les deux musées et proposer des cartes postales, juste à cause de la couleur, ce qui est fort réducteur. Cela m’a rappelé les deux meubles du château de Charlottenbourg à Berlin où j’avais vu toute l’Encyclopédie. C’était fort émouvant de voir le petit volume in-duodecimo avec la carte de la chaîne des montagnes de Langres déployée sur 4 fois la largeur du livre. Pour le reste, c’était des in-octavo, et de même, la superbe illustration du cheval par Oudry était étalée, dépliée du volume. On peut regretter que 90 % des objets scientifiques exhibés dans l’expo soient postérieurs à l’époque buffonienne. Peu de meubles et d’objets lui ayant appartenu sont présents, pour cause de dispersion des biens à la Révolution, mais son véritable secrétaire a été retrouvé. Quand on visite le château et le parc, on voit la tombe très rudimentaire de Buffon dans une chapelle, ainsi que plusieurs « bureau de Buffon », dans une maisonnette ou dans une tour. Il devait se déplacer selon les époques de sa vie ou les périodes de l’année. Voir ces photos dans l’article 1 sur les Œuvres de Buffon.
Franche-Comté
En août j’ai été hébergé quelques jours & véhiculé par mon oncle et ma tante, désormais retraités et grands dévoreurs de route. Nous avons visité maints monuments d’une région si riche que je connais déjà un peu, l’ayant fréquentée depuis toujours, et beaucoup pour la rédaction de M&mnoux. L’Écomusée du pays de la cerise à Fougerolles (Haute-Saône) a été notre première visite. Beau bâtiment moderne coulé dans une ancienne distillerie, riche d’une quantité d’objets anciens, dont beaucoup sont nommés dans mon roman, comme par exemple auguets ou coffins. Parmi ceux dont j’ignorais l’existence, figure un étrange sténotype « Babycyl ». La visite peut se prolonger dans la boutique des alcools de Fougerolles, Grandes distilleries Peureux, propriété d’un grand groupe international qui n’a plus grand chose à voir avec ce modeste village, mais dont il est significatif qu’il ait choisi ce département inconnu au bataillon des régions touristiques françaises pour s’y implanter et en faire sa carte de visite internationale. Fougerolles est mondialement connu pour le kirsch, et c’est cette notoriété qui a attiré ce grand groupe.
Le Château de Champlitte fut notre seconde destination. Il abrite un autre très beau musée du même genre, avec de nombreuses salles qui reconstituent des ambiances typiques de la Haute-Saône. Dans celle consacrée à l’école, on admire la « chaise à fessée » que j’aurais bien expérimentée avec l’un des jeunes conférenciers ! Oui, je sais, mon grand âge ; mais ce n’est pas parce qu’on est au régime que l’on ne peut pas saliver sur le menu… Une pièce traditionnelle propose une alcôve en bois, ornée d’un « vireu », pieu de bois avec un bras articulé permettant à un enfant de virer, c’est-à-dire d’apprendre à marcher. Un escalier en colimaçon sans pilier central donne une vue vertigineuse. Une pièce cylindrique du château-musée présente un magnifique papier peint ancien du début du XIXe (1804), intitulé « Les voyages du Capitaine Cook ». Nous descendîmes aussi dans le Doubs, avec une première halte à Ornans au Musée Courbet, réaménagé en 2011 par l’architecte Christine Edeikins. Peu d’œuvres marquantes du peintre dans ce musée, hors Le Chêne de Flagey, et un magnifique autant que méconnu Soleil couchant (1875), manifeste impressionniste qui m’estomaqua. La petite ville vaut aussi par son panorama de gorges impressionnant sinon impressionniste, qui aurait mérité une randonnée.
Nous filâmes sans vergogne, après une halte dans un restaurant local bien sympathique, sur la Saline royale d’Arc-et-Senans, que je rêvais de visiter depuis des lustres, œuvre du renommé Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), dont un des pavillons (la tonnellerie) abrite un musée qui lui est entièrement consacré, ce qui est paraît-il, s’agissant d’un architecte, un cas unique en Europe. J’ai photographié une maquette de l’Oikema, incluse dans les « projets moralisants » de la ville de Chaux selon le musée, qui omet d’expliquer en quoi consistait cet édifice bizarre ! Vous saurez tout sur l’Oikema grâce à ce sujet de bac.
Dans la « berne » située à gauche de la maison du directeur, un orchestre répétait une symphonie de Beethoven, et les musiciens portaient les mêmes masques-mentonnières que les serveurs de la Brasserie Georges à Lyon. Le site est cerné d’une couronne de jardins thématiques. Une famille cygne de l’Étang du Malsaucy (où se déroulent les Eurockéennes en juillet) complète les photos.
Voir en ligne : Mes photographies de Nice, Marseille, Lyon, Bourgogne-Franche-Comté sur Comboost
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