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Sur les traces de Wilfred Thesiger, Jean-Christophe Rufin, etc.

Éthiopie : au pays des hommes aux dents pointues

Notes de voyage en Éthiopie (Harar, Awash, Dallol, Erta Ale…)

mercredi 26 mai 2010

C’est un peu par hasard que je me suis retrouvé en Éthiopie. Comme mes lectures, mes voyages se programment dans le plus grand désordre. L’Éthiopie figure depuis relativement peu au catalogue des voyagistes. Pays indépendant, fort peu colonisé, taxé d’une réputation de misère depuis la famine de 1985, c’est limite un peu louche comme destination. Et puis avec tous ces islamistes qui rançonnent les touristes, hein, ma brave dame… Eh bien, ce premier voyage, limité au quart nord-est de cet immense pays, s’est révélé époustouflant. Plutôt que de vous assener à froid mes impressions, voici quelques slaloms entre des livres à conseiller avant de partir. Attention : sur place, vous aurez rarement de l’électricité pour lire le soir, l’équateur étant proche, dans ce pays où, à l’instar de feu nos amis Babyloniens, les heures du jour se comptent à partir du lever du soleil (midi, c’est 6 heures !)

Cadavres sur la route

Ce voyage a commencé par un choc dès le jour 2, le cadavre d’une femme sur la route, rigolant de sang ; elle venait d’être renversée. En 44 ans d’existence, je n’avais pas vu ça ; sans doute avais-je croisé des macchabées routiers, mais déjà transférés sur le côté du macadam, avec la logistique adéquate. J’ai pensé à Jacques Prévert : « La terre qui tourne et qui tourne / avec ses grands ruisseaux de sang ». Dix jours plus tard, au sortir de la dépression de l’Afar, second cadavre, au milieu de la route comme le premier, mais déjà roulé dans un linceul, centre d’un attroupement. Les routes bitumées sur lesquelles fleurissent ces morts sont toutes neuves, malgré le climat et l’usage intensif qui en est fait. Elles ont été réalisées par des entreprises chinoises ou françaises. Les riverains n’y sont pas habitués, et les véhicules sans doute non plus, dont on retrouve tous les 10 kilomètres une épave fraîchement versée dans le fossé. Absence de toute organisation de secours, en plus. Les routes traversent les villages au milieu, huttes et enfants à gauche comme à droite, chèvres, chameaux, vaches et capharnaüm du marché pêle-mêle. Impression déjà que la mort n’a pas le même sens ici qu’ailleurs. Espérance de vie de 55 ans, mortalité infantile de 88 ‰… On pourrait se lamenter à la façon de France Inter sur cette pôvre Afrique qui est tant mal en point ; on peut aussi consulter des graphiques comme celui-ci qui relativisent les chiffres : avec le sida, le palu, les voitures pourries, etc., eh bien l’espérance de vie n’a que 80 ans de retard sur un pays comme la France (à supposer les chiffres fiables). Notre score actuel nous vaut un luxe toujours plus drastique de précautions qu’ignorent les populations plus fragiles : à quoi sert de faire la guerre aux fumeurs ou de sataniser les partisans du sans-capote quand l’âge moyen du décès du sida ou du cancer du poumon culmine au-delà de l’espérance de vie ? Je pense aux statistiques de Buffon sur l’’espérance de vie au XVIIIe.

Pour entamer la réflexion qui clora cet article, il faut évoquer le paradoxe — ou dilemme touristique ? — inhérent à ce genre de voyage, je veux dire pour son principal but, la dépression de l’Afar. On ne s’y bouscule point pour l’instant, à cause des conditions extrêmes : chaleur accablante (donc voyage impossible d’avril à novembre), pistes inconfortables, absence de toute infrastructure touristique (eau courante, douche, électricité, W.-C., jours et heures de repos des travailleurs, et autres caprices occidentaux). L’exploitation du sel s’y fait dans des conditions effroyables, médiévales et photogéniques [1], et son transport à dos d’âne et de chameau ; mais tout cela n’a que peu de jours devant soi, car le XXIe siècle cogne de toutes ses forces aux portes. Il n’y a pas de maisons, pas d’intimité, rien que des huttes ajourées, mais un groupe électrogène a déjà apporté la télé (oh, un modèle comme les ados français n’en ont même plus dans leur chambre depuis vingt ans, mais tout de même !), et un congélateur permettant de proposer des sodas à trente degrés en-dessous de la température ambiante — je veux dire à 15° ! Au moment où je suis passé par là — février 2010 — la route reliant le village à l’ouest venait d’être creusée, ce qui permet l’accès à d’autres véhicules que des 4x4. Dans quelques semaines, quelques mois, elle sera bitumée, ce qui signifiera la fin du transport du sel à dos d’animal, et quelques mois plus tard sans doute, la modernisation de l’exploitation elle-même, et tant mieux pour ces pauvres garçons qui se ruinent la santé. Et l’école s’agrandira, au-delà de la version minimale qui existe depuis 10 ans, apportant avec elle la civilisation, l’alphabétisation, mais aussi la fin du peu qu’il reste de la spécificité afar…

Mais laissons là ces réflexions et ces cadavres, et reprenons la route de Harar, la ville où croupit notre fameux Arthur Rimbaud. Impossible de trouver des renseignements sur la qualification d’Harar comme « ville sainte de l’islam ». Il semble que ce qualificatif soit limité à l’Éthiopie, or les Éthiopiens ne sont pas très catholiques, comme musulmans ! En tout cas, pour une ville sainte, elle se pose là, la bière coule à flots, la mosquée centrale, qui a été transformée en église orthodoxe par Menelik II je crois, est toujours église, dans l’indifférence générale. Pourvu que ça dure ! Musulmans, chrétiens et animistes semblent vivre en bonne entente dans ce pays, chose rare. Ceux qui rêvent de se faire enlever par des islamistes en djellaba en seront pour leurs frais : il n’y en a pas la queue d’un ! Cette répartition harmonieuse des cultes, l’usage d’une langue indigène, ajouté au fait que l’Éthiopie a échappé à la colonisation au XIXe siècle, plus peut-être la situation climatique privilégiée de sa capitale Addis-Abeba (2500 m d’altitude), ne sont sans doute pas pour rien dans le choix de cette capitale comme siège de l’Organisation de l’unité africaine, en 1963, puis de l’Union africaine à partir de 2002. Ouvrons quelques livres, car la réalité n’est jamais aussi réelle que dans les livres…

Wilfred Thesiger : chasseur et ethnologue amateur

Wilfred Thesiger (1910-2003), est un aventurier remarquable. Sa passion pour l’Éthiopie, ou plutôt l’Abyssinie, date de sa naissance à Addis-Abeba dans la légation britannique : son père représentait la Grande-Bretagne auprès de la cour du roi Ménélik II. Dans ses Carnets d’Abyssinie, retrouvés tardivement et publiés en 1996 (traduits en 2003 par Alain Boriès pour Hoëbeke, Collection Étonnants voyageurs), Thesiger raconte comment il a été amené à explorer le cours de l’Awash. C’est en souvenir de son père que Hailé Sélassié Ier, le mythique « Ras Tafari » (littéralement « Prince qui sera craint ») invita Wilfred Thesiger à son couronnement en novembre 1930. Trois ans plus tard, il obtint l’autorisation de chasser en territoire danakil (l’actuel triangle Afar), et d’explorer le cours de l’Awash jusqu’à l’endroit où le fleuve se perd dans le désert (d’où l’expression éthiopienne « les grandes rivières font les petits ruisseaux » !). Un seul Européen, à sa connaissance, est sorti vivant de la région. Il s’agit d’un certain Ludovico Marcello Nesbitt, complètement oublié semble-t-il sur la Toile, à part ce bel article en italien. C’est la lecture du récit de voyage de ce dernier, publié en 1930 en revue, puis repris en 1934 sous le titre Desert and Forest, qui inspire Thesiger. Il le cite sur la question des meurtres rituels, sur lesquels son opinion évolue : « Au début, en 1930, j’étais hostile à ces meurtres continuels entre Danakil ; puis, j’ai accepté cet usage comme faisant partie de leur mode de vie ; je n’ai jamais ressenti le désir de les voir soumis à une autorité étrangère, et civilisée. Au contraire, je me mis en devoir de consigner par écrit tout ce que je découvrais de leurs usages tribaux, y compris cette habitude d’évaluer la bravoure d’un homme au nombre de ses meurtres » (p. 92). Cette attitude, qui n’est pas sans rappeler Montaigne (Essais, I, livre XXXI, « Des cannibales » : « Nous les pouvons donc bien appeller barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. »), nous vaut un récit glaçant mais séduisant par son flegme et son objectivité : « Toute personne de sexe masculin, y compris un bébé au sein, compte comme un meurtre. Ils châtrent toujours leurs victimes, même si celles-ci sont encore vivantes, s’ils en ont la possibilité ». Thesiger rapporte pour l’infirmer une affirmation de Nesbitt selon laquelle les Danakil feraient sécher et exposeraient « dans leur hutte ou sur eux les organes prélevés sur le corps de leurs victimes ». Selon lui, « Le trophée est exhibé dans tout le village, puis on le jette » (p. 93). Par contre, les testicules des animaux sont portés pour porter chance à la chasse.

Le livre est constitué d’extraits du journal de Thesiger. Le ton est original, car l’auteur était savant mais pas cuistre, et sans être ethnologue, s’intéressait aux peuples qu’il rencontrait autant qu’à la cynégétique. Il note comme en passant les coutumes effrayantes de ses charmants camarades de chasse : « Tant qu’un Danakil n’a pas tué, on le traite de femme, et il n’est pas autorisé à se marier » (p. 42). Sa vision des hommes qu’il côtoie pendant ces longues campagnes semble froide et détachée, mais bien sûr, qui lit entre les lignes se demandera pour quelle raison la part féminine de l’humanité est joyeusement absente des pensées et du récit de notre explorateur ! « Un jeune et beau chef du nom d’Hamdo Ouga a visité notre camp. On lui donne dix-huit ans environ ; il se montre amical, ouvert et souriant, et fait preuve d’un charme considérable. Son père, guerrier réputé et chef influent, est mort. Dans sa tribu, certains se sont opposés à ce qu’Hamdo Ouga lui succède, car il n’avait tué qu’un homme. […] Quand nous l’avons rencontré, il venait de revenir avec quatre trophées ; plus personne ne conteste son droit à être chef. Il porte à présent un peigne en bois dans ses cheveux coiffés avec du beurre clarifié ; cinq lanières de cuir pendent au fourreau de sa dague. Je le vois tout à fait comme l’homologue danakil d’un gentil élève d’Eton un peu embarrassé qui viendrait d’être nommé représentant des couleurs de son école au cricket » (p. 141). Quelques jours plus tard, la mort de ce garçon a « contristé » Thesiger, mais il conclut par ce trait, emblématique de sa philosophie : « J’ai touché du doigt la précarité de la vie de ces Danakil. Cela ne les empêche pas d’être gais et souriants malgré ces morts incessantes. En tout cas, ils ne sont assurément pas touchés par l’ennui qui, de nos jours, écrase si lourdement notre jeune civilisation urbaine » (p. 149) (arguments auxquels semble faire écho le récit de Rufin, cf. infra). Il avait d’ailleurs cofinancé son exploration avec un jeune compatriote, et, même si la première partie en sa compagnie s’est bien passée, il se déclare content, lorsque celui-ci ne peut plus suivre à cause de son état de santé, de se retrouver seul avec des Éthiopiens, et se réjouit des dangers qu’il va affronter en compagnie de ses compagnons en qui il a totalement confiance (p. 88). Ces propos sont confirmés lorsque, à l’issue de son exploration, déçu par l’attitude des coloniaux français qu’il rencontre, Thesiger conclut : « Je ne ressens nul désir de retourner à la civilisation ; je préférerais être encore à la sortie de la gare d’Awash, avec l’Awash devant moi à explorer. » (p. 260). Cela ne l’empêche pas de tenter de rencontrer Henri de Monfreid à Djibouti, qu’il rate de peu ; il est tenté d’acheter son boutre, qui est à vendre, mais cela ne se fait pas. Il rend hommage à un militaire français, le capitaine Bernard, qui se fait tuer au cours d’un raid par des Asaïmaras, ce qui lui fait comprendre que lui-même a eu bien de la chance. Il cite le rapport du médecin qui découvre le cadavre mutilé selon la coutume afar de prélever les parties génitales des vaincus : « Des clavicules à l’entrejambe, tout le devant du tronc manque. La gorge et la cavité abdominale sont béantes. La trachée a été coupée. Le poumon droit et le cœur son absents. Seul reste le poumon gauche. Le diaphragme, l’estomac, le foie, la rate et la plus grande partie des intestins ne sont plus dans la cavité abdominale… La verge a été coupée d’un coup d’épée et les deux testicules sortis des bourses… » (p. 248). Glups, n’est-il pas ?

Les trois pages consacrées aux rites de mariage des Asaïmaras et des Adoïmaras, les deux tribus ennemies, sont édifiantes. « Si un homme ne parvient pas à engendrer, il peut donner ordre à sa femme de cohabiter avec un autre pour essayer d’avoir un enfant par ce moyen. S’il est laid et souhaite avoir un enfant beau, il peut demander à sa femme de coucher avec un homme de belle apparence, même si celui-ci appartient à une autre tribu » Pour le reste, on apprend que « Un Asaïmara peut avoir dix femmes », mais les Adoïmaras se contenteront de quatre. Lors de la demande en mariage, le rite Adoïmara est dangereux, car l’homme doit enlever la femme sur autorisation paternelle, avec quelques copains, mais celle-ci se défend avec ses copines, à coups de pierres et de bâtons, et il arrive que l’homme soit blessé ou meure ! S’il l’enlève, on attache la femme sur un chameau « en rut, le museau blanchi d’écume », de façon qu’elle soit bien secouée, etc. (pp. 160 à 162). Plus loin, on trouvera le détail des coutumes en cas d’adultère : « Un Adoïmara qui surprend un homme avec sa femme demande à celui-ci : ”Est-ce que tu me connais ? ” Si l’homme répond par la négative, on continue au couteau. S’il répond par l’affirmative, le mari l’attache par le cou avec le shash de sa femme […] et le conduit devant les anciens de la tribu. » (p. 187).

Genital mutilation, Abebe Zelelew
Musée National, Addis-Abeba

En ce qui concerne la circoncision, les rites différents des deux branches afar sont décrits en deux pages. Les Asaïmaras sont circoncis en groupe un jour particulier. Il s’agit d’être brave, de partir à la chasse juste après l’opération, et de ramener une bête selon le courage, entre l’oisillon et le phacochère ! Les Asaïmaras sont circoncis soit à la naissance, soit vers 10 ans s’ils sont destinés à épouser « une femme Issa », après quoi « ils peuvent participer à un raid : on cite des cas de garçons de neuf ans ayant tué un adulte » (p. 212). On s’amusera de ce que, après ces deux pages, la question de l’excision soit expédiée en un seul paragraphe terrible : « L’excision est pratiquée chez les filles soit avant le mariage, soit, plus souvent, à la puberté. La blessure est cousue avec de longues épines de mimosa liées aux deux extrémités avec du fil de coton. La jeune fille a les genoux attachés, elle reste ainsi ligotée un mois ou davantage. Après chaque naissance, on la recoud et on lui attache de nouveau les genoux, jusqu’au moment où elle a mis au monde trois enfants. On la recoud à chaque fois. » (p. 212). Etonnez-vous, après, qu’elles tentent de tuer le type qui veut les épouser ! Voir ci-dessus Genital Mutilation (120 x 80), peinture et gravure sur bois, 2003, d’Abebe Zelelew, photo prise au Musée national d’Addis-Abeba (voir une autre photo d’un dessin dans une école afar, dans l’article sur l’excision) [2].

La région semble pacifiée, mais le Kalachnikov sied au teint du péquin local qui déambule le long de la route ou dans le désert. On ne peut pénétrer dans la région qu’escorté par un ou deux policiers afars, selon l’état des relations avec l’Érythrée, et quand on visite le fameux volcan Dallol, mais cette visite est un moment inoubliable. C’est un des paysages les plus étonnants au monde, on a l’impression de marcher sur un Van Gogh.

Volcan Dallol

Il se trouve que j’avais acheté un reflex numérique juste avant ce voyage, revenant à ma passion ancienne pour la photo. J’avais abandonné le reflex d’antan depuis la chute de mon vieux Pentax que je traînais depuis l’adolescence, à la fin de mon voyage en Inde, et par fainéantise, j’avais opté pour un compact numérique. Eh bien, le Dallol m’a donné envie de mitrailler, ce qui n’avait jamais été ma tasse de thé. Pour le reste, j’ai dû réussir deux ou trois photos, mais rien à voir avec ce qu’on trouve sur Internet, comme ce remarquable reportage photo au Danakil, ou bien sûr la galerie citée en haut de l’article, sur laquelle on peut rester des heures, je préfère vous prévenir ! Ce n’est d’ailleurs pas seulement une galerie de photos, mais un site, comme son nom l’indique, destiné aux enfants adoptés d’Éthiopie, et à ceux qui s’intéressent à ce pays, et une mine d’informations.

Les causes perdues, de Jean-Christophe Rufin

Jean-Christophe Rufin a publié le roman Les causes perdues chez Gallimard en 1999. L’action se passe pendant la famine de 1985. Le narrateur est Hilarion, un vieil Arménien veuf, qui a perdu son seul enfant. Il est le dernier homme de culte arménien dans la ville. Installée depuis le XVIIIe siècle en Abyssinie, sa famille a fréquenté les cercles du pouvoir, mais ne s’est jamais mélangée. J’introduis ici une digression, même si le romancier n’a pas approfondi la question : l’Arménie et l’Éthiopie ont quelques points en commun qui justifient le choix de ce personnage. Il existe d’ailleurs encore une communauté arménienne en Éthiopie. Ce sont les deux premières nations à avoir adopté le christianisme comme religion d’État, l’Arménie vers 310, l’Éthiopie vers 330 ; leurs alphabets, tous deux uniques au monde, se ressemblent étrangement, et datent de la même période ; les deux peuples ont un goût prononcé pour les fresques parfois martyrophiles dans les églises, et leurs crosses épiscopales se ressemblent, adoptant un pommeau qui n’est pas sans évoquer l’influence indienne de la Kundalini. Voici des crosses dans l’église Abreha Atsheba du Tigré, à comparer avec une photo dans mon article sur l’Arménie. Fin de la digression.

Crosses dans une église éthiopienne.

Dans sa solitude, Hilarion se réjouit de l’arrivée d’un groupe d’humanitaires européens. Cela lui permettra de pratiquer le français, et il relate tout dans son journal, en usant de l’imparfait du subjonctif [3]. Hilarion se prend d’affection pour Grégoire, le responsable de la logistique, comme d’un fils de substitution. Il se méfie de Jack, « un vieux comme moi et de la même race qui aime les jeunes » (p. 45). L’intrigue consiste pour Hilarion à trouver des arguments pour que Grégoire décide de rester, malgré les signes évidents de ce que le gouvernement éthiopien manipulait l’aide humanitaire pour déporter les populations affamées. Quand Grégoire qualifie les vieux Italiens de la bourgade de « fascistes », Hilarion rectifie : il les appelle « ensablés » : en gros, des pauvres gars qui sont restés en Afrique parce qu’ils n’avaient pas de quoi rentrer. Hilarion reprend la légende sur les Afars, en évoquant le commerce de son grand-père : « le plus grand succès, dans ce registre, avait été l’introduction des grenades striées, que les soldats laissaient pendre autour du ventre, répliques industrielles, pesantes et dangereuses, des colliers de testicules, trophées dérobés à leurs ennemis défaits, que les guerriers étaient accoutumés à porter pour célébrer leur virilité » (p. 66). Voici une photo, prise par un camarade de voyage, d’un type ainsi harnaché de grenades, dans un village nomade…

Guerrier Afar avec grenades.
Photo anonyme. Éthiopie, 2010.

Et, dans le village afar proche du site du volcan Dallol, un garçon de 5 ans nommé Ali nous a charmé et fait rire, avec une attitude qui peut-être ressortit à l’ultime résurgence de telles traditions. Il nous ravissait avec ses grimaces photogéniques, il louchait, faisait des cabrioles, se suspendait à toutes les perches, et voilâ-ti pas qu’il avise une montre qui pend à ma ceinture avec un mousqueton (je fais ça quand il fait trop chaud). Ali s’empare de l’objet, se le fixe à la ceinture de son petit caleçon — jusque-là nous trouvions ça purement mimi — et se met à le balancer d’une manière suggestive, puis se couche sur un lit, et se frotte le bas-ventre orné de cet objet phallique prélevé sur un ennemi — moi — avec maints soupirs et étirements de langue, qui prouvent que le domicile familial n’est qu’une hutte sommaire comme il en pullule autour de nous, dépourvue de la plus élémentaire notion d’intimité !
Revenons à nos moutons. La profession de foi de Grégoire reprend les arguments de Thesiger. Il reproche à la femme médecin de son équipe de lui avoir donné pour argument pour prolonger la mission « rien ne vaut une vie ». Il lui oppose la devise des Italiens : « Ca custa lon ca custa », « coûte que coûte » : « Au lieu de dire que nous ne croyons à rien et que c’est pour cela que nous sommes incapables de justifier la mort, nous préférons glorifier la vie » (p. 104).

Le récit prend une tournure originale quand Grégoire est l’objet de ce que Ricardo, un vieil Italien, appelle « madamismo », un mot d’ailleurs plus ou moins officiel pour désigner comme en toute colonie les relations entre hommes coloniaux et femmes indigènes. Mais pour Ricardo, ce « madamismo » a souvent pris en Éthiopie la teinte d’une maladie, qu’il nomme « antchilite », d’après antchi, « toi » dans la langue locale sans doute (p. 136), parce que les victimes de cette maladie appelaient leur compagne par ce mot. Or contrairement aux clichés sur les amours de ce type, la fille noire n’est pas l’innocente victime d’un « sugar daddy » blanc, selon l’expression consacrée. Au contraire, le récit relate plusieurs exemples d’Italiens déclassés à cause de leur passion pour des Éthiopiennes qui les quittent pour des princes locaux. Ils ont tout abandonné pour elles, elles les ont laissé tomber, mais qu’à cela ne tienne, tel cet homme devenu mendiant, et que l’empereur a dû engager pour s’occuper de ses lions (p. 177) ! Cette information devient le moteur du récit, puisque non seulement Grégoire motive son revirement sur l’objectif de sa mission par amour pour une fille que le gouvernement a la bonne idée de faire interner pour prostitution, mais aussi la femme médecin dont il critiquait l’attitude va être victime de la même maladie, en se prenant d’un amour forcené (et très altersexuel !) pour le chef du village : « mélange écœurant de grands sentiments et de petites fornications » (p. 192), amour qui l’amènera par l’action à transcender son « rien ne vaut une vie ».

Marc de Gouvenain : Retour en Éthiopie

Marc de Gouvenain, un personnage fascinant par son éclectisme, a publié un court récit chez Actes Sud, intitulé Retour en Éthiopie (1990, Babel, 194 p.). Le dessinateur Hugo Pratt, qui a vécu dans son adolescence au cœur de la brève aventure coloniale italienne en Éthiopie, a préfacé ce livre. Les remarques de ce voyageur sans prétentions percutent souvent. Par exemple celle-ci : « Vu hier un groupe de paysans qui couraient en chantant. " Wo yé, wo yé, wo yé. Nous vaincrons car nous sommes les plus forts. Wo yé, wo yé, nous gagnerons toutes batailles en tous pays, wo yé, wo yé… " Ils se déplacent souvent ainsi, sur les longues distances qui les séparent de leurs villages, pour rythmer leur allure, scandent leur pas en brandissant leur bâton. » (p. 54). Il a su rendre une caractéristique peut-être transversale de ce peuple d’athlètes. Bien loin des régions traversées par Gouvenain, l’une des images qui me resteront de ce voyage, c’est sur la ligne d’horizon du lac de sel du Dallol, une file de quatre hommes rentrant au village vers 16 heures, 9 kilomètres à pied par une température de 45°. Ils marchaient en lançant leurs mollets en cadence, comme s’ils étaient reliés par des bielles invisibles. J’imagine qu’eux aussi chantaient. Je n’ai pas de photos de cet instant, gravé uniquement dans ma mémoire.

À propos d’un peuple qu’il nomme les « Caraïous », dont je n’ai retrouvé aucune trace sous ce nom sur Internet (voir l’article peuples d’Éthiopie de Wikipédia), Marc de Gouvenain écrit : « Les Caraïous, hommes et femmes, ont de l’allure, leur maintien, leur mépris même, fascinent. Ils sont de ces peuples auxquels l’Occident envie une liberté mythique, en masquant le fait qu’ils sont beaux parce qu’ils sont jeunes — la limite d’âge ne doit pas dépasser quarante ans — et que seuls les plus forts ont résisté à une mortalité infantile terrifiante » (p. 168). Une réflexion intéressante sur l’influence de la sélection naturelle sur la « race » ! Cependant, Marc de Gouvenain ne tient pas compte des propos de Thesiger sur la licence de faire faire ses enfants par un plus beau mec ! Est-ce encore valable, et chez quels peuples ? Je ne crois pas d’ailleurs à la pertinence de cette remarque, car comme dit plus haut sur l’évolution de l’espérance de vie, la mortalité infantile était aussi haute en Europe au début du XXe siècle, et aurait-on pu en dire autant de la beauté des Européens ? D’autres facteurs doivent primer.

Guerriers nus et arts premiers

Les Guerriers nus, de Christian Bader, Payot, 2002. Entre carnet de voyage d’autodidacte et essai ethnologique. Ne bavez pas sur le titre, sans doute choisi par l’éditeur, car l’ouvrage est aride, sans la moindre photo d’autochtone à poil, et la nudité polémologiste n’est pas du tout le prétexte du voyage de ce monsieur. On peut plutôt le situer dans la lignée de Thesiger, car il semble avoir recherché une des rares destinations encore difficile et un peu risquée dans un pays qu’il connaissait déjà bien. J’ai tiré de ce livre pour mes archives pédagogiques (ou par exemple pour le thème « Génération(s) » en BTS) une belle page sur les rites de passage chez certaines populations du sud de l’Éthiopie. Voici une courte citation, mais l’extrait de deux pages est tout à fait exploitable en classe. « Les jeunes guerriers passent une bonne partie de leur temps à se livrer, par jeu, à des simulacres de duels à l’aide de bâtons de bois poli d’une longueur variable (de 2 mètres à 2,60 mètres), dont l’extrémité est sculptée en forme de phallus et qui sont appelés donga, au pluriel dongen. […] Le duel au donga fait également fonction de cérémonie d’initiation ; il permet aux jeunes hommes appartenant à la classe d’âge des tegai de devenir des adultes ou, plus précisément, d’accéder à la classe d’âge des rora ou « anciens ». (pp. 116-118). Le relevé du vocabulaire de ces tribus sans écriture est d’ailleurs le dada de l’auteur, qui, un peu comme Thesiger, ne se paie pas de mots, ne claudelévistrausse guère, si vous permettez l’expression !

Fresque, église du Tigré

Cela m’amène à une réflexion sur le Musée du quai Branly. L’espace fort réduit qui y est consacré à l’Éthiopie ne relève en rien de l’art premier, et vient comme un cheveu sur la soupe dans l’exposition permanente : y sont proposés notamment des parchemins orthodoxes en guèze et quelques peintures d’églises – donc pas de l’art premier, puisque basées sur le Livre saint – d’ailleurs pas terribles par rapport à celle-ci (du XVe) que j’ai photographiée dans l’église Abreha Atsheba du Tigré. Ne lui trouvez-vous pas quelque lien de parenté avec ce masque de Maha-Kola du Sri-Lanka de 1890, prêté par le Völkerkundemuseum de Munich pour l’expo « La Fabrique de l’image » en 2010 ?

Masque de Maha-Kola, Sri-Lanka, 1890
Völkerkundemuseum de Munich

On trouve aussi au Quai Branly des crosses et des bijoux, notamment les fameux cure-oreilles éthiopiens. Je n’avais vu ça nulle part au monde, mais il se trouve que j’utilise depuis quelques années – au grand dam de mon oto-rhino – des cotons-tiges d’une marque que j’hésite à citer ici (à moins qu’ils paient !), qui ont un bout cure-oreille (appelé « coupelle » par le fabricant) et un bout coton-tige. Je suppose que l’inventeur a voyagé en Éthiopie !

Cure-oreille éthiopien.
Comparaison avec un coton-tige à coupelle.

Bref, j’ignore s’il existe un endroit à Paris ou en dehors d’Éthiopie [4], où l’on pourrait voir ces « donga » qu’évoque Christian Bader, mais c’est quand même dommage qu’un musée si riche en ce qui concerne l’Afrique n’expose quasiment rien de primitif – pardon, d’art premier – sur l’Éthiopie… Pour avoir une idée de la technique du donga, voici un article très documenté, mais malheureusement pourri ras la gueule de pubs qui risquent de polluer votre écran… À voir ces photos, on se dit que si ces bâtons sont ethnologiques, ils ne sont peut-être pas dignes de l’appellation d’art premier, et pourtant s’il y a une sculpture phallique au bout de ces fameux dongen, il a bien dû exister, à un moment ou à un autre, une version un peu plus travaillée, par un sculpteur de prestige, pour valoriser quelque jeune combattant né de la cuisse de Jupiter… Peut-être manque-t-il un grand musée qui réunirait des outils ou de simples objets du monde entier, à l’exemple des musées ruraux, musées d’arts et traditions populaires, ou écomusées pour la France ? Pour en terminer sur ce sujet, je vous renvoie au superbe site – pédagogique et sans pub – de photos « Toi qui viens d’Éthiopie », avec une galerie extraordinaire sur le donga, où sera amplement rassasiée votre curiosité — purement ethnologique, cela va sans dire — sur les « guerriers nus »… Mais revenez-moi quand même pour lire la fin de l’article !

Ah, à propos d’églises, voici un détail et une photo de la voûte peinte et sculptée de l’église Abreha Atsheba, dans laquelle on distingue clairement deux svastikas, l’une dextrogyre, l’autre lévogyre. Cela ajoutera un élément au dossier destiné aux ignares qui persistent à prétendre mordicus que seule la svastika nazie est dextrogyre (j’ai déjà abordé cette question dans mes articles sur la Chine et sur l’Indonésie, hélas sans photo).

Voûte d’une église du Tigré.
Motifs de svastikas lévogyres et dextrogyres.

Tribus : « Freaks » ? (Attention : chapitre contenant des réflexions pas politiquement correctes. Danger d’occlusion spirituelle !)

La mention de ces tribus, auprès desquelles se ruent les derniers « aventuriers » du XXe siècle, et quelques agences de voyage pour les plus photogéniques d’entre elles (Surmas ou Mursis), devrait nous interpeller quant aux Objectifs du millénaire pour le développement de l’ONU. L’objectif n°2, par exemple, est bien gentil, mais à terme, si l’on assure l’éducation primaire, cela n’entraînera-t-il pas la mort de toutes les populations primitives (je veux dire dépourvues d’écriture) ? Un fait remarquable en Éthiopie, est que grâce au pragmatisme d’État, quand l’alphabétisation est à l’ordre du jour, elle est faite en même temps en amharique et en anglais, de sorte que les gamins de 8 ans et les adultes manient la langue de Shakespeare mille fois mieux que moi (ce n’est pas une référence !) Quant à la promotion des femmes et toutes ces préoccupations occidentales, là aussi, cela n’est pas compatible avec la survie de certains peuples, ou du moins leur survie en tant que peuple. Les individus survivront jusqu’à leur mort, mais leur culture sera assimilée, à l’instar des Indiens d’Amérique ou de Patagonie, sans parler de nos Tsiganes, qu’on ne peut tolérer que s’ils se sédentarisent, donc s’ils renoncent au cœur de la tsiganité ! Comment se fait-il que quand on évoque l’excision ou l’infibulation, nous hurlons à la barbarie en chœur avec Ségolène et France Inter, alors que quand on nous parle femmes à labrets ou à cous de girafe, nous nous précipitons, zooms en érection ? L’infibulation et le labret ne sont que les deux faces du même état de développement, mais est-ce qu’on photographierait le sexe cousu aux épines d’acacia de cette femme ? Est-ce que des agences de voyage nous allècheraient de cette perspective ? Les millions de visiteurs des fameux « zoos humains » des expositions coloniales, ci-devant nos grands-parents, n’avaient pas conscience d’être racistes, et ce n’est qu’après l’an 2000 que les historiens se sont mis à les vilipender, de même que les gais consommateurs de Banania lorsqu’ils achetaient la célèbre boîte au tirailleur hilare, n’avaient pas conscience d’être des sales nazis tels que le politiquement correct ambiant les a requalifiés. Eh bien ! nous autres touristes et nos tour-opérateurs, n’aurons-nous pas la queue entre les jambes quand nos chers petits-enfants nous traiteront de racistes parce que nous consommâmes du kérosène, dans les années 2000, pour mater des femmes à labret ? En plus, on aura quatre-vingt-dix berges, et pas encore en retraite, nos jeunes collègues enseignants apprendront à nos élèves que vraiment en 2010, c’était la honte ce tourisme voyeur et pollueur, etc. [5] !

Permettez-moi de suggérer aux politicards de gauche et de droite qui s’escriment à nous sortir de leur chapeau des lois contre le voile islamique, puis contre la burqa, puis contre quoi ? dans le but de faire passer en douceur l’enculage profond de nos retraites, qu’à ma connaissance, il n’existe en France aucune loi contre le port du labret ; or il n’est rien de plus contraire à la dignité de la femme, pardon, de la Femme, que dis-je ? de La Femme, que le labret. Je propose donc un grand débat national sur la question, des sondages, la une de TF1, et le vote d’une loi juste avant les prochaines élections, pour faire cesser cet état de choses, ainsi que l’envoi de frappes chirurgicales sur l’Éthiopie pour écraser à coups de lattes cet obscurantisme hors d’âge !

Revenons à nos pacifiques moutons… Je viens de voir le film mythique de Tod Browning, Freaks (1932). Ce film pose à propos des « monstres », le même type de problème. Les progrès de la médecine empêchent désormais dans les pays développés de telles naissances monstrueuses. Un tel film serait donc impossible aujourd’hui [6], l’échographie et l’avortement ayant privé l’humanité de ces êtres humains. Le progrès nous privera-t-il à terme de toute particularité ethnique, au moment même où certains performers renouent avec ces traditions barbares ? Et pourquoi, après tout, le Musée du Quai Branly n’exposerait-il pas des peaux humaines présentant tatouages ou scarifications ?

Cherif Ali Nour
Dallol, février 2010

C’est une question philosophique, autant dire une patate chaude que je dépose avec un sourire sardonique entre vos innocentes mains avant de prendre congé. Allez, comme vous avez été gentil, permettez-moi d’illustrer ce propos d’une photo (ci-dessus) d’un jeune guide afar, répondant au nom de Chérif Ali Nour, qui a accompagné les quelques touristes que nous étions lors de la visite du volcan Dallol. Je vous assure qu’il n’a pas tenté de m’enlever — hélas ! —, ni même de se parer le torse d’un scalp de mes organes génitaux — ouf ! Pourtant, quelques minutes après cette photo, allez savoir pourquoi, tout en discutant, on s’est retrouvés main dans la main, ce « terrible Danakil aux dents acérées » et votre serviteur, à la manière Éthiopienne (et mondiale, la France étant malheureusement un des rares pays dont les habitants mâles pensent davantage à se mettre la main dans la gueule que dans la main !) Toujours est-il que son sourire — qui n’est pas sans faire écho mystérieusement avec le détail de la fresque ci-dessus — version light des labrets surmas, symbolise cette réflexion sur les fameux objectifs du millénaire : à terme, cette uniformisation des peuples à marche forcée, ne va-t-elle pas nous donner à tous, sur la planète, le même sourire coca-cola de consommateurs béats ?

 Voir un article sur un voyage au Togo et au Bénin.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Site pédagogique réunissant de superbes photos « Toi qui viens d’Éthiopie »


© altersexualite.com, 2010.
Sauf indication contraire, toutes les photos sont de l’auteur de l’article. Reproduction interdite.


[1À propos, une idée de cadeau utile pour les travailleurs que vous voudrez photographier, c’est des lunettes de soleil.

[2Une autre photo très anecdotique illustre mon article sur les accents.

[3Ça ne l’empêche pas de faire une coquille en citant du latin : « Domine non sum dignum » au lieu de « dignus », p. 190 — ça fait toujours plaisir de corriger un académicien et les correcteurs de Gallimard !

[4À ma grande honte, je dois reconnaître n’avoir pas visité le musée ethnologique d’Addis-Abeba…

[5Dans un édito du 10 avril 2010 pour Le Monde, Hervé Kempf avait choisi l’exemple de l’Éthiopie pour stigmatiser, à l’occasion de la panne aérienne consécutive à l’Éruption de l’Eyjafjöll en 2010, l’utilisation abusive de l’avion : « N’y a-t-il pas quelque chose d’absurde à aller marcher quinze jours en Ethiopie ? […] 1,5 tonne et demie de gaz carbonique, l’aller-retour. Nous ne voyageons plus. Nous consommons de l’éloignement. Le vrai voyage est lent. » Il est significatif qu’il ait choisi précisément cet exemple-ci, au lieu par exemple, de la mode bourgeoise du week-end conso à New York, ou bien de la rage de la bien nommée jet-set à circuler en jets privés sur des trajets amplement desservis par des lignes régulières…

[6Une exception : l’excellent film de Rolf de Heer, Dance me to my song (1998), sur lequel il n’existe apparemment sur Internet aucun article digne de ce nom…