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Les danseurs, c’est pas forcément des pédés, pour les 5e.

Billy Elliot, de Melvin Burgess, d’après Lee Hall

Gallimard Folio junior, 2001, 190 p., 5 €.

dimanche 29 avril 2007

Cette « novélisation » d’après un scénario original de Lee Hall est une belle réussite, qui permet d’allier un scénario dans la veine du cinéma social anglais, avec la patte d’un auteur de talent qui, s’il ne semble pas toujours dénué de préjugés, a du moins la qualité rare, par sa technique narrative, de proposer des points de vue différents du sien, d’où l’authenticité de l’ensemble susceptible, à notre avis, de bousculer en douceur bien des préjugés.

Résumé

Ceux qui ont vu le film connaissent bien l’histoire de Billy Elliot, typique du cinéma social anglais. Billy, 12 ans, a perdu sa mère deux ans auparavant. Il pense souvent à elle, et reste proche de sa grand-mère, qui perd la boule mais répète qu’elle aurait pu devenir danseuse étoile. Son père Jackie et son frère aîné Tony sont mineurs et grévistes, ils se battent contre les fermetures de mines décidées par Mme Thatcher. Billy doit apprendre à boxer, parc que son père et le père de son père l’ont fait, mais un jour, il s’intéresse au cours de danse qui, pour des raisons pratiques, a lieu au même endroit. Il se met à imiter les filles, et la prof de danse, Mme Wilkinson, l’encourage. Il est doué. Il se prend au jeu, et sans le dire à son père, utilise l’argent des cours de boxe pour fréquenter les cours de danse, sous le prétexte d’apprendre à faire une pirouette qui serait une botte secrète ! Évidemment, la danse, ça fait pédé, l’argument reviendra fréquemment (p. 33, 35, etc.) et sera lourdement combattu par différents personnages, tandis qu’avec leurs gros sabots machistes et homophobes, le père et le grand frère tenteront d’interdire à Billy sa nouvelle passion. C’est compter sans l’obstination de Mme Wilkinson et de Billy… Toute la communauté se mobilisera pour lui offrir l’occasion de passer le concours d’entrée à la « Royal Ballet school », mais cela ne suffira pas, et le père devra se soumettre à bien des humiliations pour aider ce fils doué à vivre son rêve.

Mon avis

Décidément, après les deux exemples de Gudule (Aimer par cœur et Le bouc émissaire), on aurait tort de mépriser les « novélisations » quand elles sont confiées à d’excellents écrivains. Surtout que dans ce cas-là (ce qui n’était pas forcément le cas pour Gudule), le matériau de départ est de grande valeur. On a vu avec le plus récent Une idée fixe, que Melvin Burgess n’était pas un défenseur invétéré des gays et lesbiennes. Par chance, il a eu l’opportunité pour cette œuvre de commande, de marier son génie narratif avec un personnage secondaire homo dans la veine dudit cinéma anglais. La technique d’alternance des points de vue permet ici de rendre compte des positions antagonistes sur l’avenir de Billy, et de suivre l’évolution de cette grève désespérée, même si en l’occurrence la parole n’est pas donnée aux opposants à la grève, mais cela n’est pas gênant. Les chapitres consacrés aux démêlés avec la police sont passionnants, et résonneront avec nos émeutes banlieusardes. C’est le personnage de Mickael, le jeune ami de Billy, qui donne tout son sens au récit. Bien évidemment, pour un film grand public, il n’était sans doute pas possible de faire du personnage principal, futur danseur, un homo. Mais les producteurs se sont rattrapés en le faisant « gay-friendly », et tolérant vis-à-vis de son copain qui, âgé de 12 ans, semble conscient de son homosexualité en devenir autant que Billy de son hétérosexualité, bien que dans les deux cas cela reste théorique (notons un « zizi tout dur » pas très convaincant, p. 68). Même si l’obstination de Billy à contester l’insupportable réputation de gonzesse que lui confère la pratique de la danse a de quoi irriter, on admire la façon dont il tient tête à son père (p. 61) et dont il ménage la chèvre et le chou avec son copain qui aime s’habiller en fille et qui lui met du rouge à lèvres (très beau chapitre pp. 73/80, beau coming-out complice p. 122). L’épilogue nous montre ce Michael devenu adulte rencontrant le père, longtemps plus tard, à l’opéra, pendant un spectacle où Billy tient la vedette. Le papa a-t-il évolué ? non, bien sûr : « Ce Michael était un pédé, c’était clair ». Du moins ce préjugé n’a-t-il pas été transmis au fils, et n’empêche-t-il pas le père de serrer la main audit pédé. C’est déjà ça !

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Voir aussi du même auteur Le visage de Sara, Une idée fixe et Nicholas Dane, ainsi qu’une nouvelle dans l’anthologie La première fois.

Lionel Labosse


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