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Les limites de la tolérance voltairienne.

« AMOUR SOCRATIQUE » (Dictionnaire philosophique de Voltaire)

Le « vice destructeur du genre humain s’il était général »

mercredi 16 avril 2008

La question du rapport de Voltaire à l’homosexualité est complexe. Voici une première (et lourde) pièce au dossier, sans commentaire, qu’il faudrait compléter par certains extraits de Candide, et des éléments d’histoire littéraire sur ses rapports avec Frédéric II, etc. [1] J’ai proposé ce texte en lecture analytique à des élèves de 1re L, dans le cadre de la séquence sur les Lumières. À noter que cet article a été considérablement remanié et augmenté pour les éditions successives postérieures à la première édition de 1764 – à propos de laquelle on a dit que Voltaire a inventé le « livre de poche » – jusqu’en 1776. On comparera la position de Voltaire à celle de Rousseau, celle de Montesquieu : « Du crime contre nature », celle de Denis Diderot : La Religieuse (le seul à évoquer le lesbianisme), celle de Jacques Casanova dans Histoire de ma vie, et celle de Jeremy Bentham, le juriste anglais (1748-1832) : Défense de la liberté sexuelle, écrits sur l’homosexualité. Je n’ai signalé en notes que quelques modifications importantes par rapport à l’édition de 1764. Attention : l’édition poche de René Pomeau en Garnier Flammarion ne contient pour cet article que le texte de 1764, sans aucune note ni variante. Elle est donc à déconseiller. On lira avec profit la page de « Contreculture » pour replacer dans son contexte la notion voltairienne de tolérance. Les notes manuelles sont de Voltaire, les notes automatiques sont de moi.

AMOUR SOCRATIQUE [2]

Si l’amour qu’on a nommé socratique et platonique n’était qu’un sentiment honnête, il y faut applaudir : si c’était une débauche, il faut en rougir pour la Grèce.
Comment s’est-il pu faire qu’un vice destructeur du genre humain s’il était général, qu’un attentat infâme contre la nature, soit pourtant si naturel ? Il paraît être le dernier degré de la corruption réfléchie ; et cependant il est le partage ordinaire de ceux qui n’ont pas encore eu le temps d’être corrompus. Il est entré dans des cœurs tout neufs, qui n’ont connu encore ni l’ambition, ni la fraude, ni la soif des richesses. C’est la jeunesse aveugle qui, par un instinct mal démêlé, se précipite dans ce désordre au sortir de l’enfance, ainsi que dans l’onanisme (1).
Le penchant des deux sexes l’un pour l’autre se déclare de bonne heure ; mais quoi qu’on ait dit des Africaines et des femmes de l’Asie méridionale, ce penchant est généralement beaucoup plus fort dans l’homme que dans la femme ; c’est une loi que la nature a établie pour tous les animaux ; c’est toujours le mâle qui attaque la femelle.
Les jeunes mâles de notre espèce, élevés ensemble, sentant cette force que la nature commence à déployer en eux, et ne trouvant point l’objet naturel de leur instinct, se rejettent sur ce qui lui ressemble. Souvent un jeune garçon, par la fraîcheur de son teint, par l’éclat de ses couleurs, et par la douceur de ses yeux, ressemble pendant deux ou trois ans à une belle fille ; si on l’aime, c’est parce que la nature se méprend ; on rend hommage au sexe, en s’attachant à ce qui en a les beautés ; et quand l’âge a fait évanouir cette ressemblance, la méprise cesse.
. . . . . . . . . . . . . . . . . Citraque juventam
Ætatis breve ver et primos carpere flores.

Ovide, Métamorphoses, X, 84-85. [3]
On n’ignore pas que cette méprise de la nature est beaucoup plus commune dans les climats doux que dans les glaces du Septentrion, parce que le sang y est plus allumé, et l’occasion plus fréquente : aussi ce qui ne paraît qu’une faiblesse dans le jeune Alcibiade, est une abomination dégoûtante dans un matelot hollandais et dans un vivandier moscovite.
Je ne puis souffrir qu’on prétende que les Grecs ont autorisé cette licence. On cite le législateur Solon, parce qu’il a dit en deux mauvais vers :
Tu chériras un beau garçon,
Tant qu’il n’aura barbe au menton
(2).
Mais en bonne foi, Solon était-il législateur quand il fit ces deux vers ridicules ? Il était jeune alors, et quand le débauché fut devenu sage, il ne mit point une telle infamie parmi les lois de sa république. Accusera-t-on Théodore de Bèze d’avoir prêché la pédérastie dans son Église, parce que dans sa jeunesse il fit des vers pour le jeune Candide, et qu’il dit :
Amplector hunc et illam.
Je suis pour lui, je suis pour elle.
Il faudra dire qu’ayant chanté des amours honteux dans son jeune âge, il eut dans l’âge mûr l’ambition d’être chef de parti, de prêcher la réforme, de se faire un nom. Hic vir, et ille puer. [4]
On abuse du texte de Plutarque, qui dans ses bavarderies, au Dialogue de l’amour, fait dire à un interlocuteur que les femmes ne sont pas dignes du véritable amour (3) ; mais un autre interlocuteur soutient le parti des femmes comme il le doit. On a pris l’objection pour la décision.
Il est certain, autant que la science de l’antiquité peut l’être, que l’amour socratique n’est point un amour infâme : c’est ce nom d’amour qui a trompé. Ce qu’on appelait les amants d’un jeune homme étaient précisément ce que sont parmi nous les menins de nos princes, ce qu’étaient les enfants d’honneur, des jeunes gens attachés à l’éducation d’un enfant distingué, partageant les mêmes études, les mêmes travaux militaires ; institution guerrière et sainte dont on abusa comme des fêtes nocturnes et des orgies.
La troupe des amants instituée par Laïus était une troupe invincible de jeunes guerriers engagés par serment à donner leur vie les uns pour les autres ; et c’est ce que la discipline antique a jamais eu de plus beau [5].
Sextus Empiricus et d’autres ont beau dire que ce vice était recommandé par les lois de la Perse. Qu’ils citent le texte de la loi ; qu’ils montrent le code des Persans et si cette abomination s’y trouvait, je ne la croirais pas ; je dirais que la chose n’est pas vraie, par la raison qu’elle est impossible. Non, il n’est pas dans la nature humaine de faire une loi qui contredit et qui outrage la nature, une loi qui anéantirait le genre humain si elle était observée à la lettre. Mais moi je vous montrerai l’ancienne loi des Persans, rédigée dans le Sadder. Il est dit, à l’article ou porte 9, qu’il n’y a point de plus grand péché. C’est en vain qu’un écrivain moderne a voulu justifier Sextus Empiricus et la pédérastie ; les lois de Zoroastre, qu’il ne connaissait pas, sont un témoignage irréprochable que ce vice ne fut jamais recommandé par les Perses. C’est comme si on disait qu’il est recommandé par les Turcs. Ils le commettent hardiment ; mais les lois le punissent.
Que de gens ont pris des usages honteux et tolérés dans un pays pour les lois du pays ! Sextus Empiricus, qui doutait de tout, devait bien douter de cette jurisprudence. S’il eût vécu de nos jours, et qu’il eût vu deux ou trois jeunes jésuites abuser de quelques écoliers, aurait-il eu droit de dire que ce jeu leur est permis par les constitutions d’Ignace de Loyola ?
Il me sera permis de parler ici de l’amour socratique du révérend père Polycarpe, carme chaussé de la petite ville de Gex, lequel en 1771 enseignait la religion et le latin à une douzaine de petits écoliers. Il était à la fois leur confesseur et leur régent, et il se donna auprès d’eux tous un nouvel emploi. On ne pouvait guère avoir plus d’occupations spirituelles et temporelles. Tout fut découvert : il se retira en Suisse, pays fort éloigné de la Grèce.
Ces amusements ont été assez communs entre les précepteurs et les écoliers (4). Les moines chargés d’élever la jeunesse ont été toujours un peu adonnés à la pédérastie. C’est la suite nécessaire du célibat auquel ces pauvres gens sont condamnés.
Les seigneurs turcs et persans font, à ce qu’on nous dit, élever leurs enfants par des eunuques ; étrange alternative pour un pédagogue d’être châtré ou sodomite. [6]
L’amour des garçons était si commun à Rome, qu’on ne s’avisait pas de punir cette turpitude [7], dans laquelle presque tout le monde donnait tête baissée. Octave-Auguste ce meurtrier débauché et poltron, qui osa exiler Ovide, trouva très bon que Virgile chantât Alexis ; Horace, son autre favori, faisait de petites odes pour Ligurinus. Horace, qui louait Auguste d’avoir réformé les mœurs, proposait également dans ses satires un garçon et une fille (5) ; mais l’ancienne loi Scantinia, qui défend la pédérastie, subsista toujours : l’empereur Philippe la remit en vigueur, et chassa de Rome les petits garçons qui faisaient le métier. S’il y eut des écoliers spirituels et licencieux comme Pétrone, Rome eut des professeurs tels que Quintilien. Voyez quelles précautions il apporte dans le chapitre du Précepteur pour conserver la pureté de la première jeunesse : « Cavendum non solum crimine turpitudinis, sed etiam suspicione » [8]. Enfin je ne crois pas qu’il y ait jamais eu aucune nation policée qui ait fait des lois (6) contre les mœurs (7).

Buste de Voltaire par Houdon (1778).
Musée du Louvre. Photo par Lionel Labosse.

Notes de Voltaire (aucune ne figurait dans la version de 1764)

(1) Voyez les articles Onan, Onanisme.

(2) Un écrivain moderne, nommé Larcher, répétiteur de collège, dans un libelle rempli d’erreurs en tout genre, et de la critique la plus grossière, ose citer je ne sais quel bouquin, dans lequel on appelle Socrate sanctus pédérastes, Socrate saint b… [9] Il n’a pas été suivi dans ces horreurs par l’abbé Foucher ; mais cet abbé, non moins grossier, s’est trompé encore lourdement sur Zoroastre et sur les anciens Persans. Il en a été vivement repris par un homme savant dans les langues orientales.

(3) Traduction d’Amyot, grand aumônier de France.

(4) Voyez l’article Pétrone.

(5) Ancilla aut verna est praesto puer, impetus in quem
Continuo fiat
Horace, lib. I, sat. ii. [10]

(6) On devrait condamner messieurs les non-conformistes à présenter tous les ans à la police un enfant de leur façon. L’ex-jésuite Desfontaines fut sur le point d’être brûlé en place de Grève pour avoir abusé de quelques petits savoyards qui ramonaient sa cheminée ; des protecteurs le sauvèrent. Il fallait une victime : on brûla Deschaufours à sa place. Cela est bien fort ; est modus in rebus : on doit proportionner les peines aux délits. Qu’auraient dit César, Alcibiade, le roi de Bithynie Nicomède, le roi de France Henri III, et tant d’autres rois ?
Quand on brûla Deschaufours, on se fonda sur les Établissements de saint Louis, mis en nouveau français au XVe siècle. « Si aucun est soupçonné de b…, doit être mené à l’évêque ; et se il en était prouvé, l’en le doit ardoir, et tuit li meuble sont au baron, etc. » Saint Louis ne dit pas ce qu’il faut faire au baron, si le baron est soupçonné, et se il en est prouvé. Il faut observer que par le mot de b… saint Louis entend les hérétiques, qu’on n’appelait point alors d’un autre nom. Une équivoque fit brûler à Paris Deschaufours, gentilhomme lorrain. Despréaux eut bien raison de faire une satire contre l’équivoque ; elle a causé bien plus de mal qu’on ne croit.

(7) On nous permettra de faire ici quelques réflexions sur un sujet odieux et dégoûtant, mais qui malheureusement fait partie de l’histoire des opinions et des mœurs.
Cette turpitude remonte aux premières époques de la civilisation : l’histoire grecque, l’histoire romaine, ne permettent point d’en douter. Elle était commune chez ces peuples avant qu’ils eussent formé une société régulière, dirigée par des lois écrites.
Cela suffit pour expliquer par quelle raison ces lois ont paru la traiter avec trop d’indulgence. On ne propose point à un peuple libre des lois sévères contre une action, quelle qu’elle soit, qui y est devenue habituelle. Plusieurs des nations germaniques eurent longtemps des lois écrites qui admettaient la composition pour le meurtre. Solon se contenta donc de défendre cette turpitude entre les citoyens et les esclaves ; les Athéniens pouvaient sentir les motifs politiques de cette défense, et s’y soumettre : c’était d’ailleurs contre les esclaves seuls, et pour les empêcher de corrompre les jeunes gens libres, que cette loi avait été faite ; et les pères de famille, quelles que fussent leurs mœurs, n’avaient aucun intérêt de s’y opposer.
La sévérité des mœurs des femmes dans la Grèce, l’usage des bains publics, la fureur pour les jeux où les hommes paraissaient nus, conservèrent cette turpitude de mœurs, malgré les progrès de la société et de la morale. Lycurgue, en laissant plus de liberté aux femmes, et par quelques autres de ses institutions, parvint à rendre ce vice moins commun à Sparte que dans les autres villes de la Grèce.
Quand les mœurs d’un peuple deviennent moins agrestes, lorsqu’il connaît les arts, le luxe des richesses, s’il conserve ses vices, il cherche du moins à les voiler. La morale chrétienne, en attachant de la honte aux liaisons entre les personnes libres, en rendant le mariage indissoluble, en poursuivant le concubinage par des censures, avait rendu l’adultère commun : comme toute espèce de volupté était également un péché, il fallait bien préférer celui dont les suites ne peuvent être publiques ; et par un renversement singulier, on vit de véritables crimes devenir plus communs, plus tolérés, et moins honteux dans l’opinion que de simples faiblesses. Quand les Occidentaux commencèrent à se policer, ils imaginèrent de cacher l’adultère sous le voile de ce qu’on appelle galanterie ; les hommes avouaient hautement un amour qu’il était convenu que les femmes ne partageraient point ; les amants n’osaient rien demander, et c’était tout au plus après dix ans d’un amour pur de combats, de victoires remportées dans les jeux, etc., qu’un chevalier pouvait espérer de trouver un moment de faiblesse. Il nous reste assez de monuments de ce temps, pour nous montrer quelles étaient les mœurs que couvrait cette espèce d’hypocrisie. Il en fut de même à peu près chez les Grecs devenus polis ; les liaisons intimes entre des hommes n’avaient plus rien de honteux ; les jeunes gens s’unissaient par des serments, mais c’étaient ceux de vivre et de mourir pour la patrie ; on s’attachait à un jeune homme, au sortir de l’enfance, pour le former, pour l’instruire, pour le guider ; la passion qui se mêlait à ces amitiés était une sorte d’amour, mais d’amour pur. C’était seulement sous ce voile, dont la décence publique couvrait les vices, qu’ils étaient tolérés par l’opinion.
Enfin, de même que l’on a souvent entendu chez les peuples modernes faire l’éloge de la galanterie chevaleresque, comme d’une institution propre à élever l’âme, à inspirer le courage, on fit aussi chez les Grecs l’éloge de cet amour qui unissait les citoyens entre eux.
Platon dit que les Thébains firent une chose utile de le prescrire, parce qu’ils avaient besoin de polir leurs mœurs, de donner plus d’activité à leur âme, à leur esprit, engourdis par la nature de leur climat et de leur sol. On voit qu’il ne s’agit ici que d’amitié pure. C’est ainsi que, lorsqu’un prince chrétien faisait publier un tournoi où chacun devait paraître avec les couleurs de sa dame, il avait l’intention louable d’exciter l’émulation de ses chevaliers, et d’adoucir leurs mœurs ; ce n’était point l’adultère, mais seulement la galanterie qu’il voulait encourager dans ses États. Dans Athènes, suivant Platon, on devait se borner à la tolérance. Dans les États monarchiques, il était utile d’empêcher ces liaisons entre les hommes ; mais elles étaient dans les républiques un obstacle à l’établissement durable de la tyrannie. Un tyran, en immolant un citoyen, ne pouvait savoir quels vengeurs il allait armer contre lui ; il était exposé sans cesse à voir dégénérer en conspirations les associations que cet amour formait entre les hommes.
Cependant, malgré ces idées si éloignées de nos opinions et de nos mœurs, ce vice était regardé chez les Grecs comme une débauche honteuse, toutes les fois qu’il se montrait à découvert, et sans l’excuse de l’amitié ou des liaisons politiques. Lorsque Philippe vit sur le champ de bataille de Chéronée tous les soldats qui composaient le bataillon sacré, le bataillon des amis à Thèbes, tués dans le rang où ils avaient combattu : « Je ne croirai jamais, s’écria-t-il, que de si braves gens aient pu faire ou souffrir rien de honteux. » Ce mot d’un homme souillé lui-même de cette infamie, est une preuve certaine de l’opinion générale des Grecs.
À Rome, cette opinion était plus forte encore : plusieurs héros grecs, regardés comme des hommes vertueux, ont passé pour s’être livrés à ce vice, et chez les Romains on ne le voit attribué à aucun de ceux dont on nous a vanté les vertus ; seulement il paraît que chez ces deux nations on n’y attachait ni l’idée de crime, ni même celle de déshonneur, à moins de ces excès qui rendent le goût même des femmes une passion avilissante. Ce vice est très rare parmi nous, et il y serait presque inconnu sans les défauts de l’éducation publique.
Montesquieu prétend qu’il est commun chez quelques nations mahométanes, à cause de la facilité d’avoir des femmes ; nous croyons que c’est difficulté qu’il faut lire [11].

 Texte établi par Lionel Labosse, à partir (entre autres) du site Voltaire intégral.

Questionnaire de lecture analytique

 L’extrait proposé aux élèves allait du début de l’article à « si elle était observée à la lettre », en coupant la partie qui va de « On cite le législateur Solon » jusqu’à « On a pris l’objection pour la décision ». Je n’ai repris que la note (1) et deux lignes de la note (7) sur Montesquieu.

 1. Recherche documentaire : présentez le Dictionnaire philosophique. Quel rapport y a-t-il entre ce dictionnaire et l’Encyclopédie ? Que se passe-t-il lors de la publication du livre ? Qu’est-ce qui montre, dans le texte, qu’il s’agit d’un « dictionnaire » ?
 2. Recherche documentaire : expliquez les mots « onanisme », puis « socratique » et « platonique », et dites quel est le rapport entre Alcibiade et les deux mots précédents.
 3. Vocabulaire : expliquez le sens du mot « infâme » dans l’extrait, et l’autre sens que lui donne Voltaire en général dans son Dictionnaire philosophique. Expliquez « vivandier » et « menin ».
 4. Relevez les mots et expressions désignant l’homosexualité masculine, et classez-les, puis commentez ce classement.
 5. Relevez et commentez l’usage que fait Voltaire de la notion et du mot de « nature », « naturel ». En quoi se distingue-t-il de Montesquieu sur ce point ?
 6. Montrez que le raisonnement de Voltaire se base sur un distinguo : il trouve des excuses à l’homosexualité dans certains cas, et la condamne sans appel dans d’autres cas.
 7. Montrez, notamment à travers l’étude des pronoms (je, nous, on) et autres marques de personne (notre), que ce texte est fortement subjectif.
 8. Dans la note (7), expliquez les deux allusions au texte de Montesquieu.
 9. Conclusion : ce texte vous semble-t-il digne des Lumières ?

Pour compléter la pensée de Voltaire, cette allusion à Alexandre et Adrien puisée dans l’article « Ignorance », un des articles ajouté dans l’édition de 1767 dont le nouveau titre est La Raison par alphabet. Voir ce qu’en dit Roger Peyrefitte dans L’Innominato.
« Qui es-tu, toi, animal à deux pieds, sans plumes, comme moi-même, que je vois ramper comme moi sur ce petit globe ? Tu arraches comme moi quelques fruits à la boue qui est notre nourrice commune. Tu vas à la selle, et tu penses ! Tu es sujet à toutes les maladies les plus dégoûtantes, et tu as des idées métaphysiques ! J’aperçois que la nature t’a donné deux espèces de fesses par devant, et qu’elle me les a refusées ; elle t’a percé au bas de ton abdomen un si vilain trou que tu es porté naturellement à le cacher. Tantôt ton urine, tantôt des animaux pensants sortent par ce trou ; ils nagent neuf mois dans une liqueur abominable entre cet égout et un autre cloaque, dont les immondices accumulées seraient capables d’empester la terre entière ; et cependant ce sont ces deux trous qui ont produit les plus grands événements. Troie périt pour l’un ; Alexandre et Adrien ont érigé des temples à l’autre. L’âme immortelle a donc son berceau entre ces deux cloaques ! »


Voir en ligne : Contreculture : démythifier Voltaire


© altersexualite.com, 2008
Les photos du buste fameux de Voltaire par Houdon (1778) ont été prises lors de l’expo « La Fabrique des Images » au musée du quai Branly, 2010. Photo par Lionel Labosse, ©.


[1Voyez cet article.

[2Le titre de l’édition de 1764 était « AMOUR NOMMÉ SOCRATIQUE ».

[3« …à cueillir les premières fleurs de ce court printemps de la vie qui précède la jeunesse. » C’est le fameux mythe d’Orphée.

[4« L’homme d’aujourd’hui et l’enfant d’autrefois ne se ressemblent pas ». (Épitre IX des Héroïdes, Ovide.

[5Il s’agit du fameux Bataillon sacré : cf. note (7).

[6Les trois derniers paragraphes ne figuraient pas dans l’édition de 1764.

[7L’édition de 1764 disait « fadaise » au lieu de « turpitude ».

[8« Nous ne devons pas seulement nous méfier d’un crime honteux, mais aussi du soupçon d’un tel crime ».

[9Comprendre : « bougre » / « bougrerie » (cf. note 6).

[10Quand ton bas-ventre se gonfle, est-ce que si tu as sous la main une servante ou un jeune esclave que tu puisses posséder sans délai, tu préfères bander jusqu’à éclabousser ? Moi, non. Cf. ici.

[11Cf. Montesquieu : « Du crime contre nature ».