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Jupettes et beaux abdos, pour la 3e et le lycée
Sparte, de Patrick Weber & Christophe Simon
2 albums de 48 p. chacun, Le Lombard, 2011-2013, 12 €
samedi 1er février 2014
Sparte est une série de Patrick Weber & Christophe Simon. Deux volumes sont déjà parus, un troisième est prévu. Nous sommes au IIe siècle avant J.-C., pas loin de la domination de la ligue achéenne. Le temps de la gloire de Sparte, c’était avant. De grands sentiments sont aux prises avec de moins nobles. L’Antiquité grecque est exhibée dans toute sa splendeur. De façon inexplicable, si le mariage et la fidélité ne sont guère des valeurs partagées, si la prostitution est courante, la seule orientation sexuelle qui apparaisse dans l’histoire est hétérosexuelle. C’est étonnant, car le peu que l’on sache sur Sparte mentionne une homosexualité aussi répandue que dans les autres cités grecques. Cependant, la nudité masculine omniprésente compense ce manque par une sorte de contamination du regard.
Tome 1 : Ne jamais demander grâce.
Un tyran manipulateur, Nabis, règne sur la cité, qui ne songe que traîtrises et coups bas. Il recrute Diodore, hilote et chasseur de primes réputé, et lui confie la mission d’arrêter Agésilas, un bandit qui le défie. Cet Agésilas dirige sa troupe d’hommes sans faille, et tâche de maintenir une certaine moralité, c’est-à-dire qu’il châtie d’une façon expéditive ceux qu’il estime traîtres à la cité, ce pourquoi il a plutôt bonne réputation à Sparte. Des analepses en grisé évoquent l’enfance et l’adolescence d’Agésilas et de Diodore. Ce dernier a un enfant, Dorkis, qui doit se bagarrer tout le temps pour prouver sa valeur, étant fils d’hilote et de mère inconnue. Se bagarrer sans se plaindre est d’ailleurs le leitmotiv qui donne son titre à l’album. Il s’avère que ladite mère serait Hélène, fille de Cléomène, que l’on croyait morte sans enfant. Nabis le sait en espionnant les citoyens par un trou caché dans les bains. Diodore parvient grâce à un traquenard à s’emparer d’Agésilas, mais il est surpris de découvrir qu’il s’agit… d’une femme. En effet, dans les retours en arrière, alors que les lutteurs s’exercent nus, Agésilas était le seul à garder une tunique, sous prétexte qu’une Méduse était représentée sur son torse. Or Diodore comprend qu’Agésilas n’est autre que sa propre sœur, la fille de son père Philéas. Il l’épargne et la libère. Mais sur ces entrefaites, Nabis fait arrêter Dorkis…
Tome 2 : Ignorer toujours la douleur.
Nabis fomente une trahison envers les Achéens, ennemis de Sparte, et les Macédoniens. Il espère faire vaincre les uns par les autres, sans s’acquitter d’aucune promesse. Agésilas saucissonne un général de Nabis espionnant les Achéens, pour prouver à ce dernier que son complot est éventé. Diodore s’abandonne à la boisson et aux prostituées pour oublier le dilemme qui l’étrangle, entre son contrat, le fait qu’Agésilas soit sa sœur, et que son fils soit aux mains de Nabis. Apia, l’épouse de Nabis reconnaît la valeur humaine et sexuelle de Diodore, et manigance de son côté pour aider les plans de Nabis. Diodore reçoit un doigt de son fils, ce qui le remotive pour trahir sa sœur… Ménélas, jeune et bel espion aux noms changeants, s’introduit et introduit la révolte à Sparte. Il croit être le seul à connaître le secret d’Agésilas, ce qui menace d’ailleurs sa survie. C’est la bataille annoncée contre les Achéens, mais ils ne savent pas que les Macédoniens arrivent. Diodore et Agésilas combattent un moment ensemble, puis Diodore commet sa traîtrise, il fait prisonnier Agésilas et l’amène au palais, où il s’apprête à récupérer son fils. Il lui faut en attendant coucher avec Apia, qu’il ne savait pas être la reine. Hélène, que l’on croyait morte, réapparaît, défigurée. Cela laisse présager une suite agitée !
Mon avis
Sparte est une fort belle série qui ne fait peut-être que commencer, cela est évident. Il est cependant étonnant que ces deux albums ne contiennent pas une mention, même infinitésimale, d’homosexualité. Pourtant, d’après ce que l’on apprend dans L’homosexualité initiatique dans l’Europe ancienne, de Bernard Sergent, ou dans L’Enquête, d’Hérodote, l’amour entre hommes était autant pratiqué à Sparte qu’ailleurs, bien que selon Voltaire, « ce vice » y aurait été « moins commun ». Autre particularité, d’après Lysistrata, d’Aristophane, les femmes spartiates avaient la réputation « de se livrer aux activités sportives comme les hommes » ; même s’il s’agit de propos comiques confirmés d’autre part… Cependant ce défaut est nettement compensé par la qualité des dessins, qui exhibent la beauté et la nudité des hommes, dans la lutte à l’agogé ou aux bains publics (cf. illustration ci-dessus, tome 2, p. 16). Le mot « agogé » est utilisé semble-t-il pour désigner le lieu, alors qu’on le trouve ailleurs désignant l’éducation spartiate.
Le scénario ne reprend rien des connaissances classiques sur les particularités de cette éducation, sur la pédérastie (chaste ou non, c’est la question) des combattants, l’eugénisme soi-disant pratiqué à Sparte, ni la célèbre anecdote de l’enfant au renard. Le personnage d’Agésilas est intéressant, mais il est dommage que la particularité de Sparte de pourvoir à l’éducation, y compris physique, des filles, ne soit pas retenue dans la série. On songe au célèbre tableau d’Edgar Degas, Jeunes Spartiates s’exerçant à la lutte. Si l’homosexualité est absente de la diégèse, elle est paradoxalement présente, au moins allusivement, dans les illustrations. Dans l’attente du troisième album…
– Ceux qui ont aimé Sparte aimeront forcément Murena, de Jean Dufaux et Philippe Delaby.
Voir en ligne : Le blog de Patrick Weber
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