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Et le « devoir d’exemplarité », c’est pour la valetaille ?

Affaire Piotr Pavlenski / Benjamin Griveaux : de qui se moque-t-on ?

Qui nous débarrassera des khmères-la-pudeur et autres hyènes de garde ?

samedi 7 mars 2020, par Lionel Labosse

Il fallait les entendre, ces politicards et ces journaleux unanimes, vendredi 14 février, jour de la Saint-Valentin, pour dénoncer l’odieux Piotr Pavlenski parce qu’il a posté une vidéo montrant le candidat macroniste à la mairie de Paris en train de se masturber dans un cadre adultérin, une vidéo d’après ce que j’ai entendu (je ne l’ai pas vue et n’ai pas envie de la voir) qui ne résulterait pas d’un piège. Ah ! quelle atteinte à la démocratie ; le droit à la vie privée est sacré, et bla, bla, bla ! Il conviendrait au contraire de féliciter cet homme qui nous montre la voie d’une sexualité à la page, sans aucun risque de contamination au coronavirus !

Et si nous rafraîchissions notre mémoire ?

Emmanuel Macron a invité Sandra Muller à l’Élysée dans une soirée consacrée aux « Héros 2018 », parce qu’elle avait eu le grand courage de livrer à la vindicte publique Éric Brion, qu’elle avait accusé le 13 octobre 2017 par un « tweet ». Objet de cette dénonciation ? Ledit Éric Brion lui avait envoyé un seul et unique texto faisant état, au terme d’une soirée arrosée, de son désir d’avoir un rapport sexuel avec elle ; mais elle-même, et des milliers de journalistes et de politiciens à travers le monde, dont Emmanuel Macron, ont estimé normal de se joindre à la meute #balancetonporc pour traîner dans la boue et pousser au suicide cet homme coupable d’avoir désiré cette femme et de le lui avoir dit, sans aucune sextape, sans le moindre geste déplacé ; un seul et unique texto. Et c’est cette même meute qui aujourd’hui se retourne aux basques de Piotr Pavlenski, ce pelé, ce galeux d’où viendrait tout leur mal. Le 25 septembre 2019, cette calomniatrice a été condamnée par la justice pour diffamation à l’encontre d’Éric Brion. J’attends toujours les excuses de M. Macron – qui entendait légiférer contre les fake news en période électorale, tiens, tiens ! – pour avoir contribué à cette fake news et à cette chasse à l’homme. J’aimerais savoir ce que M. Griveaux a pensé et a dit de cette affaire ; était-il par hasard présent à cette soirée des « Héros 2018 » ; Piotr Pavlenski sera-t-il invité à une soirée « Héros 2020 » ? En attendant, on nous bassine toujours avec « Balance ton quoi » l’hymne à la délation de la bien nommée Angèle, basée sur le hashtag créé par la diffamatrice en question, qui a failli obtenir une Victoire de la musique hier, en même temps que ce déchaînement d’échasses de l’indignation battait son plein : quelle époque !
En 2019, M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation de M. Macron, pondit un projet de loi intitulé « École de la confiance » prévoyant, je cite, un « devoir d’exemplarité » qui « horripila les profs » selon cet article. Je crois faire partie des profs horripilés.
Qu’il me soit permis maintenant de citer un extrait de l’article de Wikipédia sur Brigitte Macron : « En mai 1993, dans l’atelier de théâtre qu’elle anime au lycée de la Providence, elle remarque Emmanuel Macron, alors âgé de quinze ans et élève de seconde dans la même classe que sa fille Laurence. L’année suivante, le couple commence une relation. » Qu’il me soit permis (et j’espère que M. Blanquer ne trouvera pas qu’en tenant ces propos sur un site public je m’écarte de son je cite « devoir d’exemplarité ») de poser la question suivante : si moi, professeur, en 2020, j’entamais une relation avec un élève âgé de 16 ans que j’aurais connu dans le cadre scolaire ou péri-scolaire, qu’adviendrait-il de moi ? J’aimerais beaucoup entendre les réflexions philosophiques de M. Macron sur l’affaire actuelle concernant M. Matzneff, l’un des derniers en date des boucs émissaires jetés en pâture à la foule. Or, n’est-ce pas sous sa présidence que l’on entend de plus en plus de ces féministes pétries de puritanisme, réclamer l’imprescriptibilité non seulement pour les viols mais aussi pour les atteintes sexuelles sur mineurs ? Voyez cet article. Et cette imprescriptibilité n’est-elle pas quasiment devenue la règle dans les lynchages politico-médiatiques récents perpétrés par les « hyènes de garde » du féminisme misandre ? En dehors du puritanisme, c’est aussi désormais avec les réseaux sociaux le règne du politiquement correct. Toute personne accédant à la célébrité se voit honnie si par hasard on découvre la moindre gouttelette d’antisémitisme, de racisme, d’homophobie qui a pu lui échapper sous le coup de la colère, même quand il était âgé de 13 ans. La conséquence de cela c’est que dans toutes les disciplines artistiques désormais, on n’a plus que des niais fades et sans saveur qui n’ont jamais pété un mot de travers. « Un poète ça sent des pieds / On lave pas la poésie / Ça se défenestre et ça crie » chantait Léo Ferré, qui à l’heure actuelle ne pourrait pas accéder à la célébrité à cause de la chanson « Petite », pas plus que Verlaine qui coucha avec un mineur dont il pourrit la vie, ni que Jacques Brel pour sa misogynie, etc. Et si Houellebecq demeure l’écrivain français le plus apprécié dans le monde, c’est parce qu’il a acquis sa notoriété avant l’ère des réseaux sociaux. D’ici cinquante ans nous n’aurons plus comme prix Goncourt que des Barbara Cartland.

Alors c’est quoi, cette exemplarité que la Macronie exige de la valetaille et qu’elle n’exige pas d’elle-même ? Comme dirait Figaro : « Aux vertus qu’on exige d’un enseignant, Votre Macronie connaît-elle beaucoup de ministres qui fussent dignes d’être professeurs ? »
Et quand j’entends, le jour de la Saint-Valentin, que ce monsieur qui aurait trompé non pas une simple compagne pacsée mais son épouse selon la loi, auprès de laquelle il s’exhibe pour la presse tabloïd, n’a enfreint aucune loi, je crois rêver : pour autant que je sache, l’article 212 du code civil stipule depuis le 4 avril 2006 que, je cite, « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance », le « respect » ayant été ajouté aux trois autres en 2006. Pour ma part j’ai publié un livre contre le mariage gay pour protester contre l’hypocrisie du mariage auquel je préférais un « contrat universel ». Mais ce monsieur qui est devenu député, donc législateur, a-t-il proposé de revenir sur cet article 212 ? Quand il a uni son destin avec sa compagne, je suppose après 1999 vu sa date de naissance, puisqu’il avait le choix, pourquoi n’a-t-il pas préféré le pacs au mariage, qui impose cette clause de fidélité et de respect qui n’est pas dans le pacs ?
Et cette Macronie, ne compte-t-elle pas en son sein un certain nombre de ministres qui à longueur de journée renchérissent sans jamais attendre – pas plus que certains journalistes – une décision de justice, sur les accusations du jour contre toute célébrité jetée en pâture à la foule, et ce malgré cette condamnation de la diffamatrice Sandra Muller, décision qui devrait les rappeler à davantage de sang-froid. Donc non seulement je me réjouis de ce retour de bâton bien mérité que constitue l’affaire Griveaux, mais je souhaite que tant que cette classe politico-médiatique persistera à jouer le jeu du néo-puritanisme, tant qu’elle tendra ces verges pour se faire battre, eh bien ! que des activistes courageux continuent à dénoncer les hypocrites exactement comme eux, ces hypocrites, nous jettent en pâture des Éric Brion, des Roman Polanski, des Harvey Weinstein, etc. Tiens, si j’étais journaliste, c’est Éric Brion que j’inviterais à s’exprimer sur cette affaire à un Téléphone sonne par exemple, dont tous les invités pensaient exactement pareil.
Pour terminer je ferai un parallèle avec l’affaire Strauss-Kahn en 2011, qui eut pour conséquence de priver cet honorable adultère de briguer la présidence de notre république. Certes, ce monsieur avait bien le droit de se taper des putes au Carlton, c’était sa vie privée ; mais en dehors du respect de l’article 212 du code civil cité ci-dessus, je me permets de rappeler que ce monsieur, s’il eût été élu, aurait défendu le projet socialiste, lequel persiste à prôner la prohibition de la prohibition, voire la pénalisation des clients, comme en Suède. Et j’en reviens à mon point de départ, ces messieurs-dames s’autorisent dans leur vie privée ce qu’en tant que politiciens, ils interdisent à la valetaille ! Or j’attends toujours une tribune de M. Strauss-Kahn dans Le Monde en faveur des droits sociaux des travailleurs du sexe, tiens, justement, la retraite à points !
Et pour que ce soit bien clair, je ne m’attaque pas uniquement à la Macronie, mais à 95 % de la classe politico-médiatique – du RN à LFI – qui enfourche le bidet néo-puritain en vogue.

Donc comme disait Nietzsche, stop aux échasses de l’indignation !

PS : Juste avant la cérémonie des Césars du cinéma 2020, un ministraillon de ce gouvernement qui n’a décidément rien compris à la leçon, est intervenu publiquement pour dire aux professionnels du cinéma comment ces enfants devaient voter (voir cet article). Heureusement, lesdits professionnels (tous des sales mâles blancs, cela va sans dire) ont accordé à Polanski la récompense qu’il méritait, renvoyant ce ministraillon dans les cordes de sa tartufferie. Il faut attendre le 8 mars 2020, jour des droits des femmes, pour que Le Monde, qui attise depuis des années ce féminisme de la haine, donne enfin la parole à des avocates féministes qui rappellent l’évidence de la présomption d’innocence pour Polanski. Elles ont dû lire mon article, elles. Je serais avocate, je proposerais à Polanski de déposer des tas de plaintes, pour se faire un pognon de dingue et financer son prochain biopic intitulé Victor Hugo, violeur et pédophile. En tout cas le ministraillon, après ce soufflet de cent avocates, devrait se sentir morveux. Mais attention, s’il se mouche, qu’il le fasse dans son coude !
L’alternative à Polanski-le-violeur était d’accorder la médaille au chocolat au chéri des médias et de Macron, j’ai nommé Ladj Ly dont le passé révèle une attitude pas si cool à l’égard de la liberté sexuelle des femmes : en gros, le type a été condamné non pas dans les années 1970 comme Polanski, mais dans les années 2000, pour avoir donné la main à un « crime d’honneur » parce que la sœur d’un pote à lui avait couché – la salope ! – avec un type sans demander l’autorisation à son grand frère. Mais chut ! Il ne faut pas stigmatiser les minorités : Macron l’a dit, Riester l’a sous-entendu : Ladj Ly est le grand héros de l’année 2020. Reste à souhaiter que tous ces Tartuffes et autres khmères-la-pudeur et hyènes de garde se prennent le râteau du siècle aux élections municipales !

 Lisez aussi sur Le Figaro la tribune de bon sens de Gilles William Goldnadel sur l’attitude conformiste autour des Césars.

 Merci à Jean-Yves Alt d’avoir repris ce billet sur son blog. Faites-en autant !

Lionel Labosse


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