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Fotes d’orthographe de la vie, pour les 7/10 ans
À mes amourEs, de Claudine Galea & Thisou
Éditions du Rouergue, ZigZag, 2007, 110 p., 6,5 €
mercredi 30 mai 2007
Un bel ouvrage sur l’alterparentalité, qui, contrairement à une certaine mode, n’occulte pas la question des pères, n’occulte pas les difficultés inhérentes à l’amour, n’occulte pas la sexualité, et prend en compte les questionnements que provoque chez l’enfant le fait de vivre dans une famille alterparentale. Le pendant du documentaire Nous, enfants d’homos, de Stéphanie Kaim. Saluons le courage d’un éditeur de s’adresser avec cette liberté de ton aux enfants de 7 à 10 ans.
Rosalie évoque les « amourEs » de Natacha & Mélanie, ses mères, ou plutôt ses « parents ». Elle fait plein de « fotes », à commencer par le mot « amourEs », qui est « féminin et majuscule » (p. 10). Ses « fotes » sont poétiques, comme quand elle écrit « je m’en nuit ». Elle définit le manque comme « un trou dans le cœur ». « À cause de ce trou dans mon cœur, je tombe dans la nuit ». Les « fotes » sont surtout le domaine de l’illustratrice Thisou, dont l’écriture manuscrite et les dessins émaillent le discours de Claudine Galea, symbolisant l’amour universel prôné par le texte, qui va bien au-delà de la relation entre deux personnes. L’univers de Rosalie ne se limite pas à ses deux mamans : ça déborde de tous les côtés, entre Ben, l’ami d’enfance d’une de ses mères, Grégory et Léo, le nouvel ami et l’ancien de Virginie, et les copains d’école, dont les parents épuisent toutes les « paires-mutations » possibles, (si vous me permettez de rivaliser avec Rosalie). Il y en a même un qui pousse la provocation jusqu’à se payer « 2 papas […] et deux mamans aussi » (p. 24).
En réaction à une leçon trop biologique — je dirais orthosexuelle — de la maîtresse d’école, fort adroitement et l’air de pas y toucher, les deux complices dressent un panorama complet de la question de l’orientation sexuelle, de l’amour dans tous les sens du terme — avec les questions indiscrètes de Rosalie — et même de l’identité de genre, avec les jeux de travestissement des garçons. Certains aspects ne manqueront pas de choquer les tartufes ; à commencer par ce travestissement sans doute. Voici d’ailleurs un article du Figaro sur une censure des « Teletubbies » en Pologne qui prouve qu’il y a du travail à faire en Europe ! Les images de nudité touveront sans doute aussi leurs censeurs, malgré le slogan final de Thisou : « La nudité, c’est gai ». Autre point remarquable, à chaque fois qu’une envolée sur l’amour confine au cucul-la-prâline, les auteures ne manquent pas de rétablir l’équilibre, avec la mention du divorce, des disputes, etc. : « Ma famille, c’est pas […] tout parfait tout lisse comme une pomme Grany » (p. 109). Les mots « lesbiennes » ou « homo » ne sont jamais utilisés, mais ce que je reprochais au précédent ouvrage de Claudine Galea, Entre les vagues, n’est pas de mise ici, bien au contraire, puisque le jeune lecteur n’a aucun doute sur ce dont il est question, et que la nécessité d’étiquettes et le conformisme qui l’accompagne ne le touche pas encore. De la belle ouvrage, donc, et qui comble un manque dans le marché, puisqu’il n’existait jusqu’à présent aucun livre entre l’album pour les tout petits et le roman pour les CM2 / 6e (à part Mehdi met du rouge à lèvres de David Dumortier, en rubrique poésie).
– Voir Un amour prodigue, de la même auteure.
Voir en ligne : Présentation de l’auteure
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