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Film culte sur l’homosexualité masculine

Maurice, de James Ivory et autres films du même réalisateur.

Une histoire d’amour entre hommes qui se termine bien.

samedi 29 février 2020, par Lionel Labosse

James Ivory (né en 1928) me bouleversa avec ce film sorti alors que j’avais 20 ans, que j’avais dû voir deux ou trois fois, en plus de la lecture du roman éponyme, Maurice d’E. M. Forster. Je l’ai revu lors de la rétrospective de la cinémathèque en 2020, et avec le même plaisir malgré le temps passé, et alors que je m’attendais à être déçu, comme cela arrive souvent lorsqu’on revoit un film qui a marqué sa jeunesse. C’était le 18e long métrage de ce réalisateur américain marqué par l’Inde, où il avait réalisé ses premier films, sous la houlette de Satyajit Ray. Seconde des trois adaptations par Ivory d’un roman de E. M. Forster, romancier également fasciné par l’Inde. Ivory aborde l’homosexualité masculine dans la lignée de son œuvre dans laquelle la question du puritanisme, de la complexité des sentiments amoureux et de la transmission des valeurs et des héritages sont des fils rouges. Il avait déjà traité de l’homosexualité féminine avec Les Bostoniennes, adaptation du roman éponyme de Henry James ; c’est dire si Maurice est une œuvre de la maturité, réussite parfaite d’un cinéma classique mais, si on le replace dans son contexte, moralement en avance sur son temps. Cela faisait longtemps que j’avais envie de rendre hommage à ce film et à ce cinéaste, dont la rétrospective m’a permis de saisir la cohérence de l’œuvre. Je me souviens qu’à l’époque j’avais été scandalisé par la différence entre la réception à un an d’intervalle de Chambre avec vue et Maurice. Même réalisateur, même romancier, même contexte, et cinq fois moins de spectateurs pour Maurice. Pour moi, cette différence relevait clairement, de l’homophobie. Seuls étaient allés voir ce film les inconditionnels d’Ivory, et les inconditionnels du cinéma homosexuel, qui ne furent pas déçus car à l’époque si l’on daignait aborder l’homosexualité au cinéma, c’était à la condition expresse que les protagonistes mourussent de mort violente ou par suicide.

Tous les personnages de Maurice appartiennent à la « upper class » britannique, soucieuse de respectabilité et méprisante envers la « working class ». La belle scène initiale, où un instituteur (Simon Callow, habitué des seconds rôles d’Ivory, qui débuta en Papageno dans l’Amadeus de Forman) apprend à Maurice au bord de la mer le mystère de la procréation (parce qu’il n’a pas de père pour le faire et qu’une mère ne saurait aborder ces choses) est révélatrice d’une conception disons biblique de la sexualité, où elle n’est admise que dans le cadre conjugal. Lors de leurs études classiques, Clive (Hugh Grant) et Maurice (James Wilby), lorsqu’ils font de la version grecque en compagnie du doyen de Trinity college, doivent passer les allusions à « l’inqualifiable vice des Grecs », mais cela les tarabuste. L’amour de la musique les rapproche, et sans s’en rendre compte, Maurice, qui parle avec son corps, croque la pomme entamée par Clive. C’est pourtant Clive qui finit par dire « Je thème », pardon, « Je t’aime » à Maurice, ce que celui-ci qualifie du tac-au-tac d’« ineptie », avant de se rendre compte que c’était ce qu’il ressentait lui aussi. Cette scène était précédée d’une belle scène muette, dans la chambre de Clive, où leurs mains se parlaient, s’attardant sur leur tête, moment de tendresse qui aurait pu déboucher sur une étreinte si des casse-couilles n’étaient venus les rejoindre à ce moment précis. C’est cette scène qui constitue l’image de couverture du livre en édition 10:18. Ce sont les mots qui bloquent Clive ; mais Maurice, plus sensuel, n’hésite pas à s’introduire nuitamment par une échelle dans sa chambre pour lui prodiguer un baiser qui réponde avec son corps aux mots de Clive. Ils vivent alors un bon moment d’amour platonique, que James Ivory, prince de l’ellipse, subsume en une étreinte chaste dans un pré ; on pourrait croire à une scène récurrente, mais non, le roman confirme qu’il y eut une seule journée de ce bonheur initial. Les deux quittent l’université pour entamer une vie de riche héritier pour Clive, d’agent de change pour Maurice. Leur ami aristocrate de l’université se fait pincer par un jeune soldat qu’il lève dans un pub, et qui le vend à la police. Le procès fait la première page des journaux ; Clive est encore plus bouleversé que Maurice, et veut mettre fin à leur relation. Il s’oblige à tomber amoureux d’une jeune femme. C’est la seule différence majeure avec le roman, qui n’avait pas eu besoin d’un scandale pour rendre Clive à la normalité. On s’attend à ce qu’ils continuent à s’aimer en douce, mais le roman et le film ne tombent pas dans ce travers. La jeune épouse est parfaite, et Clive l’aime vraiment, ce que suggère l’image de fin.
Maurice renonce à Clive et intériorise son sentiment. Lui aussi est terrorisé. Il consacre ses week-ends, auparavant tous réservés pour Clive, à pratiquer le noble art avec des jeunes hommes de classe populaire, sans jamais se laisser attirer par leurs corps magnifiques, qu’il se contente de regarder à la dérobée dans les douches où, réticence de gentleman, il ne les rejoint pas. Il consulte un hypnotiseur (Ben Kingsley) pour tenter une thérapie de conversion. C’est alors qu’advient l’improbable rencontre avec le jeune garde-chasse Alec Scudder (Rupert Graves), tombé sous son charme, et qui a compris la nature des relations de Maurice avec Clive. Alec est un peu « retors » selon Clive ; il refuse les pourboires de Maurice, et celui-ci dans un premier temps est rattrapé par ses préjugés de classe, et bat froid le garde-chasse. Les deux scènes nocturnes où Maurice ne trouve pas le sommeil, et s’ébroue sous la pluie à sa fenêtre tandis qu’Alec le mate depuis le jardin, sont une grande réussite, fidèle au texte. Alec « oublie » une échelle qu’il avait utilisée en journée pour faire une réparation, et lors de la deuxième nuit, il répond à l’appel inconscient de Maurice en venant le rejoindre dans son lit grâce à l’échelle, écho à la scène du début du film où c’était Maurice qui révélait ainsi Clive à lui-même. Sauf que cette fois, il s’agit bien d’amour charnel, et Maurice est conquis (« appelez-moi Maurice »), sauf que la peur le reprend aussitôt qu’Alec le retors cherche à le piéger. Or Alec doit s’embarquer avec sa famille pour émigrer et « gagner de l’argent dans l’Argentine » comme dirait Apollinaire, et le compte à rebours s’engage. Maurice n’ose répondre à la lettre d’Alec l’engageant à le rejoindre au hangar à bateaux.

Maurice, de James Ivory. Maurice et Alec au British Museum.
© James Ivory

Alec prend le train pour Londres et retrouve Maurice dans son agence, devant ses collègues. Celui-ci croit à du chantage, et comme Alec craint de son côté que Maurice n’ait fait que s’amuser avec lui, il le menace par dépit : « vous allez casquer ». Cette séquence du film est très forte (prenez le temps de la revoir, à partir de 1h 54’). Maurice amène son amant au British Museum, devant les bas-reliefs mésopotamiens, admirant les deux taureaux androcéphales à cinq pattes de Nimroud, lesquels évoquent le combat d’amour de Gilgamesh et Enkidou : « Gilgamesh et Enkidou se tenant l’un l’autre luttent tels deux taureaux sauvages ». C’est à ce moment clé que survient un casse-couilles : l’instituteur de début, qui précisément lorsque Maurice enfant avait dit qu’il ne se marierait jamais, lui avait fait le pari que dix ans après, il l’inviterait avec sa femme. Et ce type survient au moment où Maurice est en train de conclure avec son working class lover ! Maurice fait semblant de ne pas le reconnaître, mais là encore l’écho est malin, car Maurice finit par comprendre qu’Alec ne lui veut que du bien, et après avoir tergiversé, ils vont faire l’amour dans un hôtel minable.

Maurice, de James Ivory. Maurice et Alec à l’hôtel.
© James Ivory

Très belle scène, osée pour l’époque, et supérieure à celle du roman à mon humble avis, où James Ivory nous montre les deux hommes nus et nous laisse admirer la nudité de Rupert Graves (alors qu’il est aussi parcimonieux en matière de nudité dans ses films que Mozart l’est en matière de grosse caisse). C’est parce qu’à cette nudité du corps correspond la nudité des sentiments. Maurice accepte enfin que sa vie soit soumise à son amour des hommes et de cet homme, tandis que c’est au tour d’Alec de craindre l’engagement, maintenant qu’il est sûr que Maurice l’aime. La caméra entame un ballet virtuose entre les deux hommes, et les moindres détails de la chambre font de cette grande scène de cinéma un sommet pictural. Le reflet de Maurice dans le miroir tandis qu’Alec se rhabille, et que lui, Maurice, reste nu jusqu’au départ de son amant, nu et démuni devant sa détermination, cette image est un Vermeer. Et cette image de Maurice sur son lit, seul et nu, avec ses bras tentant de ceindre l’insaisissable, en écho au tuyau coudé du radiateur sur le mur nu, acculé à renoncer à tout le confort d’une vie tracée d’avance…

Maurice, de James Ivory. Maurice à l’hôtel.
© James Ivory

Maurice surmonte ses préjugés de classe, et se rend à l’embarquement pour faire ses adieux à Alec ; il se présente à sa famille, mais Alec a raté son train. Maurice est aux anges, il rejoint Alec au hangar, après avoir avoué son amour à Clive, qui ne comprend pas : « l’amour entre deux hommes n’est acceptable que s’il est platonique ». Étreinte finale & goulue au hangar, et scène de fin où Clive ferme les volets de la chambre conjugale et se remémore le visage de Maurice à l’université ; contre champ attendri sur Clive et sa femme ; fondu au noir. Une nouvelle vie commence pour Maurice, et l’on espère que comme il l’a promis à Alec, il va tout lâcher de sa vie confortable, quitter l’Angleterre comme le lui a conseillé l’hypnotiseur, pour un pays plus tolérant… James Ivory a choisi pour ces rôles trois acteurs très hétéros. Wikipédia nous apprend que Rupert Graves et James Wilby sont maintenant mariés (avec une femme chacun !) et ont respectivement 5 et 4 enfants, tandis que Hugh Grant, 5 enfants aussi, a eu une vie sexuelle un peu plus rock’n roll & patachon ! Ce choix permet sans doute le détachement des acteurs, du moins jusqu’à l’embrasement / embrassement final. Détachement très anglais et aristocratique, qui interdit à Clive mais aussi à Maurice, jusqu’à un certain point, de se livrer à leurs sens.

Filmographie de James Ivory

Je citerai dans l’ordre les films que j’ai pu voir lors de cette rétrospective. Je n’ai pas revu Chambre avec vue, malheureusement.
 The Householder (1963) est la première collaboration entre Ivory, son compagnon Ismail Merchant (musulman) et la romancière Ruth Prawer Jhabvala, juive. Ils feront plus de vingt films ensemble, et Ruth aura deux oscars du scénario. C’est un très beau film indien, bercé par une musique envoutante, et déjà Ivory s’attache à scruter les inflexions des sentiments d’un homme et d’une femme liés par un mariage arrangé, et qui parviennent à s’aimer malgré les embûches de la vie et le puritanisme à l’indienne. C’est une version optimiste du superbe Charulata que Satyajit Ray, qui assista Ivory pour son premier film, sortira un an plus tard.
 Le Gourou (1969) est le 3e long métrage d’Ivory, avec Michael York, une de mes idoles d’adolescence, en rock star venu se ressourcer en Inde et apprendre le sitar auprès d’un guru, sans accepter sa posture dictatoriale. Une jeune fille britannique également, se soumet par contre au guru, et finira par se rapprocher de la star. Nombreuses scènes à Bénarès où le guru, musulman, retrouve sa seconde épouse, aussi belle mais plus jeune que la première.
 Les Européens (1979) est adapté du roman éponyme de Henry James paru en 1878. L’action se passe à Boston, où un frère et une sœur rendent visite de façon inopinée à leurs cousins américains. Leurs parents étaient frères, mais ils se sont fâchés, le frère converti au catholicisme a émigré en France, et après un mariage pas très heureux, la cousine espère changer de vie. Son plus jeune frère, un peu bohème, tombe sous le charme de sa jeune cousine elle-même en rupture par rapport au puritanisme protestant de sa famille. Mais petit à petit, les esprits vont s’ouvrir et se rapprocher.
Quartet (1981) avec Isabelle Adjani, ne m’a pas laissé un grand souvenir. C’est une histoire de quatuor amoureux.
 Les Bostoniennes (1984) est un beau film adapté du roman éponyme de Henry James, et dont l’action se passe également à Boston. Une jeune femme douée d’éloquence féministe est sous l’emprise d’une lesbienne misandre incarnée par Vanessa Redgrave. Un jeune avocat (interprété par Christopher Reeve) qui n’est pas du tout attiré par les idées féministes, tombe sous le charme de la jeune femme, et parvient avec difficulté à la soustraire à sa prédatrice. Comme Maurice, le film s’achève à l’heureux moment du mariage, et on en est réduit à espérer que ça se passe bien pour la pauvre fille qui passe d’une prédatrice à un prédateur… L’image de l’homosexualité n’en sort pas grandie, mais c’est un film en avance sur son temps, qui montre cette incroyable situation de ce Boston puritain qui préfigure tellement à mon sens notre époque néo-puritaine où quelques activistes lesbiennes devenues hommes trans tentent d’imposer à l’Occident une haine de la masculinité maquillée en féminisme. On y apprend aussi le sens de l’expression « mariage de Boston » qui désigne des couples de femmes, pas forcément lesbiennes.
 Jefferson à Paris (1985) traite aussi du puritanisme, puisque l’histoire du futur troisième président des États-Unis à Paris juste avant la Révolution croise celle de deux de ses esclaves, dont une devient sa jeune maîtresse et lui donnera des enfants, allusion à une vérité historique qui ne plut guère à la sortie du film, car cela ne donnait pas une image d’Épinal d’un démocrate… Le film tourné en France nous permet d’admirer des acteurs français comme Michael Lonsdale en Louis XVI, Lambert Wilson, Charlotte de Turckheim, sans oublier dans de tous petits rôles une truellée d’acteurs de la Comédie française.
 Retour à Howards End (1992) est la 3e adaptation de Forster. On retrouve pour une brève scène Simon Callow en conférencier sur la 5e symphonie de Beethoven, dont le thème accompagne le destin du jeune Leonard Bast, poursuivant Helen pour récupérer son parapluie qu’elle lui a piqué. Toujours prince de l’ellipse, Ivory soude le destin de plusieurs personnes qui au début du film n’ont pas grand chose à voir ensemble. On retrouve avec plaisir Vanessa Redgraveen vieille épouse mourante, cédant la place et sa maison natale à sa successeure. Comme dans Maurice, il y a des préjugés de classe, qui vont amener la catastrophe finale, puisque Charles, le fils de Henry Wilcox (Anthony Hopkins), nous permet de retrouver James Wilby (le the Maurice de Maurice) en véritable tête à claques d’hétéro, presque méconnaissable. La scène où sans chercher à écouter Helen enceinte, il bastonne son prétendu séducteur comme une racaille de sale pauvre m’a particulièrement ému. C’est pour moi une parfaite illustration de cette autre violence masculine, qui explique en partie pourquoi certaines femmes victimes n’osent pas dénoncer leur violeur, pour ne pas les exposer à une vendetta qui relève du même complexe de domination masculine. Le jeune frère d’Helen, au contraire, s’oppose à Charles venu le forcer à livrer le nom du séducteur. Il ne pense pas que son honneur de mâle soit en jeu dans celui de sa sœur, et surtout il respecte le désir de sa sœur, fût-il en contradiction avec l’image familiale.
 Les Vestiges du jour (1993) est un film étonnant car pour une fois les protagonistes sont les domestiques de l’aristocratie anglaise, et interprétés par les mêmes acteurs qui jouaient les richards dans les films précédents (Anthony Hopkins et Emma Thompson). Trois ans avant d’interpréter Picasso, Hopkins campe un majordome très à cheval sur l’étiquette. Attention : « majordome » dans ce contexte désigne le poste le plus haut-placé dans une domesticité pléthorique où, à rebours de ce qui se passe en France (voyez par exemple dans La Règle du jeu de Jean Renoir) les employés s’adressent la parole avec respect de la hiérarchie et de l’étiquette, et s’ils ne fricotent ce n’est que dans l’intention de s’épouser. M. Stevens (Anthony Hopkins) est incapable de laisser ses sentiments personnels, amoureux ou politiques, interférer avec sa fonction. Son père âgé de 75 ans rempile sous ses ordres, et il exige de tous qu’ils l’appellent « M. Stevens » exactement comme lui, en ajoutant juste « senior » s’ils se trouvent ensemble présents. Au moment où son père meurt, en pleine conférence, il ne parvient pas à quitter son service. Il étouffe sans sourciller son étonnement lorsque son maître, qui se compromet en organisant des conférences d’apaisement entre diplomates nazis, français, anglais et américains, lui demande de licencier deux domestiques réfugiées juives allemandes. Il est incapable de formuler une opinion politique à propos de ces conférences peu orthodoxes. Michael Lonsdale y campe un réjouissant diplomate français obsédé par ses maux de pieds.
 Surviving Picasso (1996) est un beau film méconnu, où Anthony Hopkins incarne un Picasso saisi par le démon de midi, qui séduit à intervalle régulier une nouvelle maîtresse dont il tombe amoureux, à la façon de Victor Hugo ou Casanova, sans pour autant délaisser ses précédentes. Façon Hugo aussi, il enferme despotiquement chaque nouvelle victime dans un rôle d’esclave admirative. Une brève séquence métaphorise cette attitude de prédateur sexuel : dans un jardin où il promène sa nouvelle recrue Françoise Gilot (Natascha McElhone), un hibou grand-duc capture un chat, lequel venait d’en faire autant d’un oiseau, et l’emmène dans les cieux comme Zeus Ganymède. La scène réaliste fait frémir les végan dans la salle, et elle résume en une image ce qu’on pourrait penser du génie de la peinture si l’on chausse les lunettes puritaines de ce début de XXIe siècle… Anthony Hopkins a le même jeu que Wilcox dans Retour à Howards End et Stevens dans Les Vestiges du jour, comme si le personnage était imperméable aux sentiments d’autrui.

 La fille d’un soldat ne pleure jamais (A Soldier’s Daughter Never Cries) (1998) est un film simple et touchant sur la vie de famille, ou plutôt la vie d’une famille particulière, celle d’un écrivain américain vivant en France avec sa femme et sa fille, qui étudie à l’école américaine et est donc parfaitement bilingue. Au début du film, ils adoptent un garçon, qu’ils renomment Billy, et qui s’acclimate à cette famille dont seule la fille parle français. Avec son sens de l’ellipse brutale, sans nous avertir, on passe d’un plan à l’autre de 6 ans à 14 ans (enfin, l’acteur qui incarne Billy à 14 ans est Jesse Bradford, né en 1979, qui en était à son 9e film, et avait 19 ans au moment du tournage…), et ce n’est que vers la fin qu’on apprend les raisons de l’adoption de Billy. C’est là que j’ai été bouleversé : alors que l’auteur et le producteur sont gays, traitant de l’adoption par un couple hétérosexuels, ils donnent cette leçon qui pour moi est une évidence, mais que les activistes du Gay pouvoir veulent fouler au pied : en matière d’adoption, il est primordial de respecter le droit des enfants à connaître la vérité. Les parents détiennent un carnet remis par la mère où elle a rédigé, à l’intention de son fils, son histoire et les raisons de son abandon. Ils respectent le désir de la mère de le lui remettre à condition qu’il en exprime le désir. Ils l’informent de l’existence du carnet, et il ne souhaite pas le lire, car il rejette sa mère. Il faudra un événement pour que la main lui soit forcée. Je trouve cela très beau, et de nombreuses extrémistes lesbiennes et arrivistes gays feraient bien de méditer la leçon avant qu’elle ne leur reviennent en pleine face dans vingt ans, quand les gamins auxquelles elles (et ils) auront menti délibérément se rebelleront à juste titre. Il y a un autre moment de grâce dans ce film, c’est quand Anthony Roth Costanzo, contre-ténor né en 1982 (donc 16 ans à la sortie du film), dont c’est semble-t-il le seul rôle au cinéma, interprète devant sa classe de l’école américaine, l’air des Noces de Figaro « Voi que sapete » (Acte II, scène 3), accompagné au piano par sa mère interprétée par Jane Birkin. Un moment de grâce dans le film, et la prof BCBG pense défaillir à l’instar de la comtesse devant ce Chérubin au bel organe. L’extrait sur Youtube est en version italienne, je préfère vous prévenir ! Je montrerai cet extrait à mes élèves de 1re dans la cadre de l’étude du Mariage de Figaro. Un autre détail notable, l’incrustation du film de John Ford La Chevauchée fantastique, comme dans La Garçonnière de Billy Wilder.

 Lire la chronique de Jean-Yves Alt sur Culture et débats.
 Lire l’article sur Maurice, le roman de E. M. Forster.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Maurice en VO sur Youtube


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