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De Pizan, Rousseau, Laclos, Fénelon : des femmes, toujours des femmes…

L’éducation des femmes : un sujet de bac.

L’argumentation : la question de l’homme

mercredi 25 mai 2011

Voici un sujet de bac sur un thème à la mode. Les textes sont connus, sauf le premier, que j’ai trouvé dans l’ouvrage même. Quelques alternatives sont proposées pour les collègues pointilleux.

CORPUS

Texte A – Christine de PIZAN, Le Livre de la Cité des Dames (1405)
Texte B – Jean-Jacques ROUSSEAU, Émile ou De l’Éducation (1762)
Texte C – Pierre CHODERLOS de LACLOS, Des femmes et de leur éducation (1783)
Document D – Dessin de presse de Raymond PALLIER, publié pendant la guerre de 14-18.

I. Questions. Après avoir pris connaissance du corpus, répondez aux questions suivantes :

  1. Identifiez clairement la thèse défendue par chaque document. (2 pt)
  2. Comparez le type d’argumentation utilisé dans chacun des quatre documents. (2 pt)

II. Travail d’écriture : Vous traiterez un de ces sujets au choix (16 pt) :

Sujet I. Commentaire
Vous ferez le commentaire du texte de Pierre CHODERLOS de LACLOS (Document C)

Sujet II. Dissertation :
D’après vous, quel rôle la littérature et les arts en général peuvent-ils jouer aujourd’hui dans le débat sur la place des femmes au sein de la société ?

Sujet III. Invention :
Une femme contemporaine de Jean-Jacques Rousseau, choquée par ses propos, lui répond par une lettre que vous rédigerez en vous appuyant sur des arguments ordonnés et des exemples précis.

Texte A – Christine de PIZAN, extrait de Le Livre de la Cité des Dames (1405)

Christine de Pizan (ou Pisan) est une poétesse, historienne et philosophe, une des premières femmes à être reconnue comme écrivain, à la fin du Moyen Âge. Le point de départ du Livre de la Cité des Dames est le mécontentement de l’auteure face à la misogynie d’un livre qu’elle vient de lire. Elle est accablée et désespérée « que Dieu [l]’ait fait naître dans un corps féminin », et c’est alors qu’elle voit apparaître « trois dames couronnées, de très haute dignité ». Ces dames, Raison, Droiture et Justice, entreprennent de consoler Christine, en lui recommandant de tourner les écrits misogynes à son avantage. Elles prendront la parole tour à tour dans le récit, et construiront avec Christine une « Cité des dames », commençant par les fondations et les murailles, puis l’intérieur, puis les toitures. Dans cet extrait, situé vers le début du livre, c’est Dame Raison qui s’adresse à Christine.

Christine demande à Raison pourquoi les femmes sont exclues du judiciaire. Réponse de Raison.

— Mais à ce propos, ma chère Christine, on pourrait tout aussi bien demander pourquoi Dieu n’a pas voulu que les hommes fassent les travaux des femmes ou les femmes ceux des hommes. À cette question il faut répondre qu’un maître avisé et prévoyant répartit à sa maisonnée les différents travaux domestiques, et que ce que l’un fait, l’autre ne le fait pas. Dieu a voulu ainsi que l’homme et la femme le servent différemment, qu’ils s’aident et se portent secours mutuellement chacun à sa manière. Il a donc donné aux deux sexes la nature et les dispositions nécessaires à l’accomplissement de leurs devoirs, même si parfois les êtres humains se trompent sur ce qui leur convient. Aux hommes, Dieu a donné la force physique et le courage d’aller et de venir, et celui de parler sans crainte ; c’est parce que les hommes ont ces aptitudes qu’ils apprennent le droit. Et cela, ils doivent le faire pour maintenir la justice dans ce monde, car si quelqu’un refuse d’obéir à la loi établie, promulguée conformément au droit, il faut le contraindre par la force et la puissance des armes ; les femmes seraient incapables de telles voies de contrainte. Et s’il est exact que Dieu leur a souvent accordé une intelligence très vive, il ne serait néanmoins pas convenable, vu l’honnêteté qui leur est propre, qu’elles aillent pour un rien chercher querelle devant les juges, comme le font certains, car en effet il se trouve beaucoup d’hommes pour agir ainsi. Et à quoi bon envoyer trois hommes porter un fardeau que deux peuvent aisément soulever ?
« Mais si l’on voulait prétendre que les femmes ne sont pas assez intelligentes pour apprendre le droit, l’expérience prouve manifestement le contraire. Comme nous le verrons plus tard, on a vu de nombreuses femmes — et l’on en trouve encore de nos jours — qui furent de très grandes philosophes et qui purent maîtriser des disciplines autrement plus difficiles et plus nobles que ne le sont le droit écrit et les statuts des hommes. D’autres part, si l’on voulait affirmer que les femmes n’ont aucune disposition naturelle pour la politique et le pouvoir, je pourrais te citer l’exemple de beaucoup de femmes illustres qui ont régné par le passé. Et afin que tu te pénètres mieux de cette vérité, je te rappellerai encore quelques-unes de tes contemporaines qui, restées veuves, ont si bien dirigé leurs affaires après la mort de leur mari qu’elles fournissent la preuve irréfutable qu’il n’est aucune tâche trop lourde pour une femme intelligente. »

La Cité des dames
Enluminure du manuscrit original, BNF.
© Gallica

Texte B – Jean-Jacques ROUSSEAU, extrait de Émile, ou De l’Éducation (1762)

Jean-Jacques ROUSSEAU est un des philosophes les plus importants du siècle des Lumières. Publié en 1762, comme son titre l’indique, Émile, ou De l’éducation est un traité d’éducation. Les quatre premiers livres décrivent l’éducation idéale d’un jeune garçon fictif, Émile, et sont ordonnés chronologiquement, abordant, étape par étape, les questions éducatives qui émergent à mesure qu’il grandit. Le dernier livre traite de l’éducation des filles à partir d’un autre exemple fictionnel : Sophie, élevée et éduquée pour être l’épouse d’Émile. C’est un extrait de ce cinquième livre qui vous est proposé ici.

La femme et l’homme sont faits l’un pour l’autre, mais leur mutuelle dépendance n’est pas égale : les hommes dépendent des femmes par leurs désirs ; les femmes dépendent des hommes et par leurs désirs et par leurs besoins ; nous subsisterions plutôt sans elles qu’elles sans nous. Pour qu’elles aient le nécessaire, pour qu’elles soient dans leur état, il faut que nous le leur donnions, que nous voulions le leur donner, que nous les en estimions dignes ; elles dépendent de nos sentiments, du prix que nous mettons à leur mérite, du cas que nous faisons de leurs charmes et de leurs vertus. Par la loi même de la nature, les femmes, tant pour elles que pour leurs enfants, sont à la merci des jugements des hommes : il ne suffit pas qu’elles soient estimables, il faut qu’elles soient estimées ; il ne leur suffit pas d’être belles, il faut qu’elles plaisent ; il ne leur suffit pas d’être sages, il faut qu’elles soient reconnues pour telles ; leur honneur n’est pas seulement dans leur conduite, mais dans leur réputation, et il n’est pas possible que celle qui consent à passer pour infâme puisse jamais être honnête. L’homme, en bien faisant, ne dépend que de lui-même, et peut braver le jugement public ; mais la femme, en bien faisant, n’a fait que la moitié de sa tâche, et ce que l’on pense d’elle ne lui importe pas moins que ce qu’elle est en effet. Il suit de là que le système de son éducation doit être à cet égard contraire à celui de la nôtre : l’opinion est le tombeau de la vertu parmi les hommes, et son trône parmi les femmes.
De la bonne constitution des mères dépend d’abord celle des enfants ; du soin des femmes dépend la première éducation des hommes ; des femmes dépendent encore leurs mœurs, leurs passions, leurs goûts, leurs plaisirs, leur bonheur même. Ainsi toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance. Tant qu’on ne remontera pas à ce principe, on s’écartera du but, et tous les préceptes [1] qu’on leur donnera ne serviront de rien pour leur bonheur ni pour le nôtre.

Texte C – Pierre CHODERLOS de LACLOS, extrait de Des femmes et de leur éducation (1783)

Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos (1741-1803) est un écrivain et officier militaire français. Son livre le plus célèbre, le roman épistolaire Les liaisons dangereuses (1782), a fait scandale. Ce texte intitulé Des femmes et de leur éducation, rédigé en 1783, n’a été publié qu’au XXe siècle. Laclos avait entrepris de répondre à la question posée par l’académie de Châlons-sur-Marne : « Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? ». Il s’agissait d’un concours de rhétorique pour récompenser les meilleurs textes. Laclos entend lier le problème de la condition des femmes à celui de leur éducation. Nous sommes ici au tout début de la réponse à cette question académique.

« Ô femmes ! approchez et venez m’entendre. Que votre curiosité, dirigée une fois sur des objets utiles, contemple les avantages que vous avait donnés la nature et que la société vous a ravis [2]. Venez apprendre comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenues son esclave, comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenues à vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel ; comment enfin, dégradées de plus en plus par une longue habitude de l’esclavage, vous en avez préféré les vices avilissants, mais commodes aux vertus plus pénibles d’un être libre et respectable. Si ce tableau fidèlement tracé vous laisse de sang-froid, si vous pouvez le considérer sans émotion, retournez à vos occupations futiles. Le mal est sans remède, les vices se sont changés en mœurs. Mais si au récit de vos malheurs et de vos pertes, vous rougissez de honte et de colère, si des larmes d’indignation s’échappent de vos yeux, si vous brûlez du noble désir de ressaisir vos avantages, de rentrer dans la plénitude de votre être, ne vous laissez plus abuser par de trompeuses promesses, n’attendez point les secours des hommes auteurs de vos maux : ils n’ont ni la volonté, ni la puissance de les finir, et comment pourraient-ils vouloir former des femmes devant lesquelles ils seraient forcés de rougir ? Apprenez qu’on ne sort de l’esclavage que par une grande révolution. Cette révolution est-elle possible ? C’est à vous seules à le dire puisqu’elle dépend de votre courage. Est-elle vraisemblable ? Je me tais sur cette question ; mais jusqu’à ce qu’elle soit arrivée, et tant que les hommes régleront votre sort, je serai autorisé à dire, et il me sera facile de prouver qu’il n’est aucun moyen de perfectionner l’éducation des femmes.
Partout où il y a esclavage, il ne peut y avoir éducation ; dans toute société, les femmes sont esclaves ; donc la femme sociale n’est pas susceptible d’éducation. »

Texte D – Dessin de presse de Raymond PALLIER, publié pendant la guerre de 1914-18

Raymond Pallier, dessin de presse.
Guerre de 14-18, condition féminine.

Légende : « UNE VOCATION »
- Que veux-tu faire quand tu seras grande, Suzette ?
 Moi, tourner des obus…

Deux extraits de copies d’élèves (Sujet d’invention)

 « Ils ne sont pas indispensables aux femmes, pareil que pour les hommes ; on n’est pas indispensables pour eux. Sinon, comment pensez-vous que vivent les veufs et veuves [l’argument vient du texte de Pizan] ou encore les homosexuels ? »
 « Vous dites que les hommes pourraient aisément vivre sans les femmes, mais alors pourquoi il y a tant de viols commis en prison ? Serait-ce le manque d’affection d’une femme qui vous fait défaut et qui vous pousse à commettre de tels actes horribles ? Vos pulsions masculines seraient-elles trop fortes pour pouvoir rester aussi longtemps sans une présence féminine ? »

Comme alternative aux documents, on trouvera d’une part le célèbre texte de Fénelon extrait du traité De l’éducation des filles (1696) :

« Il est vrai qu’il faut craindre de faire des savantes ridicules. Les femmes ont d’ordinaire l’esprit encore plus faible et plus curieux que les hommes, aussi n’est-il point à propos de les engager dans des études dont elles pourraient s’entêter ; elles ne doivent ni gouverner l’État, ni faire la guerre, ni entrer dans le ministère des choses sacrées ; ainsi elles peuvent se passer de certaines connaissances étendues, qui appartiennent à la politique, à l’art militaire, à la jurisprudence, à la philosophie et à la théologie. La plupart même des arts mécaniques ne leur conviennent pas. Elles sont faites pour des exercices modérés. Leur corps aussi bien que leur esprit est moins fort et moins robuste que celui des hommes. En revanche, la nature leur a donné en partage l’industrie, la propreté et l’économie pour les occuper tranquillement dans leurs maisons.
Mais que s’ensuit-il de la faiblesse naturelle des femmes ? Plus elles sont faibles, plus il est important de les fortifier. N’ont-elles pas des devoirs à remplir, mais des devoirs qui sont les fondements de toute la vie humaine ? N’est-ce pas elles qui ruinent ou qui soutiennent les maisons, qui règlent tout le détail des choses domestiques, et qui, par conséquent, décident de ce qui touche de plus près à tout le genre humain ? Par là, elles ont la principale part aux bonnes ou aux mauvaises mœurs de presque tout le monde. Une femme judicieuse, appliquée et pleine de religion, est l’âme de toute une grande maison, elle y met l’ordre pour les biens temporels et pour le salut. Les hommes même, qui ont toute l’autorité en public, ne peuvent par leurs délibérations établir aucun bien effectif, si les femmes ne leur aident à l’exécuter.
Le monde n’est point un fantôme, c’est l’assemblage de toutes les familles ; et qui est-ce qui peut les policer avec un soin plus exact que les femmes, qui, outre leur autorité naturelle et leur assiduité dans leur maison, ont encore l’avantage d’être nées soigneuses, attentives au détail, industrieuses, insinuantes et persuasives ? Mais les hommes peuvent-ils espérer pour eux-mêmes quelque douceur dans la vie, si leur plus étroite société, qui est celle du mariage, se tourne en amertume ? Mais les enfants, qui feront dans la suite tout le genre humain, que deviendront-ils, si les mères les gâtent dès leurs premières années ?
Voilà donc les occupations des femmes, qui ne sont guère moins importantes au public que celles des hommes, puisqu’elles ont une maison à régler, un mari à rendre heureux, des enfants à bien élever. Ajoutez que la vertu n’est pas moins pour les femmes que pour les hommes ; sans parler du bien ou du mal qu’elles peuvent faire au public, elles sont la moitié du genre humain, racheté du sang de Jésus-Christ et destiné à la vie éternelle. » (Texte vérifié sur l’édition de La Pléiade des Œuvres de Fénelon, établie par Jacques Le Brun, Gallimard, 1983, texte de 1696, chapitre I, p. 91-92. Orthographe modernisée (sur le seul mot « faible » au lieu de « foible ».).

 d’autre part, deux extraits d’un texte de Fanny Raoul, présenté par Geneviève Fraisse dans un petit livre paru en 2011 aux éditions Le passager clandestin : Opinion d’une femme sur les femmes. C’est un texte qui date à peu près de l’année 1800, malheureusement, Geneviève Fraisse oublie de donner les dates de naissance et de mort de l’auteure, ainsi que la date de parution précise…
1er extrait : « Il est remarquable de voir des philosophes s’attendrir sur le sort d’individus dont un espace immense les sépare, tandis qu’ils ne daignent pas s’apercevoir des maux de ceux qu’ils ont sous les yeux ; proclamer la liberté des nègres, et river les chaînes de leurs femmes, dont l’esclavage est pourtant aussi injuste que celui de ces malheureux ; reconnaître ce dont on n’eût jamais dû douter, que les uns sont, ainsi qu’eux, sortis des mains de la nature, lorsqu’ils semblent oublier que les autres soient son ouvrage.
L’idée d’assimiler les femmes aux noirs pourra paraître étrange ; mais si cette comparaison est singulière, elle n’est au moins pas dénuée de justesse. Les femmes ne sont-elles pas, comme ces infortunés, vendues par des pères avares à des tyrans souvent inhumains ; comme eux, ne se voient-elles point, malgré leurs inclinations, arracher à leurs familles, à leur patrie, pour aller végéter sur un sol étranger ; comme eux, elles n’ont souvent que la fuite ou la mort pour se soustraire à l’horreur de leur situation. Naguère, et tout récemment encore, un mari pouvait renfermer sa femme, la séquestrer pour jamais de toute société, sans que la malheureuse victime d’un despotisme horrible pût invoquer une loi protectrice de ses droits et vengeresse de leur violation. Et il existe des lois et une justice humaines ! Ah ! oui, humaines, sans doute. » (p. 43 sq.)
2e extrait : « Rien n’est peut-être plus nuisible à la société que la différence établie dans la condition des hommes et des femmes. Rendre l’un des sexes un objet de mépris pour l’autre, c’est détruire le bonheur de tous deux ; car si l’opprimé perd sa considération, l’oppresseur perd aussi les avantages et les charmes d’une confiance qui ne peut naître que de l’égalité, et le prix le plus flatteur du mérite, l’estime d’une âme libre. Ne résultât-il de cet état de choses d’autre inconvénient que l’impossibilité du perfectionnement de l’opprimé, ce serait un très grand mal encore ? Or, ce perfectionnement est non seulement impossible, mais le contraire est inévitable ; car le moyen le plus sûr d’avilir un ou plusieurs individus, même à leurs yeux, c’est de dire qu’ils doivent être avilis et de les traiter comme tels. Or, voilà la triste dégradation que les préjugés ont opérée dans les femmes.
En les condamnant à la dépendance, on les a nécessairement rendues dissimulées ; car il ne peut pas y avoir franchise là où il n’y a pas liberté. Ayant affaire à des tyrans barbares que l’apparence du mécontentement pouvait irriter encore, elles ont dû paraître satisfaites de leur sort, afin de ne le pas aggraver par des murmures. Il a donc fallu qu’elles eussent le rire sur les lèvres quand leurs âmes se brisaient par la douleur, et la fausseté leur a été non seulement utile mais même nécessaire. À force de leur dire qu’elles étaient faites pour l’esclavage, on est parvenu à le leur faire croire, et à éteindre conséquemment en elles toute énergie et tout sentiment d’élévation ; à force de les traiter comme si elles n’avaient pas de raison, on les a conduites à douter de leur raison, à force de leur interdire tous les moyens de la fortifier et d’en faire usage, on les a réduites à n’en point avoir ; et lorsqu’on les a eu façonnées de la sorte, oubliant qu’elles ne peuvent être que ce qu’on les a faites, on a dit : « les femmes sont fausses, dissimulées, faibles, pusillanimes ; elles n’ont ni lumières, ni jugement, ni raison ; par conséquent, elles sont inhabiles à toutes les fonctions qui en exigent, incapables des occupations de l’esprit, etc. » » (p. 46 sq.)

 un texte de Nicolas Edme Restif de La Bretonne, extrait d’une nouvelle elle-même extraite d’un recueil intitulé Les Contemporaines, rééditée en 2013 par les éditions Finitude, sous le titre trompeur Nouveau moyen de bannir l’ennui du ménage. Édifiant chez ce précurseur de Charles Fourier !

13. ÉTUDES DES GARÇONS.
Tous les garçons apprendront le latin dès l’enfance et auront pour répétiteur un ou plusieurs des co-associés. On les initiera dans toutes les sciences à leur portée ; on leur donnera des idées saines en physique, en morale et en religion. Ceux qui auront des dispositions seront poussés, promus aux états relevés ; les autres seront employés aux métiers et arts de nécessité : ainsi, chaque état sera individuel, et le fils ne sera jamais nécessairement ce qu’est son père, mais ce que demandera la trempe de son esprit. Il sera absolument interdit de forcer la vocation des enfants, c’est-à-dire de porter les incapables où ils ne doivent point aller. Le médecin, l’avocat, le chirurgien, etc., choisiront indifféremment, ceux des enfants qui seront plus capables de leurs sciences et arts. Mais au moyen de ce qu’aucun emploi ne sera vil, mais honoré dans la Société à raison de son utilité, cet article ne devra jamais peiner les parents.

14. ÉDUCATION DES FILLES.
Les filles seront élevées dans une égalité parfaite, et instruites aux ouvrages de femmes, comme la couture, les modes, le linge, la dentelle, etc. Celles qui auraient de la disposition pour certains arts comme la peinture, la gravure, la musique, etc., y seront appliquées : toutes apprendront le dessin, et en langues étrangères, l’italien et l’anglais. Leur vie sera occupée, sans être fatigante : l’art de se mettre avec goût leur sera enseigné comme important. Toutes apprendront dès l’enfance qu’elles sont destinées à être soumises à leur mari, et que la douceur et la chasteté sont des vertus également indispensables. »

 Un autre extrait du même auteur, d’une nouvelle des Contemporaines, « La femme de laboureur » :
« Edme Rameau fut enchanté de ces détails […]. Cet honnête laboureur jouit alors du bonheur le plus doux pour un mari sensé, d’avoir toute confiance en sa femme pour les détails intérieurs, et de n’avoir à s’occuper que des affaires du dehors. Il amassait, comme c’est le devoir de l’homme, il apportait à la maison ; & il était sûr de confier en de bonnes mains le fruit de ses travaux, qui était économisé, conservé par Barbare, comme c’est le devoir de la femme.
Considérée comme ménagère, la jolie laboureuse était un modèle : active, entendue, laborieuse, n’aimant que les occupations lucratives, ses amusements même étaient de rapport, mais ce n’est pas en cela qu’elle fut plus admirable et plus digne d’être citée pour modèle à tout son sexe : c’est comme épouse, comme mère, comme belle-mère.
Comme épouse, Barbare avait toutes les qualités, tous les sentiments convenables. Elle regardait son mari comme son chef, son guide, son maître, son père. Elle était loin de ce dangereux et criminel système d’égalité, qui ne peut être préconisé que par les libertins des villes ; elle se croyait dépendante, et elle était soumise, non en esclave, mais en fille. »

 Enfin, une superbe gravure de Jean-Michel Moreau le Jeune et Pierre-Charles Ingouf d’après un dessin de Jean-Baptiste Greuze, intitulée « La Bonne Éducation », disponible sur le site de l’expo de la BNF sur les Lumières. Dans ce cas, il faudra bien sûr modifier les questions et les sujets. Cette scène de genre de la lecture semble connaître des variantes intéressantes chez Greuze. Voir La lecture de la Bible, autre gravure d’après Greuze.

« La Bonne Éducation »
Gravure de Jean-Michel Moreau le Jeune et Pierre-Charles Ingouf d’après un dessin de Jean-Baptiste Greuze

 On peut compléter ou remplacer par certains documents de ce groupement sur la préciosité et sa critique au XVIIe siècle.
 Voir deux autres sujets de bac sur Prostitution et roman et sur Autobiographie et sexualité. Voir Quelques perles du bac de français.
 En BTS, voir un cours sur l’égalité homme / femme et un sujet d’écriture personnelle : « La vitesse est-elle une activité spécifiquement masculine ? ».

Sujet concocté par Lionel Labosse


Voir en ligne : Le blog d’une classe de 1re S


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[1Règle, enseignement, commandement

[2Enlevés (ici, ravir = commettre un rapt).