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Plaidoyer pour une hétérosexualité altersexuelle

Pour que tu t’aimes encore, de Trinidad

Éditions Arts & spectacles, 2020, 72 p., 10 €

samedi 26 juin 2021, par Lionel Labosse

Née au siècle dernier, Trinidad (Trinidad Garcia) a un âge classé secret défense. Elle a tellement d’humour qu’un site annonce qu’elle est morte il y a 15 ans à l’âge de 40 ans ! Scoop altersexualite.com : Trinidad est ressuscitée grâce à l’hydroxychloroquine. Aspergez l’hydroxychloroquine sur les tombes et vous ressuscitez les morts ! Le site Youhumourpro nous apprend qu’elle a fréquenté le petit conservatoire de Mireille à l’époque où Line Renaud débutait, et écrit son premier one woman show en 1987, « Les Mémoires d’une jeune fille dérangée », ce qui la classe d’entrée sous l’égide de Simone de Beauvoir. Youtube propose quelques sketches comme « Camée du chocolat », « Les femmes au gouvernement » et « Les chippendales ». On peut visionner une brève présentation du spectacle dont ce livre est le texte. Enfin Trinidad a tenu une rubrique régulière dans l’émission de Brigitte Lahaie sur Sud Radio où elle abordait des sujets cruciaux comme le « bronzage du périnée ». Elle y abusait du même goût du calembour et d’une connaissance encyclopédique des chansons françaises des 50 dernières années, qu’elle ne craint pas de parodier de la façon la plus éhontée [1]. Pendant l’année 2021, elle a été l’animatrice toujours fringante des ateliers de « Sport sur ordonnance » pour le compte de l’association « Ami Entends-Tu », tous les dimanches place de la République, et c’est comme ça que je l’ai connue. Trinidad est une féministe qui aime les hommes et ne crache pas sur la sexualité, ce qui en fait une apôtre de l’hétérosexualité altersexuelle telle que je l’ai définie à l’origine de ce site, ce qui valait donc un article pour présenter ce spectacle, plutôt sous l’angle du texte d’ailleurs. Trinidad joue plusieurs spectacles en alternance, et on pourra l’applaudir à Avignon à l’été 2021.

Dès l’avant-propos Trinidad dévoile la feuille de route de son féminisme : « nécessité de reparler de sexualité avec des mots simples dans une société qui balance aujourd’hui entre la pornographie et un retour à la morale. Une société où l’affaire Me Too a libéré la parole des femmes mais les a figées dans l’état de victimes » [2]. Brigitte Lahaie ajoute « Voilà une jeune femme libre malgré un parcours parfois sinueux. Par certains côtés elle aurait pu se poser en victime mais elle a choisi au contraire de se moquer des difficultés qu’elle a rencontrées, tant dans sa vie amoureuse que dans sa vie professionnelle. »
Le spectacle commence par la projection des photos de 5 femmes avec des extraits audio. Dès ce prologue, Trinidad affiche sa marque de fabrique avec l’absence de hiérarchisation : Anne Sylvestre côtoie Scarlett O’Hara & Romy Schneider. Anne Sylvestre ! Ce n’est pas comme ça que l’on obtient des passages à la télévision pour promouvoir un spectacle ! On plonge dans l’enfance de Trinidad, avec ses premières icônes féminines et sa première devise d’un féminisme sciemment has been : « On peut parler de tout, mais à un moment donné, il faut mettre du rouge à lèvres » (p. 16). Ses admirations ne sont pas politiquement correctes, comme Ruth Handler, créatrice de la poupée Barbie : « Le modèle de millions de petites filles à travers le monde et la hantise des féministes » (p. 18). Entre sa mère espagnole catholique pour qui « t’es oune fille, t’es oune poute !! » et son père qui préfère le sexe, elle choisit plutôt le côté paternel : « À partir d’aujourd’hui tous les jouets qu’on offre aux petites filles pour en faire de bonnes petites femmes soumises : dînette, poupée, bébé qui pleure, chien qui pisse, perles qu’on enfile… vous pouvez vous les carrer profond parce que quand je serai grande, je veux être Olivia Newton John, je veux être une artiste, libre, prendre la pilule et me taper des mecs ! » (p. 24). Au détour d’une réplique pointe peut-être une allusion à l’ombre d’une « difficulté » évoquée par Brigitte Lahaie, dont il ne sera plus question : « Dis donc, fallait peut-être pas laisser tonton mettre la main dans la culotte !! » La découverte du clitoris : « L’année de mes 17 ans une amie m’a fait découvrir Barbara et mon clitoris » lance un exposé sur ce sujet méconnu : « Sachez que c’est en 2017 que notre petite glande a fait son apparition dans les manuels scolaires ». Cela confirme des observations que j’ai pu faire, par exemple dans une intervention scolaire sur la sexualité ou à la lecture de ce livre. Entre 18 et 20 ans, c’est Pretty Woman (ce qui tord la légende biographique car le film date de 1990), dont l’héroïne est « oune poute » ! Cela n’arrange pas la situation de Trinidad, qui a sur le sujet des positions, disons le mot, d’« extrême drouâteuh » ! « Et bien moi je suis très fière d’être oune poute. […] Je ne prends pas ça comme une insulte quand tu me traites de poute, sinon ça voudrait dire que je porte sur la poute le même regard que toi alors que je trouve que depuis des siècles, elles font un super boulot !! » (p. 37).
L’absence d’information gynécologique nous vaut une punchline qui là encore date son auteure : « Il y a des départements où c’est plus facile de trouver un CD de Doc Gynéco qu’un gynéco même décédé » (p. 38). Elle se fait la défenseure du poil, et cela confirme les propos relevés dans cet article : « Nous aussi nous sommes victimes de déforestation. Comme l’Amazonie on a vu disparaître l’essentiel de notre végétation. Nos monts de Vénus sont devenus lisses comme des autoroutes » (p. 39). À l’âge mûr (enfin à l’âge où une certaine Chibritte se dégotta un gamin de 15 ans dans le lycée où elle enseignait), Trinidad découvre son ultime modèle féminin : « À l’adolescence les garçons qui nous regardaient dans les yeux vont nous regarder dans les seins. Notre vie prend la dimension de nos seins et suit la courbe de nos hanches, si on sait s’en servir on est les reines du monde. On est Monica Bellucci » (p. 53). La puissance féminine est à chercher à l’intérieur de soi, pas dans la séduction qui recherche une validation extérieure, avec tout ce qui relève de la chirurgie esthétique.
C’est sans doute son expérience chez Brigitte Lahaie qui a permis à Trinidad de connaître l’existence de la vaginoplastie ou du « vontouring, une sorte de lifting du vagin » (p. 55). Pour les amateurs, voir cet article. Une parodie inattendue d’une chanson de Gérard Lenorman constitue un autre repère de datation des références culturelles de l’auteure : « Je me souviens de ces vagins divers / Touffus, humides et secrets / Où il fallait les plaisirs de la chair / Pour pouvoir y pénétrer » ! La rencontre au tournant de la cinquantaine avec Brigitte Lahaie permet un parallèle osé avec sa mère : « D’un côté : j’ai péché. / De l’autre : j’ai pécho ! » (p. 59).
Et voici un plaidoyer proprement altersexuel (ou disons relevant d’un féminisme prosexe) que je plussoie :
« On est conçu dans un acte sexuel, on vient au monde en sortant d’un sexe, on n’a qu’une envie c’est d’y retourner, les hommes en y entrant, les femmes en accueillant… La façon dont depuis l’enfance, on a été touché, aimé, désiré détermine toute notre vie. On est une des rares espèces à pouvoir faire l’amour pour le plaisir mais on ne parle que de prévention, de danger, de performance… Est-ce qu’on ne pourrait pas tout simplement parler de la magie de deux peaux qui se rencontrent, de deux corps qui se fondent, de chaque cellule de notre corps qui se connecte à chaque cellule du corps de l’autre, chaque osmose, chaque orgasme, c’est un nouveau big bang » (p. 60). Au bas de la même page figure une liste des mots plus ou moins modernes de la sexualité, de « polyamour » à « sapiosexuel » en passant par « candaulisme », mais qui ignore encore « altersexualité » !
Une page consacrée à Alfred Kinsey nous en apprend une bonne sur le sujet pourtant bien renseigné de la taille du pénis : « les pénis des homosexuels seraient en moyenne plus longs de 0,84 centimètres et plus larges de 0,38 centimètres que ceux des hommes homosexuels » (p. 65). Et cette confidence : « Pour la vie courante, les femmes préfèrent un pénis moyen par contre pour un soir, elles aiment bien faire péter la moyenne » (p. 65). Voici encore une affirmation qui sent le fagot : « On parle souvent de la violence faite aux femmes et si le premier pas était déjà de stopper la violence qu’on s’inflige toutes seules ? Si on se libérait enfin du : il faut souffrir pour être belle. Pour aller vers un potentiel : il suffit d’être soi pour être belle ! Et si Céline Dion avait raison !!! » (p. 66). Je ne suis pas convaincu que la référence à Céline Dion qui a consacré une énergie phénoménale à transformer son corps et son être soit la plus pertinente !
Et en conclusion de cet anti « #balancetonporc » : « Tous les hommes ne sont pas des porcs. Pour un porc rencontré dans ma vie, combien de beaux hommes ont croisé ma route ? » (p. 70). Si l’on en juge à la réaction du public, majoritairement féminin mais qui n’exclut pas les hommes, toutes les femmes ne se sont pas brusquement converties à la haine des hommes parce qu’une demi-douzaine de groupuscules subventionnés par George Soros et surreprésentés dans les médias gouvernementaux, barbouillent les rues des grandes villes de leurs slogans misandres. Alors si vous connaissez un exemplaire résiduel de macho, mesdames, au lieu de le dénoncer sur les réseaux sociaux, invitez-le seulement au spectacle de Trinidad !

 On peut acheter le texte du spectacle ici.
 Trinidad a aussi écrit et interprète toujours un spectacle intitulé « Et pendant ce temps, Simone veille ! ».
 Le spectacle se joue au théâtre du Funambule, Paris XVIIIe de mars à mai 2023.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Le site de Trinidad, comédienne


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[1On relève cependant l’absence parmi ses références musicales de Dalida ou de Mylène Farmer, preuve que Trinidad est violemment homophobe !

[2Et ne parlons pas de la diffamatrice Sandra Muller créatrice de cette machine à délation que fut « #balancetonporc ».