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Petit récit (trop) gentil pour les CE / CM.

Je ne suis pas une fille à papa, de Christophe Honoré

Éditions Thierry Magnier, 1998, 77 p., 5,95 €.

mardi 1er mai 2007

Est-ce en refusant de répondre à ses questions légitimes sur son père, est-ce en attendant qu’elle ait sept ans pour lui dire qui est sa vraie mère alors que c’est évident, est-ce en la gâtant, est-ce en prenant ce qu’elle dit pour argent comptant, que ces deux mères feront le bonheur de leur fille ?

Résumé

Lucie a deux mamans, Delphine et Solange. Elle a du mal à l’expliquer : ce ne sont pas des mamans en alternance, comme certains de ses camarades, mais « deux mamans qui s’embrassent ». Lucie va avoir 7 ans, et elle est terrorisée parce que ses mamans lui ont dit qu’à l’âge de sept ans elles lui révèleraient laquelle est sa « vraie maman ». Or elle ne veut pas. Elle invente donc de toutes pièces des méchancetés censées avoir été prononcées à l’école, elle joue les malheureuses, mais l’effet est pire que le mal, car Delphine quitte brusquement la maison — c’est la réponse — comprenant qu’elle est un obstacle à l’épanouissement de la fille de Solange. Catastrophée, Lucie demande à ses camarades de l’aider à faire revenir Delphine…

Mon avis

Je ne suis pas une fille à papa est un livre agréable à lire, amusant, qui réjouira les jeunes élèves à qui il est destiné. Le stratagème bancal de Lucie, la scène de parodie des Demoiselles de Rochefort, la conspiration pour faire revenir une maman, et le « quart d’heure parisien » inventé pour la boum, raviront sans doute les enfants qui auront envie d’en faire autant.

Qu’est-ce qui m’empêche, cependant, d’apprécier ce livre ? Eh bien le vieil adage qui veut que l’on ne fasse pas de littérature avec de bons sentiments. Cette fin si rassurante où, dansant avec Guillaume, Sylvain fait un clin d’œil à Lucie, ne rattrape pas l’invraisemblance du scénario. Comment croire que cette fille de sept ans ait pour seul souci de ne pas savoir laquelle est sa vraie mère, alors que l’existence de son père ne l’inquiète pas plus que ça : « Pas vraiment de réponses quand je pose des questions » (p. 10). Cela porte un nom : l’aliénation parentale. L’auteur reconnaît d’ailleurs que l’énigme de départ, « C’était pas dur à trouver » (p. 63). Et comment Delphine peut-elle partir si brusquement, sans attendre que Lucie s’explique ? Le but de l’auteur est sans doute de démontrer que deux mamans, c’est forcément super-cool, le bonheur absolu. Un gâteau de chez Le Nôtre (p. 19) pour son anniversaire. Pas un, deux. Un super cadeau d’anniversaire, pas un, que dis-je, quatre cadeaux (p. 39), c’est une meilleure preuve d’amour. Mais un doute me prend. Est-ce en refusant de répondre à ses questions légitimes sur son père, est-ce en attendant qu’elle ait sept ans pour lui dire qui est sa vraie mère alors que c’est évident ; est-ce en la gâtant, est-ce en prenant ce qu’elle dit pour argent comptant, que ces deux mères feront le bonheur de leur fille ? Oui, en dépit d’un style efficace et pour une fois dénué de provocation inutile, je n’aime pas ce récit. Certains motifs trop souvent lus m’agacent : l’enfant blasé, comme ce garçon qui s’exclame : « J’ai un peu la honte, il me dit, c’est un jouet [suit la marque de l’objet, dont je vous fais grâce] qu’on m’a offert il y a au moins deux ans. » Citer les marques est une pratique tellement récurrente que je me demande s’il n’y a pas des contrats avec les éditeurs ou les auteurs, à moins que celles-là ne fassent partie du même groupe industriel que ceux-ci ! Le côté manichéen me déplaît également : on comparera la réaction unanimement positive des élèves, avec Tous les garçons et les filles de Jérôme Lambert, où c’est exactement le contraire. Et puis, cerise aigre sur le gâteau, comment ne pas s’agacer qu’on imprime pour les écoles un texte pourtant ultra-court truffé de fautes d’orthographe. J’en citerai quatre. Pages 11 et 18, c’est le présent du subjonctif : croit pour croie et voit pour voie. Page 45 : « celle qui t’as portée dans son ventre ». Page 26, Lucie parle : « Tu m’as appelé ? » Où la faute d’orthographe confine à l’acte manqué ! Bref, chacun ses goûts, mais en ce qui me concerne, j’agirais plutôt comme la maîtresse : « Non, Sylvain, on ne réglera pas cette histoire ici » (p. 58).

 De Christophe Honoré voir Tout contre Léo, Mon cœur bouleversé et Noël, c’est couic !, ainsi que le film La belle personne.

 Lecture en parallèle conseillée : Les dents du bonheur, roman de Dorothée Piatek.
 Lire un article (en anglais) d’Alice.

Lionel Labosse


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