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Un roman intimiste et familial

Mon cœur bouleversé, de Christophe Honoré

École des Loisirs, Médium, 1999, 138 p., 7,3€

mardi 1er mai 2007

Un jour, Marcel surprend sa mère sortant d’un hôtel en compagnie d’un homme qu’elle embrasse. Il acceptera peu à peu cette trahison. La question posée par le livre est : en quoi l’homosexualité doit-elle remettre en cause la conception traditionnelle de la famille et du mariage ? Nos lecteurs adolescents auront-ils le recul pour décrypter le discours de ce narrateur contradictoire et torturé ?

Résumé

Léo, le grand frère de P’tit Marcel, le personnage central de Tout contre Léo, est mort depuis trois ans. Marcel a quatorze ans. Il se plaint qu’il ne se passe rien, que la famille végète, que le goût du bonheur a disparu. Un jour, il surprend sa mère sortant d’un hôtel en compagnie d’un homme qu’elle embrasse. Il croyait être le seul à investir la chambre déserte de Léo, à avoir découvert les lettres d’amour de son copain Aymeric et ses revues pornos, mais il découvre bientôt que sa mère cache les lettres de son amant dans les affaires de Léo. Au début, il est bouleversé, mais, convaincu par les discussions avec sa copine de maternelle Cécile, il finit par prendre cet adultère comme un hommage à l’esprit de son frère mort. Cécile et lui en profitent pour entamer une relation amoureuse, et après un Noël raté, il ira à la recherche d’Aymeric.

Mon avis

Je suis assez partagé sur ce roman, qui a les qualités de ses défauts. Le style est intimiste, centré sur le narrateur, égocentrique parfois, même s’il permet une évolution du personnage bien vue. On peut se demander quelle est l’utilité d’une provocation gratuite comme « je m’allonge sur mon lit, je me branle » (p. 10) La réponse se trouve peut-être à la page 47, quand s’adressant à Léo sur sa tombe, il aura une formule plus pudique pour évoquer un amour moins solitaire : « Ça me fait gerber parce que tu sais, je peux pas m’empêcher de l’imaginer en train de, enfin tu sais quoi, d’être toute nue avec ce type. » Marcel ne cesse de s’interroger sur sa vocation d’écrivain, il doute, il rectifie ses phrases, il cite Lautréamont, d’où vient le titre (p. 61). On ne sait si on doit imputer à l’auteur ou à ce phraseur en devenir des formules faciles : « Il faudra bien que ça cesse, qu’elle [Mémère] arrête d’être vieille pour devenir vraiment morte. » (p. 17) ; « Nos bouches sont collées et dedans, nos langues se caressent. La douceur des gens, c’est dans la bouche qu’on la ressent. Je le sais maintenant. » (p. 57) Eh oui, il n’a pas encore terminé son premier baiser qu’il en tire déjà une formule de vieux beau ! On frémit à l’idée de la phrase qu’il pourrait tirer de sa « première fois » complète avec Cécile ! Marcel écrit dans un style à la fois provocateur, morbide et suranné, comme ce poème, p. 100, terminé par ce vers « Puis se noya pas à pas dans l’étang », dont on se demande pourquoi il en dit : « Je suis emmerdé par mon dernier vers, il a onze pieds, il m’en faudrait dix ». Il n’a pas quinze ans, et il est déjà vieille école, il compte en « pieds », et il compte mal ! Il a parfois des formules de révolte définitive, dignes de Lautréamont : « Au nouvel an, je refuserai de prendre les étrennes de mémère. » Heureusement, son grand frère lui dit tout haut ce que le lecteur pense tout bas : « Tu te touches un peu, non ? » (p. 61)

Ce qui « touchera » peut-être davantage certains élèves dans ce livre, ce sont les interrogations sur la sexualité des parents, dont on aurait aimé qu’elles aboutissent à une remise en cause du mariage chez ce couple en herbe qui place son amour sous l’ombre tutélaire de Léo, mort non pas de suicide, mais de sida. La question posée par le livre est : en quoi l’homosexualité doit-elle remettre en cause la conception traditionnelle de la famille et du mariage ? Nos lecteurs adolescents auront-ils le recul pour décrypter le discours de ce narrateur contradictoire et torturé ?

 De Christophe Honoré, voir Je ne suis pas une fille à papa, Noël, c’est couic ! et Tout contre Léo, ainsi que le film La belle personne.

 Lire, sur « Culture et Débats » le point de vue de Jean-Yves.

Lionel Labosse


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