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Un documentaire de référence, de la 6e au lycée
Le Droit d’aimer (Combattre l’homophobie), de Julien Picquart
Syros, J’accuse, 2005, 125 p., 7,5 €.
lundi 30 avril 2007
Le droit d’aimer a tout d’un ouvrage de référence appelé à figurer dans tout C.D.I. et dans toute bibliothèque jeunesse qui se respecte. La documentation est rigoureuse, l’écriture, notamment dans le récit, est sobre et efficace, et on apprécie le ton mesuré, notamment en ce qui concerne la question controversée du mariage ou de l’adoption. C’est précisément l’attitude de SOS homophobie, qui lui vaut d’être appréciée lors de ses interventions car elle évite la provocation au profit de l’argumentation.
Résumé
– Le récit : Simon rencontre Achille, nouvel élève de son lycée, orphelin qui vit avec sa grand-mère. Il est attiré, sans trop savoir ce qui lui arrive. Heureusement, Achille, lui, le sait, et n’a pas peur de remettre en place un garçon qui lance gratuitement un quolibet homophobe : « — Qu’est-ce que t’en sais que c’est des pédés ? T’as couché avec eux ? » (p. 16). La sœur de Simon aussi semble avoir tout compris avant son frère, et met les pieds dans le plat dans une excellente scène de repas familial. Une autre scène lui fait écho, quand Simon est invité chez Achille et fait la connaissance de la grand-mère, qui après avoir évoqué ses trois maris, conclut : « le mariage, c’est une connerie. […] Et d’ailleurs je comprends pas qu’aujourd’hui les homos veuillent se marier. Ils ne connaissent pas leur bonheur ! », avant d’ajouter : « je ne dis pas ça pour toi, Achille ! » (p. 32). Mais Simon fait comme s’il n’avait pas compris cette allusion, de même qu’il ne comprendra pas ce qui lui arrive quand Achille pose la main sur la sienne au ciné-club. Sans doute est-ce dû à l’homophobie ambiante dans son lycée ou sa famille…
– Le dossier : deux témoignages, une lesbienne de 43 ans qui évoque notamment une agression, puis les réactions de ses parents, et un gai de 26 ans qui s’est mis à militer suite à une agression qui a failli lui coûter la vie. Suivent plusieurs documents : interview d’Éric Verdier (co-auteur du Petit manuel de Gayrilla à l’usage des jeunes) ; point sur les racines de l’homophobie, avec une étude remarquable sur les religions monothéistes (p. 96) ; dossier historique, dossier juridique ; interview de Louis-Georges Tin sur l’homophobie dans le monde, puis une bibliographie.
Mon avis
Conformément au principe de cette collection, un court récit précède un dossier, réalisé en lien avec des associations, en l’occurrence SOS homophobie et la Ligue des Droits de l’Homme. D’habitude c’est Amnesty International, mais son absence est sans doute due aux déboires de la commission LGBT (voir le Journal de bord). Une parenthèse pour suggérer à Syros de rééditer l’excellent Génocide, l’Arménie oubliée de Muriel Pernin, un des rarissimes ouvrages de littérature jeunesse consacré au génocide arménien [1], malheureusement épuisé. Le droit d’aimer a tout d’un ouvrage de référence appelé à figurer dans tout C.D.I. et dans toute bibliothèque jeunesse qui se respecte (cela suppose des documentalistes et bibliothécaires ouverts d’esprit). La documentation est rigoureuse, l’écriture, notamment dans le récit, est sobre et efficace, et on apprécie le ton mesuré dans une époque de surenchère aux revendications, par exemple la repartie de la grand-mère sur le mariage citée ci-dessus, mais aussi le fait que la question soit posée en laissant le lecteur libre de sa réponse : « Est-ce homophobe d’interdire le mariage aux couples homosexuels ? Est-ce homophobe de refuser que les gays ou les lesbiennes aient des enfants ? » (p. 105). Façon habile d’ouvrir le débat dans les établissements scolaires, en évitant la provocation. De même on apprécie que l’auteur rende hommage à Sigmund Freud (p. 99), contrairement à la mode anti-psychanalytique qui sévit actuellement dans le milieu gay autorisé. Une information m’a étonné, p. 101 : on apprend que les lesbiennes déportées pendant la Seconde Guerre mondiale devaient porter un « triangle noir ». D’où provient cette information ? L’ouvrage de Jean Boisson Le triangle rose, Robert Laffont, 1988, ne fait pas état de cette couleur (p. 145), ni de lesbiennes déportées pour lesbianisme. La plupart des manuels d’histoire pratiquent le négationnisme, et ces informations paraîtront inouïes à nos élèves, moyennant quoi des précisions ou mentions de sources auraient été bienvenues. Voir par exemple l’article de l’encyclopédie multimédia de la Shoah, qui fait le point sur le nombre de victimes.
Terminons sur ces propos d’Éric Verdier : « On est rendu à un point où il est possible de nommer l’homophobie, mais ceux qui s’y aventurent le font à leurs risques et périls. Ce sont en général des gens très isolés, que ce soit des élèves ou des adultes. C’est encore très difficile par exemple de faire intervenir une association de lutte contre l’homophobie dans un collège ou un lycée » (p. 87). Eh bien ! pour faire mentir notre ami, reportez-vous à notre Journal de bord, où vous verrez comment ça se passe quand on décide d’agir, et quand on invite SOS homophobie et Éric Verdier à intervenir dans un collège !
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
– Lire aussi dans la même collection : VIH-Sida : la vie en danger, d’Aggée Célestin Lomo Myazhiom et Le Pacte d’Awa, d’Agnès Boussuge et Élise Thiébaut.
– Du même auteur, mais pour adultes, voir La Corée du Sud ne perd pas le Nord (9/9).
Voir en ligne : SOS homophobie
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[1] Cf. mon article L’adhésion de la Turquie à l’UE et la reconnaissance du génocide arménien (1).