Accueil > Lionel Labosse, ma vie, mon œuvre > « Poil à gratter altersexuel » : un article de Louis-Georges Tin

« Poil à gratter altersexuel » : un article de Louis-Georges Tin

lundi 30 avril 2012

« Un pavé dans le Marais ! Depuis des années, les militants homosexuels se battent pour l’égalité des couples et des familles ; de colloques en plateau télé, répètent le même message politique. Sont sur le point d’obtenir (enfin) gain de cause… Et patatras ! Lionel Labosse, professeur de français et essayiste, publie un livre-choc, Le Contrat universel : Au-delà du « mariage gay ». D’un coup, d’un seul, le combat homosexuel, qui se voulait progressiste, se voit totalement ringardisé. Lionel Labosse ne va pas se faire que des amis…
Lionel Labosse a inventé le terme « altersexualité » pour désigner toutes les sexualités alternatives, homos, hétéros, bisexuelles ou autres, qui considèrent la sexualité indépendamment du couple et de la fonction reproductrice. En demandant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, le mouvement homosexuel a gagné en respectabilité. Mais ce faisant, n’a-t-il pas renforcé le stigmate qui pèse sur les « marges » ? Ne faudrait-il pas obtenir des droits sociaux pour les prostituées ? « Quand tous les orthosexuels hétéros ou homos seront respectablement mariés ou pacsés, sera-t-il encore loisible au bi, interdit de l’un comme de l’autre, et à l’irréductible altersexuel, de batifoler de botte de foin en backroom et d’aire d’autoroute en site Internet ? »
« Ménage à trois »
La centralité du mariage dans nos institutions discrimine objectivement les célibataires. Lionel Labosse a raison de le souligner : « Le célibataire est l’éternel pigeon de notre société. » Que l’on bénéficie d’avantages fiscaux à la naissance des enfants, qui constituent un coût important, c’est légitime. Mais pourquoi y a-t-il des baisses d’impôts accordées aux couples sans enfants qui se marient, alors même qu’ils bénéficient déjà d’une situation plus confortable, du fait même de la vie à deux ? En effet, les couples font des économies d’échelle : chauffage, électricité, équipements, etc. Ce sont pourtant les célibataires qui sont victimes de matraquage fiscal. En outre, obtenir une mutation, un logement social, un congé pendant les vacances scolaires, autant d’objectifs plus difficilement accessibles pour les célibataires. Vae solis, pourrait dire Lionel Labosse : malheur à ceux qui sont seuls !
Mais la centralité du mariage discrimine aussi les tenants du polyamour, certainement plus nombreux qu’il n’y paraît. Nous avons en France une grande tradition du « ménage à trois ». Jean-Jacques Rousseau vécut heureux avec Mme de Warens et Claude Anet. De Louis XIV à François Mitterrand, et même au-delà, de nombreux dirigeants ont vécu de cette façon, sans parler des amours contingentes et des amours nécessaires de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. C’est pourquoi Lionel Labosse propose un contrat universel, qui permettrait de contractualiser le polyamour. Ce faisant, il rejoint la proposition lumineuse de Jacques Derrida qui, quelques mois avant sa mort, proposait de supprimer le concept de mariage, « valeur religieuse, sacrale, hétérosexuelle, qui n’a pas sa place dans un Etat laïque », et qui proposait plutôt « une sorte de pacs généralisé, amélioré, raffiné, souple et ajusté entre des partenaires de sexe ou de nombre non imposé ».
Voilà au moins une idée neuve dans la campagne pour la présidentielle !

Le Monde des Livres, Louis-Georges Tin, vendredi 20 avril 2012.
Repris par un communiqué du site IDAHO.
 Voir aussi ma tribune parue dans Le Monde du 19 mai 2012 : Un « contrat universel » à plusieurs plutôt qu’un mariage à deux, fût-il gay, ainsi qu’un journal des réactions médiatiques à mon livre : « La guerre du trouple n’aura pas lieu ».

« Poil à gratter altersexuel »
Article de Louis-Georges Tin, Le Monde, 20 avril 2012.

Pour comprendre la motivation de Louis-Georges Tin à défendre cet essai et ma position impensable pour 99% des penseurs gays autorisés (ceux qui pensent à notre place dans le poste et dans les journaux), il faut savoir que le 26 juin 2012, soit à quelques jours de la gay pride de Paris, (samedi 30 juin), Louis-Georges a entamé une grève de la faim en tant que président du Comité IDAHO, en compagnie de Usaam Mukwaya et d’Alexandre Marcel. Ils protestent pour que François Hollande tienne sa promesse de faire voter une résolution pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité. Lire le communiqué sur le site de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie.
Déclaration de Louis-Georges Tin : « Je soutiens évidemment l’égalité des droits, mais je ne peux pas abandonner les homosexuel(les) qui croupissent en prison, sous prétexte que maintenant, je vais enfin pouvoir me marier. Nous espérons que la France tiendra enfin les engagements qu’elle a pris depuis plus de deux ans, mais il est vrai que l’attitude des gouvernements successifs est à la fois pleine de lâcheté et de cruauté. C’est la mort dans l’âme que nous entamons cette grève de la faim. »
Faites circuler l’info ! On peut par exemple envoyer un mail de soutien à son député et au premier ministre.


Voir en ligne : Communiqué du site IDAHO