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Appropriation du stigmate, pour les petits et leurs parents.

Papa, c’est quoi un homme haut sèkçuel ?, d’Anna Boulanger

Zoom éditions, 2007, 68 p, 17 €.

mercredi 6 juin 2007

L’ouvrage est joli, amusant pour les adultes sans doute, mais il faut une certaine culture gaie pour connaître les allusions cachées sous ces expressions d’argot surannées. On le réservera donc à l’usage familial. Pratiquer l’appropriation du stigmate est une bonne chose sans doute pour les insultes courantes, mais quel l’intérêt pour des enfants de revivifier des insultes heureusement sorties d’usage ?

Tinig Skouarneg est un petit Breton dont les parents ne vivent pas ensemble. Tinig va chez son papa tous les week-ends. Il lui rapporte tous les surnoms dont la famille ou les voisins l’affublent en son absence. Une pléiade de dessins à l’encre de chine, avec quelques touches de rouge, donnent une consistance onirique ou imaginaire à ces surnoms, dont certains sont des insultes, nombre d’entre elles surannées : « uranien, amateur de terre jaune, socratique, serinette, chevalier de la tasse, zèbre, pédale, tapette, jaquette flottante, castor, gazoline ». Tinig les prend au pied de la lettre, et cela donne des résultats amusants, comme ces livres de poésie écrits par le papa, également écrivain, qui étant pleins de pieds, se mettent à marcher au clair de lune, cela pour illustrer « travailleur du prose », belle métaphore de la drague homo ! Il y a même « brouteuse de gazon », qui laissait espérer mieux que le dessin (femme passant une tondeuse à gazon). Tinig a « une amoureuse », nous voilà rassurés. Son papa se contente de rire, se fâche, et explique que tous ces noms d’oiseaux, « Ça veut dire qu’il aime les messieurs ».

L’objet est joli, amusant pour les adultes sans doute, mais il faut une certaine culture gaie pour connaître les allusions cachées sous ces mots d’argot surannés. Si le livre s’adressait réellement à des enfants, n’eût-il pas fallu donner en note l’explication des expressions choisies ? Souhaitons bonne chance au professeur d’école que le jeune lecteur interpellera pour expliquer « chevalier de la tasse » par exemple ! Cet ouvrage n’est donc pas à conseiller pour le domaine scolaire, mais à réserver pour l’usage familial. Certains de ces mots, justement tombés en désuétude, risqueraient d’être remis au goût du jour, et l’on aboutirait au résultat contraire à celui escompté. Pratiquer l’appropriation du stigmate est une bonne chose sans doute pour les insultes courantes, mais quel l’intérêt pour des enfants de revivifier des insultes sorties d’usage ? Imaginez un peu un album qui applique la même idée à « juif », « noir », « Arabe »…

Un détail : on peut se demander pourquoi cette maison d’édition pourtant sise au Luxembourg éprouve le besoin de signaler la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse !

 Lire, sur « Culture et Débats » le point de vue de Jean-Yves, et l’article de Ricochet.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Site de l’éditeur


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