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Mise au point sur la situation sociale à Mayotte, un article de Claudine P.

« Nawalawé ! » : « Virons-les ! »

« Immigration et insécurité sont bien liées ! »

vendredi 10 février 2017

J’ai reçu cet article d’une fidèle lectrice, accompagnée de ce mot : « Cher Monsieur. J’ai apprécié votre article consacré au livre Tout doit disparaître de Mikaël Ollivier, dans lequel l’auteur du livre et vous faites preuve d’une vision critique de notre île qui a retenu mon attention et m’a donné envie de revenir régulièrement sur votre site. Scandalisée par l’évolution de la situation sur cette île que j’aime et où je réside depuis plus de vingt-cinq ans, j’ai écrit cet article. Compte tenu de la culture du « non-dit » que je dénonce, il m’est impossible de songer non seulement à le publier dans la presse ou sur un site local, mais aussi de le signer de mon nom. J’ai donc pris ce pseudonyme, et j’ai songé à vous qui, ne résidant pas sur place, ne risquez pas de voir vos amis changer de trottoir à votre approche. Accepteriez-vous de publier cet article ? »
Eh bien oui, chère « Claudine ». Avec plaisir, car tout ce qui peut contribuer au débat m’intéresse, et pour une autre raison : vous écrivez fichtrement bien !

Il y a vingt ans les cambriolages étaient déjà monnaie courante à Mayotte. J’en fus victime deux fois dans la même semaine. Mais alors ces délits étaient généralement commis sans violence. Dans la plupart des cas il suffisait d’allumer la lumière pour que les voleurs déguerpissent. Depuis, les agressions sont devenues bien plus fréquentes ; elles sont presque la règle aujourd’hui. Les « coupeurs de route », des bandits de grand chemin, attaquent les automobilistes et les dépossèdent après un passage à tabac ; aller à la plage ou au champ comporte des risques ; le caillassage de voitures de police ou de pompiers, de véhicules privés ou de bus de transport scolaire est quasi quotidien. Beaucoup ont peur le jour et ne circulent plus de nuit. Nous en souffrons tous et la population est exaspérée. C’est l’incompréhension. Chacun se demande comment nous en sommes arrivés là. On se demande aussi ce que nous pouvons faire pour remédier à cette situation. Et là, paradoxalement, le problème s’aggrave car les analyses manquent de sincérité par refus de se remettre en cause. Beaucoup cèdent à la tentation des explications simplistes.
En effet, Mayotte est un territoire de non-dits. Un tonton, un voisin ou un enseignant commet un délit, voire un crime ; certes, ce n’est pas bien. Mais en parler, dénoncer le coupable, risquer de jeter l’opprobre sur sa famille est pire encore. Alors chut ! On fait taire la victime et on s’arrange entre soi. De la même façon on ne cherche pas les véritables raisons de ces violences : cela mettrait en cause l’action ou l’inaction d’élus, de fonctionnaires, les manquements de l’État, la démission de certains parents, la cupidité acceptée et même valorisée par notre société… Heureusement pour les uns, malheureusement pour d’autres, il y a plus facile à accepter, plus simple à comprendre, plus fédérateur des haines et des rancœurs : un ennemi venu de l’extérieur, un envahisseur, un coupable idéal en somme : l’étranger, et plus particulièrement le méchant, le vil, l’affreux… l’Anjouanais ! – et les autres Comoriens ! C’est toute une société qui ment par lâcheté. Cela n’a rien de bien nouveau : c’est la méthode millénaire du bouc émissaire. Il est si commode de cogner sur le plus faible : il ne se défendra pas. Ainsi, pendant que la population vilipende les étrangers et que les forces de l’ordre font la chasse aux « sans-papiers » qui seraient à l’origine de tous nos maux, de l’insécurité et des violences, personne ne se remet en cause et chacun continue de laisser Mayotte sombrer avec une parfaite bonne conscience.
Insécurité et immigration clandestine sont confondues à un point tel qu’il devient difficile de les distinguer l’une de l’autre, comme s’il s’agissait d’un seul et même phénomène, voire de synonymes. Dans les médias on tient des propos inouïs, sans réaction aucune des animateurs d’émissions ni des autorités, souvent avec leur approbation. On nous dit qu’il faut « mettre un terme à l’immigration clandestine car il y a trop de violences à Mayotte ».
Sur une radio commerciale on explique sans vergogne que les immigrés « détruisent l’économie de Mayotte ». En réalité, ils sont l’économie de Mayotte, dans le bâtiment, l’automobile, la pêche, l’agriculture… ! Ce qu’on veut dire c’est que l’insécurité nuit à l’économie de notre île ; mais comme les deux sont confondues… Les journalistes savent pourtant que les attaques à main armée survenues à Passamainti et à Combani ont été menées par des Mahorais d’un village respectable de notre île, que la prison de Majicavo regorge de ressortissants mahorais, qu’à chaque fois qu’une bande est démantelée on y dénombre des Mahorais, des Malgaches, des Métropolitains et… des Comoriens. Dans la nuit du 3 au 4 juillet 2016, un homme est sauvagement attaqué ; l’agresseur s’enfuit ; personne ne l’a reconnu. Mais lorsque la victime témoigne sur cette même antenne, c’est pour se plaindre des immigrés, sans réaction aucune de la part des animateurs qui laissent dire. Ou alors on nous met en garde : « Avec la vague de nouveaux arrivants il convient de rester vigilants. » Un enfant se fait renverser, le chauffard prend la fuite et disparaît ; « peut-être s’agissait-il d’un immigré clandestin ». En métropole, il y a cinquante ans on aurait supposé un Arabe ; il y a quatre-vingts ans, un Italien. En Louisiane, un noir. En Allemagne, un Turc ou un Syrien. Il est si commode d’accuser l’autre, l’étranger ou celui qui est différent. Même la Préfecture participe à ce lynchage en proposant un plan de lutte contre « l’immigration clandestine et l’insécurité » ! Sur Mayotte 1re, la radio publique locale, on n’expliquera rien du tout ; on laissera simplement les invités tenir les propos les plus honteux qui ailleurs en France donneraient lieu à des poursuites judiciaires. Si notre île connaît une pénurie d’eau, c’est que des étrangers viennent nous la prendre (entendu sur Mayotte 1re vers le 25 janvier 2017). En revanche, les automobilistes qui continuent de laver leur voiture quotidiennement et les propriétaires qui coulent des dalles de béton en dépit des interdictions préfectorales n’y sont pour rien ! Les autorités qui n’ont pas réagi alors que la pénurie menaçait depuis dix ans n’ont aucune responsabilité. Non ; les fautifs sont les Comoriens qui se partagent à dix familles un robinet au milieu d’une cour. C’est un tel rabâchage, un tel matraquage médiatique que c’en est devenu La Vérité. On ne remet pas en cause La Vérité.
Tout cela est aussi déplorable intellectuellement que moralement abject.
Alors soit ! Parlons-en. Puisque cette question passionne, inonde les médias et envahit les conversations, traitons du rapport entre immigration clandestine et violence, entre immigration et insécurité.
Lorsque vous voyez un chantier à Mayotte, un bâtiment, une maison en construction, vous voyez des immigrés au travail. Leur labeur a commencé le matin vers six heures et ne s’achèvera pas avant dix-huit heures, à la tombée de la nuit. Les travailleurs sont souvent clandestins ; le travail presque toujours. Il n’est donc pas question de protection face à la maladie, aux accidents, à la vieillesse… Généralement, on paye à la tâche. Une journée de dur labeur rapportera cinq ou six euros, parfois dix, gracieusement payés par un employeur qui en gagne souvent quelques milliers chaque mois en se plaignant de la vie chère, et notamment du prix du sable. Il est vrai qu’avec une main-d’œuvre presque gratuite, le prix du sable prend proportionnellement de l’importance. En plus de l’âpreté d’une journée épuisante qui lui permet tout juste de se maintenir en vie, le méchant immigré vit en permanence avec la peur d’être arrêté par la PAF et reconduit à la frontière. Et comme sa vie n’est pas encore assez misérable, on le remerciera aux cris de Nawalawé, « Virons-les ! », « Dégageons-les ! », ou « Qu’ils se cassent ! ».

Tout doit disparaître ?
Maison SIM à Mayotte. © Lionel Labosse, avril 2007.


Les immigrés sont honteusement exploités, insultés, menacés. Alors oui, ceux qui la bave aux lèvres hurlent « Nawalawé ! » ont raison : immigration et insécurité sont bien liées !
Lorsque vous apercevez une employée de maison, vous voyez une immigrée souvent sans papiers au travail. Une voisine comorienne fait des ménages chaque matin. Elle est payée deux euros de l’heure quand le salaire minimum légal est d’environ huit euros. Avec deux cents euros par mois elle fait figure de privilégiée, sur cette île où ses employeurs qui ont fait peu d’études gagnent trois ou quatre mille euros par mois en travaillant moins qu’elle dans un bureau climatisé – et manifestent aussi contre la vie chère ! Privilégiée car d’autres ont moins de chance. Il faut entrer dans les maisons pour les apercevoir, ces invisibles qui n’en sortent jamais. Dès cinq heures trente vous les entendez balayer la cour. Elles ont une niche, une gamelle et Dieu pour survivre ; parfois une pièce en fin de mois. Au vingt et unième siècle, dans tous les villages d’un département français, il y a ainsi des esclaves par dizaines.
Alors oui, ceux qui le regard plein de haine hurlent « Nawalawé » ont raison : immigration et insécurité sont effectivement liées !
Chaque nuit des embarcations clandestines accostent à Mayotte avec à leur bord trente ou quarante immigrés clandestins qui remercient le ciel de ne pas avoir péri en mer. De jeunes hommes mahorais d’un village fort respecté eurent l’idée d’aller à leur rencontre pour s’amuser un peu. C’était une occupation régulière. À l’arrivée des Comoriens quelques coups de sifflet dont les villageois avaient pris soin de se munir faisaient fuir les hommes qui croyaient les gendarmes présents. Seules les femmes accompagnées d’enfants, donc incapables de fuir, restaient sur la plage. Les jeunes hommes embusqués qui étaient venus à leur rencontre pouvaient donc les violer sans être importunés, en présence des enfants et en toute impunité, pensant qu’un « clandestin » ne porterait jamais plainte. Mais un jour un père anjouanais vit sa fille arriver le visage tuméfié et des plaies sur le corps. Elle lui raconta tout. Bien qu’en situation irrégulière le père estima qu’il devait réagir. Il se rendit à la gendarmerie. Les fonctionnaires tendirent un piège aux violeurs, qui la fois suivantes furent pris en flagrant délit. La presse a relaté ces faits et la justice les a consignés ; chacun pourra les vérifier.
Alors oui, ceux qui rangent leur honneur, la morale et la religion au fond de leur slip et qui hurlent « Nawalawé » ont raison : immigration et violence sont bel et bien liées !
Voici quelques années, une fillette de six ans venue des Comores arriva clandestinement et sans parents. D’abord confiée à une tante elle fut bientôt placée chez des gens fort respectés. Quatre années durant elle ne fut pas scolarisée, mais utilisée comme employée de maison non rémunérée. Cette pratique porte un nom ; je la croyais abolie en France depuis 1848. Elle n’avait pas de chambre ; en guise de lit elle dormait dans un réfrigérateur hors d’usage abandonné dans la cour, comme ceux qui à Mayotte servent d’abreuvoir à vaches. Le soir venu elle en soulevait la porte comme le couvercle d’un cercueil blanc et s’y glissait pour dormir. Souvent des ivrognes venaient s’asseoir dessus ; ils buvaient là des heures durant en bavardant pendant qu’elle mourait de peur sous son couvercle. Lorsque notre Cosette quitta ses Thénardier pour un banga sans eau ni électricité, elle put enfin s’inscrire au collège où elle fit le bonheur de ses professeurs et fut félicitée chaque trimestre. Elle vient d’obtenir son baccalauréat de belle manière, toujours sans eau ni électricité. Ses exploiteurs très respectés et si peu respectables occupent encore leur jolie maison et leur bel emploi.
Alors oui, ceux qui descendent dans la rue meugler « Nawalawé » ont raison : immigration et insécurité sont effectivement liées !
Je pourrais continuer ainsi et vous parler de ces gourbis de quelques mètres carrés sans fenêtre, faits de parpaings empilés ou de tôles mal assemblées qu’on loue pour quarante, soixante ou quatre-vingts euros par mois à des étrangers qui s’épuisent toute la journée à construire de vraies maisons pour leur bailleur. Il y a l’électricité : une ampoule pend du plafond. Il y a l’eau : un robinet dans la cour est pour dix ou quinze locataires. Je pourrais vous parler aussi de ceux qui endurent une rage de dents, une fièvre, un problème grave de santé car dans les dispensaires ce sont les seuls à ne pas bénéficier de la gratuité des soins ; s’ils payent pour cela, leurs enfants ne mangent pas. Je pourrais continuer et vous parler de ces milliers de jeunes femmes comoriennes que leur copain mahorais abandonne dès l’annonce d’une grossesse. Mais nous le savons tous et c’est vieux comme le monde… Et puis je crois que c’est assez.
N’y a-t-il pas là, en effet, une atroce violence ? Ne sommes-nous pas effectivement témoins d’une effroyable insécurité ?
N’est-il pas honteux de stigmatiser ainsi une population sur laquelle on crache quand on devrait compatir, l’aider à mieux vivre, la respecter, lui dire notre reconnaissance ? Ceux qui agissent ainsi ne gagneront pas le paradis, même s’ils ont une tache au front, car celle qu’ils ont au fond du cœur est plus grosse et bien plus noire.
Suis-je en train de vous dire que les Mahorais sont méchants, que les étrangers sont gentils ? Ce serait ridiculement faux. À travers quelques exemples je tente simplement de montrer que prétendre l’inverse est tout aussi aberrant. La diabolisation est aussi absurde que l’angélisme. Je dis simplement qu’ici comme ailleurs le plus fort abuse souvent du plus faible et qu’en prime il l’accuse de tous les maux. Un mari trompe sa femme avec une Comorienne ; alors « il faut chasser ces femmes qui volent les maris des autres ! ». Car bien sûr l’innocent mari mahorais s’est débattu tant qu’il a pu mais il a été incapable d’échapper aux griffes de la vilaine Comorienne. Des Comoriens ont construit illégalement des habitations précaires. On démolit les abris de ces familles qu’on chasse sous prétexte de récupérer des terrains qui souvent s’avèrent être la propriété de la commune ou de l’État. Sur cent xénophobes qui manifestent, deux ou trois tout au plus sont fondés à réclamer la restitution d’un terrain. Partout on entend dire aussi que « les Anjouanais font mine d’aimer Mayotte mais la détestent en réalité ». Trop fort ! Plus balèze que Pierre et Marie Curie ! Bientôt assurément Mayotte exportera des appareils radiographiques à lire au fond des âmes et des cœurs.
Nombre de mes compatriotes mahorais partagent mon analyse et mes sentiments. Si nous les entendons moins c’est qu’on ne crie pas sa compassion et son humanité comme on gueule sa haine. Après les événements du 27 mars 2007 on nous avait déjà fait le coup du « nawalawé », avec à Sada notamment de véritables scènes d’exode dignes de la France occupée de 1940 – pas très longtemps toutefois car rapidement les chantiers s’immobilisèrent et bien des secteurs de l’économie souffrirent ; la préservation de nos intérêts nous ramène vite à la raison.
— Suis-je en train de dire que nous n’avons pas un problème d’insécurité à Mayotte ? Ce serait ridiculement faux. Mais tremblez-vous de peur lorsque vous croisez un étranger de quarante ou cinquante ans qui rentre du travail ? Êtes-vous plein d’effroi chaque fois que vous rencontrez une Comorienne ? Avez-vous de l’appréhension lorsqu’au petit matin vous attendez le retour des pêcheurs comoriens – sans lesquels nous n’aurions plus guère de poisson frais ? Faites-vous un écart pour éviter les ouvriers presque tous étrangers qui travaillent sur les chantiers ? Et inversement, êtes-vous pleinement rassurés lorsque de jeunes hommes mahorais attaquent à main armée la poste de Passamainti ou la Somaco de Combani ? Croyez-vous que lors des conflits entre villages nous assistions à des batailles rangées entre Anjouanais de Ouangani et Comoriens de Barakani ? Personne ne le pense. Nous savons tous qu’il s’agit essentiellement de garçons et de jeunes hommes qui affrontent d’autres jeunes dont l’origine est sans rapport avec ces événements. Les anciens de mon village me racontent les bagarres qui avaient lieu entre jeunes de Chiconi et de Sada à une époque où il y avait fort peu d’immigration.
Nul besoin d’être fin philosophe ou sociologue averti pour observer que les problèmes de violence et d’insécurité auxquels nous sommes confrontés ne sont pas particulièrement liés à l’immigration. En réalité nous savons tous que nous avons un problème avec une partie de la jeunesse de notre île.
Cela rend les choses bien plus complexes. Car si le problème était l’immigration, et plus précisément l’immigration clandestine, la solution serait effectivement toute trouvée : « Nawalawé ! », et voilà tout. Mais la jeunesse ! Allons-nous expulser les jeunes qui sont aussi les premières victimes des violences ? Vos enfants et les miens, qui pour la plupart sont parfaitement innocents ? Ce serait une première dans l’histoire de l’humanité.
Mais alors d’où nous vient cette violence ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Nous voici face à un véritable phénomène. Or il n’y a pas de génération spontanée. Nous ne sommes pas passés de cinquante ou cent délinquants à deux ou trois mille sans raison, ou à la suite d’une mystérieuse mutation génétique. Les élèves qui étaient respectueux et disciplinés ne sont pas devenus agités et arrogants par hasard. Il n’y a pas de phénomène sans cause ; il faut être obscurantiste pour le prétendre. J’entends pourtant dire, et au plus haut niveau, qu’expliquer serait commencer à excuser. Il n’est nullement question d’excuser les méfaits des voyous. Mais si nous constatons que quelque chose a changé et que nous sommes témoins d’un phénomène de grande ampleur, il convient d’en chercher les causes, d’analyser la situation et son histoire pour le comprendre. Sans une démarche rationnelle nous proposons toujours des solutions absurdes qui ne règlent rien.
À Mayotte comme ailleurs l’insécurité et la violence ont pour origine la dégradation du lien social et la carence de l’éducation. À mesure que Mayotte est entrée dans la France, les structures sociales et éducatives traditionnelles telles que le village, la famille ou la religion ont volé en éclats. Dans ce monde nouveau elles sont devenues en partie inopérantes. Les autorités et les institutions en charge n’ont pris ni la mesure de ce changement ni celle de leur responsabilité. Les structures qui auraient dû être mises en place pour prendre la relève, pour accompagner cette transition et remplacer ce qui disparaissait ne l’ont pas été.
Notre problème n’est pas celui d’un envahisseur qui a apporté le mal ; c’est celui d’une société qui a failli à ses devoirs.
L’État a sa part de responsabilité. Depuis des décennies il verse aux parents de Mayotte des allocations familiales nettement inférieures aux prestations accordées ailleurs en France, et seulement trois enfants par foyer sont pris en compte. Pour tous les autres Français le montant de l’allocation est déterminé en fonction du nombre effectif d’enfants. Mais pour Mayotte c’est « un, deux, trois bass ! » (un, deux, trois, ça suffit !), que des Français d’Europe ont assené des années durant avec une politique financière dissuasive à la clef : à partir du quatrième, chaque enfant ouvre droit à dix-neuf euros d’allocation à Mayotte contre cent-soixante-six dans les autres départements ! C’est ainsi que des métropolitains sont venus expliquer ce qui était bon pour Mayotte, mais pas pour eux qui gardaient et conservent encore toute liberté de composer leur famille à leur guise. Les autres prestations, telles que le RSA ou l’allocation rentrée, sont également sensiblement moins élevées ici. Aussi nombre de parents ont-ils choisi de quitter notre île pour d’autres régions de France afin de percevoir davantage de prestations sociales. Le tissu social, la cohésion des villages et des quartiers dans lesquels traditionnellement tout adulte était responsable de tout enfant s’en sont trouvés affectés. Des mères qui vivaient seules avec plus de trois enfants, sans emploi ni guère d’espoir d’en obtenir un, se sont installées à la Réunion ou en Métropole, trouvant ainsi un moyen de subsistance. Elles ont souvent emmené avec elles les petits derniers et les filles, confiant volontiers les aînés à des membres de la famille plus ou moins motivés. Ils ont souvent manqué d’amour et d’éducation. Sur une île, qui en quinze ans a connu autant de changement que l’Europe en trois ou quatre générations, on peut comprendre qu’une grand-mère ou une tante qui n’a pas étudié et ne parle guère le français comprenne mal les agissements de ses petits-enfants ou de ses neveux. Nombre de ces jeunes ont bien grandi malgré tout ; pas tous.
Pour n’avoir pas anticipé les effets pervers de cette politique (un brin néocolonialiste !) qui a abîmé le tissu social et familial, l’État porte une part de responsabilité dans la situation actuelle.
Les forces de l’ordre interpellent des étrangers sans papiers par dizaines de milliers chaque année pour les reconduire à la frontière. Les expulsés déclarent souvent ne pas avoir d’enfants afin de pouvoir revenir à Mayotte plus facilement. Ils en laissent ainsi plusieurs derrière eux. L’État n’en semble pas informé ou n’en a cure. Lorsqu’on renvoie vingt mille adultes et qu’ils sont accompagnés de seulement dix mille enfants, il est clair que le compte n’y est pas. Beaucoup de parents reviennent ; d’autres pas. Ainsi des milliers d’enfants grandissent, éduqués comme on peut l’être sans parent, parfois sans personne. Il y a quinze ans ces premiers mendiants de Mayotte arpentaient les parkings des supermarchés, gamins perdus, affamés, apeurés. Ils ont dormi ici ou là, mangé ce qu’ils ont pu.
Les enfants poussent souvent de travers s’ils ne sont pas nourris d’amour.
La responsabilité de l’État ne s’arrête pas là. Elle s’étend à l’enseignement où des erreurs ont été commises des décennies durant.
Lorsque Mayotte est devenue collectivité territoriale après avoir choisi de rester française au milieu des années soixante-dix, il a fallu engager des enseignants. La France a fait le choix de recruter localement les enseignants du primaire et de faire venir les professeurs du secondaire. En d’autres termes, on a opté pour une solution économique dans le primaire alors qu’on choisissait d’investir massivement dans le secondaire. Il était difficile de trouver des personnels qualifiés à Mayotte pour occuper les postes d’instituteur. Le niveau de recrutement a parfois été bas. Il n’est pas question de critiquer les instituteurs dans leur ensemble ; je connais le sérieux et le dévouement de certains. Mais quel Mahorais n’a pas eu d’instituteur inculte, laxiste, absentéiste, voire violent ? Qui n’a jamais passé des heures en classe sans la moindre occupation à attendre que son maître se réveille ? Tous mes amis mahorais ont d’abominables souvenirs d’années entières gâchées devant des enseignants, qui ailleurs en France ne resteraient pas deux semaines en poste. Mais voilà : ce sont des oncles, des beaux-frères, des voisins, des amis de la famille… Ici on ne se plaint pas et on raconte peu. C’est le fameux non-dit. Mais certains instituteurs, bien placés pour juger de la situation, inscrivent leurs enfants dans des écoles associatives pour leur éviter de pâtir de l’enseignement des écoles publiques.
En procédant à un recrutement trop peu exigeant et en ne contrôlant pas suffisamment la qualité de l’enseignement, l’État porte là encore une lourde responsabilité dans le piètre niveau d’éducation d’une partie de la jeunesse de Mayotte.
Ainsi les écoles primaires orientent des élèves mal préparés vers des collèges où les reçoivent des professeurs fraîchement débarqués de métropole, peu informés et aux motivations diverses. Ces gamins, qui souvent connaissent mal le français et presque rien d’autre, sont confiés à des professeurs qualifiés mais rarement préparés, parfois habités de préjugés. Puis on déplore de mauvais résultats. Certains en concluent que « les Mahorais ont quand même une case de vide » (entendu !), ou encore qu’« ils ne sont quand même pas bons à grand-chose » (également entendu !). Et il y a quelques années à peine, lorsqu’un professeur métropolitain appréciait Mayotte et aimait y exercer son métier, lorsqu’il demandait à rester au-delà des quatre années prévues, on rejetait le plus souvent sa demande. Il s’agissait de personnels intégrés, motivés et qui renonçaient en moyenne à soixante pour cent de leurs revenus. Des décennies durant, l’État a ainsi gaspillé l’argent du contribuable en dépensant plus pour offrir un moins bon service à Mayotte !
Le vice-rectorat a commis d’autres erreurs encore. Il a par exemple favorisé l’enseignement de l’espagnol au détriment de l’arabe, ce qui n’a aucun sens au regard de l’histoire, de la culture et de la situation géographique de Mayotte. Il a peu encouragé l’adaptation des programmes. Il ne s’est pas appuyé sur les langues locales, Sakalave ou Bantou, pour asseoir l’enseignement du français et des autres disciplines, alors qu’il y a deux cents ans, des enseignants français au Sénégal savaient déjà qu’il n’y avait pas de réussite pédagogique possible sans l’emploi du Wolof et des autres langues locales.
En bref, des élèves qui ne parlent pas le français chez eux avant de mal le pratiquer à l’école primaire puis d’avoir des professeurs qui font cours à Mamoudzou comme à Paris, échouent. Le contraire eût été stupéfiant ! Or cette situation d’échec, les frustrations, les vexations et les déceptions qu’elle génère n’est pas propice à la paix sociale et n’engendre pas un climat de sécurité.
Des administrations et des collectivités locales inefficaces. Elles n’ont pas su prendre la relève de la cohésion sociale déclinante. Il y a vingt ans nous nous connaissions tous dans nos villages. Dans la journée les parents ne savaient pas plus qu’aujourd’hui où étaient leurs enfants ; mais le village était une famille élargie. Chaque adulte était responsable de tous les jeunes, et lorsqu’un enfant ou un adolescent se comportait mal, chacun savait qu’il était de son devoir de réagir. Aujourd’hui, intervenir c’est courir le risque comme ailleurs dans le monde de se retrouver seul face à une bande hostile. Alors nous faisons mine de n’avoir rien vu et rentrons piteusement chez nous.
L’école coranique, aujourd’hui sur le déclin, était aussi un acteur essentiel dans le maintien de la cohésion sociale, dans la structuration et l’éducation des jeunes de Mayotte. On peut lui reprocher son archaïsme et un certain manque de pédagogie ; mais elle créait un lien fort entre tous. Outre une doctrine religieuse, elle enseignait le respect du maître et de l’adulte, la patience et la discipline. Quand le week-end les élèves allaient travailler au champ du maître coranique en guise de rétribution, ils apprenaient que le savoir a une valeur et que chacun doit payer à hauteur de ses capacités. Le tout-petit ramenait une noix de coco, le petit en portait deux, le moyen transportait un fagot et le plus grand un régime de bananes. Ils étaient unis dans la discipline et dans le respect de chacun.
Après les cours, certains garçons se retrouvent entre eux, désœuvrés, à l’écart de leur village, sans encadrement. Ils ont en tête ce qu’ils peuvent voir sur internet, sans mises en garde ni conseils, sans personne pour les guider ni nuancer les « informations » qu’ils reçoivent. Sur la toile ils sont gavés de violence, de pornographie, de la mégalomanie de stars qu’on leur fabrique sur mesure dans un but mercantile, de sermons religieux de diverses origines… Certains consomment de l’alcool, du « chimique » (un mélange de drogues bon marché), élèvent des chiens, affûtent des couteaux en parlant de bagarres, de règlements de comptes et de bandes qui s’affrontent. Partout dans le monde les jeunes ont droit au même lot de stupidités, mais à Mayotte il y a trop peu de garde-fous, d’accompagnement, d’encadrement : d’éducation. Les filles ne sont guère épargnées ; leurs photographies sur Facebook en témoignent : le derrière en avant, une moue hautaine et dédaigneuse de star : voilà tout l’idéal, l’ambition, le modèle qu’on leur propose. Lorsque j’exprime ma désapprobation, c’est que je suis vieille. Car pour beaucoup d’adolescents de Mayotte il y a deux cultures : la leur, celle des jeunes, et l’autre, celle des vieux, où se trouvent entassés pêle-mêle le Moyen Âge, le gabousse, les Trente Glorieuses, l’Antiquité, Mozart, le jazz, les livres, Robespierre et Mick Jagger, des milliers d’années d’histoire et de culture, les dinosaures et moi, les perruques poudrées et les pantalons à pinces… Ils sont laissés dans un état de confusion et d’ignorance absolue, éduqués par les marchands et les fous furieux qui s’emparent d’Internet. Sans éducation sérieuse et cohérente, ils poursuivent des chimères débilitantes, inaccessibles et frustrantes.
Que proposent le Conseil Départemental, les municipalités, le Vice-Rectorat et la Préfecture pour qu’ils puissent occuper utilement leur temps libre, le mettre à profit, parfaire leur culture ? À de rares exceptions près, absolument rien ! Manquons-nous de personnel ? Au contraire, avec plus de trois mille employés au conseil départemental, sept cents à la mairie de Mamoudzou et le reste à l’avenant, nous avons pléthore de fonctionnaires de la collectivité. Pour beaucoup ces emplois ne sont pas tout à fait fictifs mais largement complaisants. Dès lors qu’un budget le permet, on crée un poste et l’on recrute ; pas sur concours mais par relation. Cela présente l’avantage de créer des emplois au lieu de laisser l’essentiel de la population sur le bord de la route.
Malheureusement, le copinage ne permet pas de recruter les meilleurs. De jeunes Mahorais compétents et ambitieux rentrent de métropole formés et diplômés. Ils s’échinent à trouver un emploi, souvent sans succès s’ils sont sans relations. Une bibliothèque va ouvrir dans le village ; aussitôt c’est la guerre à la mairie car chacun veut y placer sa femme, sa fille, son frère. Organisera-t-on un concours ? Vous plaisantez ! Le plus influent l’emportera, même s’il sait à peine lire, pendant que d’autres postulants licenciés en lettres resteront un temps au chômage avant de quitter Mayotte qui perd ainsi ses meilleurs éléments. Et plus les employés sont nombreux, moins il reste de moyens financiers pour agir. Ainsi, selon le journal Le Monde, quatre-vingts pourcents du budget du conseil départemental est consacré à son fonctionnement [1], c’est-à-dire à la rémunération de ses employés qui de ce fait n’ont plus guère de marge de manœuvre. Plus ils sont nombreux, moins ils sont utiles. Encore trois ou quatre cents et il n’y aura plus rien à faire.
J’approuve la politique de l’emploi en vigueur qui évite à mes amis d’être au chômage ou allocataires du RSA. Mais recrutons les plus aptes, pas les copains ni celles qui savent « ouvrir le bureau », selon la pittoresque expression locale. Et sans doute pourrions-nous affecter ces fonctionnaires à des tâches utiles d’éducateurs, d’animateurs sportifs ou culturels, de conseillers conjugaux et familiaux par exemple, plutôt que de collectionner des vice-directeurs et des conseillers en communication qui ne communiquent jamais et ne conseillent rien ni personne.
Les garçons qui traînent désœuvrés, dont immanquablement certains finiront mal, rêvent souvent de faire de la musique, de la danse ou des clips. Combien de municipalités ou d’institutions, combien d’associations recrutent des musiciens, des chorégraphes et des animateurs pendant les congés scolaires pour proposer des activités, pour valoriser les adolescents, les encadrer, les occuper, les enrichir culturellement et intellectuellement, les discipliner, pour prendre part à leur éducation ? Presque tous les jeunes souhaiteraient participer à de tels ateliers, ou faire du sport ou de la cuisine ou des vidéos ou… Mais rien ou presque ne leur est proposé.
Quelles sont les bibliothèques qui ouvrent le soir pour que les lycéens et les autres puissent y étudier ? Certaines ne respectent pas mêmes les horaires d’ouverture affichés. J’ai souvent vu des lycéens attendre devant une bibliothèque qui n’ouvrirait jamais. Ce manque de sens de l’intérêt général et de conscience professionnelle est coupable. Et quel exemple pour nos enfants !
La responsabilité des élus. Dans un article du journal Le Monde daté du 16 avril 2016 et consacré à Mayotte on pouvait lire : « Quant au personnel politique local, il tourne à chaque élection au nom du principe : Tu es élu, tu manges, tu sors. En clair, une fois en poste, celui qui a été élu recrute dans son administration sa famille et ses proches, sans qu’ils en aient nécessairement les compétences, puis il laisse la place au suivant. Résultat : une fonction publique territoriale composée de 85 % d’agents de catégorie C et qui ne répond pas aux besoins. » Tout est dit. Effectivement, à Mayotte nous considérons l’élu comme un privilégié qui est là pour profiter. Cinq ou six ans après son élection nous le dégageons au motif qu’« il a déjà bien mangé », que c’est au tour des autres. On ignore ici (comme ailleurs il est vrai) qu’un élu n’est là ni pour se servir ni pour être servi, mais pour servir les autres, et notamment les 60 % de moins de vingt-cinq ans que compte notre île (et la poignée d’anciens que nous oublions car ils sont peu nombreux, ne crient pas fort et ne cassent rien).
À l’occasion des dernières élections départementales, j’ai lu les professions de foi des candidats de ma circonscription. Je n’y ai trouvé aucune proposition, aucune idée, aucune analyse d’une quelconque pertinence. Seulement une collection de poncifs et de lapalissades : « La jeunesse est l’avenir de Mayotte », avec aucune proposition concrète ; « L’environnement est notre richesse », et aucune proposition concrète ; « Il faut favoriser l’emploi pour faire baisser le chômage » ; certes, mais encore aucune proposition. Passons rapidement sur les voyages de pure villégiature à Madagascar payés avec les deniers publics, sur les amis nommés conseillers et grassement rétribués (pour de précieux conseils, sans doute). Rappelons les cinq véhicules récemment acquis par le conseil départemental pour 550 000 euros… ! Imaginez ce qu’on aurait pu faire avec pareille somme ! Nous détestons le petit voyou qui nous arrache le portable des mains, et c’est bien naturel. Mais que penser des grands voyous qui arrachent 550 000 euros à nos jeunes et à nos vieux pour se payer des joujoux électriques ! Début 2011, une amie expérimentée et bardée de diplômes, animatrice et directrice de centre de loisir a démarché auprès d’élus pour leur proposer de mettre en place des actions culturelles et des animations dans les villages. « Je ne vois pas l’intérêt », s’entendait-elle répondre. Peut-être en a-t-on mieux perçu « l’intérêt » fin 2011, entre les barrages, les caillassages, le racket et les gardes mobiles forcés d’évacuer par la mer pour échapper à des hordes cagoulées.
Le jour où nous aurons des élus qui aiment Mayotte et qui la serviront au lieu de passer le plus clair de leur temps à se promener avec l’argent de leurs administrés, nous pourrons mettre en place des projets pour nos jeunes. Le jour où des élus multirécidivistes ne se feront plus prendre au volant de leur voiture avec plus de quatre fois la quantité d’alcool autorisée, les adultes seront plus crédibles et les jeunes les écouteront davantage. Mais pour l’heure, pendant que certains élus boivent, c’est tout Mayotte qui trinque. Après son passage chez nous, Frédéric Mitterrand, alors ministre de la Culture, avait écrit que « les politiciens locaux sont d’une nullité affligeante ». À part pour un élu de la Réunion, il n’a eu qu’éloges pour les politiciens de l’outre-mer français. Mayotte fait seule exception ! Et qu’ont répondu nos élus ? Que c’était très méchant de sa part quand on pense qu’il avait été si gentiment reçu. Mais bien sûr ! Il n’est pas si grave d’être profiteur, inculte, incompétent, ivrogne et laxiste ; pourvu qu’on soit gentil !
Mayotte est capable de tellement mieux ! Mayotte et ses soixante pourcents de jeunes de moins de vingt-cinq ans méritent tellement mieux !
Oui ; il faut crier nawalawé ! Nawalawé la « profitation » ! Nawalawé le laxisme, la mauvaise foi, l’hypocrisie, les préjugés, le copinage, la suffisance. Et surtout nawalawé le manque de respect envers nos sœurs et nos frères qui n’ont pas eu la chance de naître sur la bonne île, qui chaque jour souffrent et triment et font prospérer Mayotte à la sueur de leur front. Cessons d’en faire nos souffre-douleur. Les Comoriens sont devenus les fourre-tout de ce qui ne va pas dans nos vies. Cette attitude vaine nous empêche de nous remettre en cause et d’avancer. En réalité, la situation est complexe, voyez-vous ; les responsabilités sont multiples, parfois désagréables à entendre.
N’en rajoutons pas. Nul besoin de crier haro sur des parents dépassés qui se sont fait surprendre par un brutal changement de société. Mais ils doivent se réveiller : ce qui marchait hier en matière d’éducation ne fonctionne plus aujourd’hui. Ne crions pas haro sur la préfecture, même si « Le préfet reste en moyenne un an et demi, six mois pour comprendre la situation, six mois pour faire remonter à Paris et six mois pour préparer sa prochaine affectation » (Le Monde du 21 avril 2016). Ne crions pas haro sur des enseignants dont certains font tant d’efforts ; mais beaucoup doivent mieux faire car ils ont leur part de responsabilité dans la situation actuelle. Quant au vice-rectorat, il doit mieux penser sa politique éducative. Ne jetons pas l’anathème sur les fonctionnaires ; ce serait tellement injuste envers ceux qui ont une grande charge de travail – ne serait-ce que pour pallier les carences de leurs collègues. N’ostracisons pas les nouveaux médias qui ont beaucoup apporté à Mayotte en matière d’information en dépit de leurs maladresses. Ne généralisons pas la critique envers les élus ; nous avons notamment un sénateur dont le sérieux et l’intelligence font honneur à notre île.
Mais comment pouvons-nous observer qu’une partie de notre jeunesse part à la dérive et prétendre que nous n’y sommes pour rien ! Les jeunes de Mayotte sont nos enfants ; que nous le voulions ou non, nous en sommes tous responsables. Nous devons tous réagir ; moi la première. Il n’y a pas de solution facile et c’est un travail de longue haleine qui nous attend. Ce qui a mis vingt ans ou plus à se dégrader ne sera pas réparé en six mois. Nous qui aimons Mayotte et respectons la vie, mettons-nous au travail ! Nous vivrons mieux et plus dignement, puis nous mourrons en paix avec nous-mêmes.
À Mayotte, le 29 janvier 2017.

 Lire un autre article du Monde (16 juin 2016) : « Début juin, la ministre des outre-mer, George Pau-Langevin, et le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, avaient présenté un « plan sécurité à Mayotte » destiné à endiguer la délinquance et l’immigration clandestine. »


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[1Voir cet article du 7 octobre 2011 : « Mayotte paralysée par des manifestations contre la vie chère ».