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Drame du coming out, à partir de la 4e.

La Chienne de l’ourse, de Catherine Zambon

Actes Sud Junior, D’une seule voix, 2012, 62 p., 7,8 €.

lundi 20 août 2012

Un court texte à dire en atelier théâtre ou en classe sur l’entrée dans l’amour et la sexualité en mode lesbien. Le personnage de la vieille dame donne toute sa valeur à ce texte qui touchera tous les élèves quels que soient leurs goûts naissants.

Résumé

À l’occasion d’une fête chez un copain de classe, la narratrice adolescente s’enfuit et fait le point notamment sur son amour pour sa copine d’enfance Liv, dont elle est amoureuse, sans parvenir à déclarer clairement cet amour. Elle considère le lycée comme une « bête cannibale » ou un « étron » (pp. 7 & 8), parce que Liv l’a quitté pour travailler en apprentissage, alors qu’elle, elle continue. Elle se sent mal dans sa peau de grosse, d’où le titre. Elle se plaint des « airs entendus » des adultes qui considèrent que son surpoids pourrait disparaître avec « la perte de virginité » (p. 10), sous entendu avec un garçon, d’où le titre : « C’est eux qui trébuchent, moi je vais, de mon pas d’ourse, lourde » (p. 12). Elle se rappelle une anecdote lorsqu’à l’âge de 14 ans elle avait écrit « je t’aime » dans un courrier à Liv, et que la mère de cette dernière, tombant dessus, s’était écriée « Dis donc, je ne sais pas qui fait le garçon et qui fait la fille dans cette histoire » (p. 18). Elle s’ennuie de ce que « la littérature ne parle pas de ce qui m’arrive à moi, aujourd’hui ? » (p. 19). On a envie de lui glisser à l’oreille de consulter votre site préféré ! Les deux amies ont fait un projet de vie commune, inspirée de l’expérience communautaire d’amis de son frère (p. 27). Or comme elles dorment ensemble, la narratrice a honte de ses désirs, comme beaucoup d’adolescents, quelle que soit leur attirance : « c’est la première fois que j’ai un corps. Un sexe. C’est obscène. Déplacé. Ça me fait honte. […] Le désir n’appartient pas à l’amitié. Aimer, oui. Mais ça, non. » (p. 33) ; « je n’avais qu’une envie, la rejoindre dans ce lit, ôter le drap, soulever son tee-shirt, regarder son corps, poser ma main sur ses seins, toucher son sexe » (p. 35). Elle picole un peu et va rejoindre Madame Burridon, une vieille femme un peu marginale qui lui sert de confidente, et avec qui elle va faire l’essai de son coming out, après s’être dit à elle-même « Je suis une gouine. Ça s’écrit, ça ? » (p. 42). Avec ses parents, les confidences ne sont pas à l’ordre du jour, parce que « ils attendent que je me casse. Resteront pas ensemble si ça se trouve. J’encombre. » (p. 41). Mme Burridon a une réaction bourrue mais tolérante : « Tu ne vas pas nous faire l’homosexualité ? Grogne-t-elle » (p. 50) ; « Il paraît qu’il y a des pays où ils se marient maintenant ces gens-là » (p. 52) [1]. Il faut dire qu’elle voyait déjà d’un sale œil la perspective que la narratrice fréquente un garçon. Tout cela se terminera en happy end, le chagrin s’étant épanché dans la vieille dame.

Mon avis

Un livre sympathique, très bien écrit, destiné à être interprété théâtralement. Différentes voix sont concentrées dans le monologue de la narratrice, ce qui laisse libre cours à l’inventivité théâtrale. Nous n’avons pas grand chose à dire du contenu, si ce n’est que ce discours d’apitoiement sur soi nous semble avoir fait son temps. Oserions-nous suggérer aux éditeurs de cette collection, qui ont déjà fourni 50 minutes avec toi et Rien que ta peau de Cathy Ytak, et Un Endroit pour vivre, de Jean-Philippe Blondel, de songer à un texte qui présenterait une vision optimiste de l’homosexualité (et de la sexualité). En 2012, quand j’écoute mes élèves de lycée, il me semble que cela correspondrait davantage à la réalité vécue. Les choses ont énormément évolué dans les dernières années, que ce soit sur l’homosexualité ou sur l’hétérosexualité ; il serait temps que les éditeurs — et les auteurs qui ont la chance d’être publiés — qui ont sans doute vécu d’autres choses dans leur adolescence, s’en rendent compte ! Ceci étant dit, l’un des intérêts de ce court texte est de permettre à tous les lecteurs de s’identifier aux affres de la narratrice, qui ne sont pas spécifiques aux homosexuels.

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Lire l’article de Jean-Yves Alt sur ce livre.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Fiche sur l’auteure à l’école des loisirs


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[1Remarque incidente typique d’un discours implicite à la mode faisant table rase de l’existence du pacs pour ne considérer que le « mariage gay ».