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Un classique de la pornographie, pour adultes avertis
Casino, de Leone Frollo
Delcourt, coll. Erotix, 1985/1987, 336 p., 14,95 €
mercredi 20 juin 2012
Leone Frollo est né en 1931 ; il a connu, comme tous les dessinateurs de sa génération, les affres de la censure, et a publié ses bandes dessinées dans des conditions peu valorisantes. D’où l’intérêt de cette réédition de la série en trois volumes Casino, après Mona Street. Est-il besoin de préciser que ce livre, encore plus qu’Histoire d’O, de Guido Crepax n’a pas du tout sa place dans un CDI de lycée, compte tenu de la pornographie extrême de ses planches. On le placera tout en haut de la bibliothèque familiale, et prenant l’air sérieux du parent sévère, on interdira strictement à ses enfants d’y toucher, de façon à ce qu’ils ne bénéficient pas de cette éducation sexuelle de contrebande ! Cet article a pour objet de prolonger la connaissance de l’histoire de l’altersexualité en bande dessinée. Félicitons les éditions Delcourt de rééditer ces chefs-d’œuvre.
J’ai lu uniquement le tome 3, qui malheureusement ne présente pas l’œuvre ; on suppose que cela a été fait dans le tome 1. L’article de « JL parker033 » comble cette lacune. Le One-two-two est un bordel qui a existé en France, mais ce nom n’est utilisé que dans la traduction française du texte italien, et ne correspond donc pas à la réalité de ce bordel scandaleux ayant servi de lieu de plaisir à la Gestapo. Le mot « casino » désigne un bordel en italien. Le ton est pornographique au plus au point et iconoclaste en même temps, voire anar. Par exemple, dans la première des trois histoires de ce 3e volume, un ministre italien de passage à Paris goûte les plaisirs de l’établissement, mais au moment où il s’apprête à sortir, il aperçoit des compatriotes, et est pris de panique à l’idée d’être reconnu. Il tente alors de se réfugier de salle en salle, à tous les étages du bordel, et c’est le prétexte à des quiproquos salés, qui l’obligent à expérimenter des spécialités qui n’étaient à priori pas sa tasse de thé. Cela va du quasi viol par la cuisinière, une terrible matrone aux entrailles faisandées qui rêvait de goûter aux voluptés des pensionnaires, et profite de l’occasion pour obliger le malheureux à la « décrasser » malgré la dégoûtation de son absence de toute hygiène. On comprend dès lors que la pornographie poussée dans ses fantasmes les plus rares est avant tout ludique, prétexte à exposer la litanie des perversions sadiennes.
Dans la scène dont voici une vignette, notre héros vient de goûter à l’arrière-boutique d’un aristocrate, alors que, dans la scène précédente, il avait eu la mauvaise idée de se déguiser en volant le bleu de travail d’un ouvrier. Or le fantasme de l’aristo était précisément de se faire pénétrer par un prolétaire. Le ministre y prend goût, mais dès qu’il a rempli ce ministère inattendu, l’aristo le paie, et en profite pour le rosser, et remettre les pendules à l’heure ! Devinez ce qui adviendra quand le prolétaire retrouvera le voleur de ses frusques, et de quelle manière il le punira ? Le lecteur suit le ministre dans sa visite du pandémonium, où il découvre une lesbienne pourvue d’un clitoris surdimensionné, et autres fantasmes, jusqu’aux plus ultimes, comme celui d’un amateur de fèces qui jouit des blandices de ces dames !
La deuxième nouvelle met en scène un militaire allemand amateur de garçons mais qui refoule son homosexualité en fantasmant avec une prostituée des situations homoérotiques de caserne. On tente de lui fourguer une espionne prostituée infiltrée dans le bordel (épisode en totale contradiction avec ce claque collabo qu’était le véritable One-two-two), mais il la démasque et cela finit mal pour la Mata-hari. La troisième nouvelle, « Pour l’amour d’une putain », raconte l’histoire d’un fils de bonne famille que son père a envoyé au bordel pour qu’il apprenne sans risque les plaisirs de l’amour avant de convoler en d’utiles noces. Malheureusement, le chéri s’amourache d’une pensionnaire, au point de rompre en visière et de proposer une vie de bohème à la donzelle. Il tente de se faire docker, mais cette véritable nymphomane insatiable, l’épuise tellement la nuit, qu’il ne peut assurer sa charge de nouveau prolo le jour. L’épisode est prétexte à raconter l’origine de la vocation de la prostituée, excitée lorsqu’elle était toute jeune fille par la vision des ébats de son beau-père avec sa mère, et qui le fit chanter pour qu’il l’initie aux plaisirs érotiques, après avoir fait virer le garçon d’écurie qu’elle avait forcé à la contenter. Cela rappelle, en bien plus déluré, l’ambiance des nouvelles de La Maison Tellier, de Guy de Maupassant. Le format particulier de cette trilogie respecte le format des publications d’origine en revue. Doit-on en conclure que cela se lisait d’une seule main ? En tout cas le lecteur jouira de la grande qualité du dessin et de certaines illustrations pleine page.
– Dans la même collection, voir d’autres grands classiques de l’érotisme : Histoire d’O, de Guido Crepax d’après Pauline Réage, et Gwendoline, de John Willie. Chez un autre éditeur, voir Epoxy, de Paul Cuvelier & Jean Van Hamme. Nous déclinons bien sûr toute responsabilité, si à cette lecture, un adolescent se métamorphosait en une sorte de Strauss-Kahn des lupanars !
Voir en ligne : Un article érudit de « JL parker033 » sur cette série
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