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Une littérature sans parisianisme

Le point de vue des éditions Labor

La plus importante maison d’édition belge en littérature

mardi 1er mai 2007

Première entrevue d’un éditeur pour HomoEdu / altersexualite.com. Les éditions Labor ne sont présentes dans notre sélection que pour un ouvrage, mais l’accueil qu’elles nous ont réservé et nos liens avec la revue belge Ado-Livres nous ont donné envie de prolonger ce regard sur nos étranges voisins belges.

 Lionel LABOSSE pour HomoEdu / altersexualite.com : Julien Œuillet, pouvez-vous présenter les éditions Labor. Est-ce un éditeur indépendant ou appartient-il à un groupe financier ou industriel ?
 Labor a été fondée en 1919 par un député socialiste de la région belge du Hainaut, une région ouvrière encore aujourd’hui. Après un long passage par Bruxelles, nous avons ramené notre siège à Charleroi, la ville symbolique de cette région wallonne. Labor est aujourd’hui la plus importante maison d’éditions belge en littérature. Nos deux collections, Grand Espace Nord et Espace Nord (poches) constituent le plus riche fonds de Belgique. À cela s’ajoute la littérature jeunesse (collection Zone J), la littérature policière (collection Noir de Noir), et la collection les Éperonniers (Les Éperonniers étaient une maison belge historique que nous avons rachetée après sa faillite pour en sauver le fonds. C’est devenu l’une de nos collections). Labor est totalement indépendant. Nous n’appartenons à personne d’autre qu’à notre directeur.

[la revue Ado-Livres nous apprend pourtant dans son numéro 20-21, que « les éditions Labor […] ont été rachetées en 2004 par Jean-Claude Dubray, patron de TXT, une société française spécialisée dans le packaging éditorial et la promotion de la presse. NDLR.]

 Quelles sont les difficultés pour percer le marché français ? Que pensez-vous de la loi de 1949 sur les éditions pour la jeunesse ? N’est-elle pas un frein à la libre concurrence pour les éditeurs étrangers, une loi protectionniste qui ne dit pas son nom ?
 La loi de 1949 n’est pas un véritable problème pour nous. La principale difficulté pour un éditeur belge de pénétrer en France est que notre nom y est encore peu connu et qu’il nous faut beaucoup insister pour faire admettre qu’une maison belge n’est pas forcément une petite maison, et qu’elle n’est pas une maison de plus.

 Y a-t-il une spécificité chez les auteurs belges de langue française, qui puisse demeurer s’ils s’installent définitivement en France, comme Gudule ?
 Les auteurs belges sont souvent ironiques, drôles, et critiques. De nombreux auteurs français le sont également mais c’est un point récurrent chez les auteurs belges, sans pour autant être une règle générale. Il est difficile de définir une spécificité des auteurs belges, mais ce serait peut-être le point le plus notable. Les auteurs belges installés en France ne perdent généralement pas leur nature même s’ils se « parisianisent » volontiers. Le parisianisme est totalement absent de la littérature belge, c’est peut-être sa principale différence avec la littérature française d’aujourd’hui.

 Est-ce qu’il y a des échanges, par des traductions notamment, entre les deux communautés linguistiques belges, dans le domaine de la littérature jeunesse ? Des auteurs qui s’expriment dans les deux langues ? Ne trouvez-vous pas étonnant que l’excellent Frère de Ted Van Lieshout ait été traduit du néerlandais en français par un éditeur suisse, La joie de lire ?
 Si vous observez l’actualité belge, vous verrez à quel point les deux communautés linguistiques sont séparées. Nous avons déjà traduit des ouvrages de sciences-humaines, notamment J’ai vingt ans et je quitte la vie de Marc vande Gucht, mais rarement des livres néerlandophones. En fait, nous ne pouvons pas dire qu’en tant qu’éditeurs belges nous sommes mieux placés pour le faire que tout autre éditeur du monde francophone. Dans le fond, pourquoi un éditeur suisse s’en priverait ? Et également, pourquoi devrions-nous uniquement observer le paysage littéraire néerlandophone alors que le monde est plein de langues à traduire ? Mais de façon générale Labor ne traduit quasiment jamais d’ouvrages de littérature. Nos sorties littéraires sont quasi exclusivement des textes francophones originaux.

 En ce qui concerne les thèmes altersexuels, Frank Andriat nous a révélé que Tabou était un livre de commande. Comment peut-il se faire que ce livre soit le seul ouvrage publié à ce jour par Labor qui évoque de près ou de loin l’homosexualité ?
 Ce n’est pas le seul ouvrage ! Dans les sciences-humaines nous avons beaucoup de livres approchant les thèmes de la sexualité, hétéro ou homosexuelle. J’ai vingt ans et je quitte la vie, précédemment cité, évoque le parcours d’une jeune lesbienne allant jusqu’au suicide. Nous sommes sensibles à tous sujets de société, y compris celui des multiples formes de vivre sa sexualité. En littérature nous avions autrefois la collection « Thé glacé » qui était exclusivement consacrée à la littérature homosexuelle. Elle a été interrompue pour passer à d’autres projets, sans aucun regret mais au contraire avec une certaine fierté pour ce travail accompli. Aujourd’hui nous ne fermons pas la porte à des ouvrages sur ce thème. Pourvu qu’ils nous intéressent, comme tout autre manuscrit.

 Les enseignants et autres prescripteurs belges sont-ils selon vous prêts à accueillir favorablement des ouvrages abordant des thèmes altersexuels pour les enfants ou pour les adolescents ?
 Je ne peux pas m’exprimer en leur nom. Toutefois l’ouverture d’esprit d’une bonne part des enseignants de la Communauté française de Belgique me pousserait à vous dire que ce n’est pas à exclure. Nous en serions les premiers satisfaits.

 Entrevue réalisée en avril 2006.


Voir en ligne : Site des éditions Labor


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