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Le « mariage gay » en France : le débat impossible.
La guerre du trouple n’aura pas lieu
Comment la « classe A » des « gays de garde » pense pour nous.
dimanche 5 août 2012
Commençons par le commencement. J’ai publié mon premier livre dans des conditions confidentielles en 2003 ; nous sommes en 2012 et le 5e livre, Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay », toujours publié dans des conditions confidentielles, paru le 1er avril 2012, a enfin la chance inespérée de connaître un succès d’estime, sous les espèces d’un article de Louis-Georges Tin dans Le Monde, qui a amorcé une pompe médiatique, modeste pompe, mais pompe il y a. Ce livre n’est pas seulement une œuvre de littérature d’idées, un livre dont chaque phrase a été ciselée ; c’est aussi une prise de parole politique, que je suis pour l’instant, à mon corps défendant, le seul à représenter dans la communauté altersexuelle au sein du débat, ou plutôt du non-débat sur l’adoption annoncée du mariage entre personnes de même sexe en France. Précisons bien : je ne suis pas le seul, loin de là, à avoir ces idées non-conformistes, mais le seul à les avoir développées en une forme (un livre) qui me permet de participer de façon constructive et argumentée à un débat. Je vais tenter, le plus objectivement possible, de montrer, non par des opinions mais par des faits, comment mon livre et mes idées sont étouffées, comment le milieu gay d’une part, et le milieu politico-médiatique d’autre part, empêchent le grand public d’avoir accès à ces idées, qui ne sont pas seulement mes idées, mais celles d’un grand nombre d’altersexuels. Malgré le matraquage, tous ne cèdent pas encore aux sirènes du conformisme en vogue parmi l’intelligayntsia qui tient fermement le micro en France, et empêche toute pensée dissidente de s’exprimer. À quelques rarissimes exceptions près, les médias se comportent en « chiens de garde », gays ou non, et nous désinforment plutôt qu’ils ne nous informent. J’espère que dans les mois qui viennent, c’est-à-dire pendant la période où le projet sera réellement débattu par le Parlement, on me donnera enfin la parole (ou à des gens qui tiennent le même discours que moi), mais le fait que dans les trois mois suivant la parution de mon livre, aucun média majeur à part France Culture et Le Monde ne m’aient donné la parole ou aient rendu compte de la parution de mon livre, est un fait en soi. J’ai décidé, quitte à mettre en colère messieurs et dames les journalistes, de ne pas me taire. Si vous n’êtes pas d’accord, exprimez-vous : la guerre du trouple doit avoir lieu !
Avant la parution
Avant parution, j’avais tenté désespérément de proposer mon essai à différentes maisons d’édition. Si j’ai fondé les éditions À poil, c’est par défaut, parce que depuis que j’écris, mes livres ont le malheur de ne plaire qu’aux lecteurs et aux critiques, jamais aux éditeurs, qui les trouvent toujours trop ceci ou pas assez cela. Dans le milieu gay, c’est encore pire, au point que je n’ai même pas envoyé ce dernier essai à un éditeur gay. Il y a un éditeur qui me soutient, Textes gais, malheureusement ce que j’écris n’est pas son créneau. Pourtant, Pierre, l’éditeur, m’a toujours soutenu, et plus que ça, m’a appris le métier et les premières démarches, m’a même fait la maquette du 1er livre, Le Mariage de Bertrand (il ne veut pas que l’on mentionne son nom de famille, dont acte). Je n’ai reçu de la dizaine d’éditeurs à qui j’ai envoyé le manuscrit que deux lettres-types de refus, aucune lettre motivée, et la plupart des éditeurs n’ont même pas répondu (j’avais envoyé le manuscrit à partir d’août 2011). J’ai eu la chance qu’un ami, ancien éditeur, m’aide, et propose mon manuscrit directement à d’autres éditeurs. Une éditrice s’est montrée intéressée, mais, sans jamais daigner me passer un coup de fil, sans prendre le moindre engagement, m’a simplement fait dire qu’elle attendrait la fin des élections pour peut-être l’éditer, cette période étant peu propice aux livres en dehors des essais politiques. Il se trouve que mon livre était un essai politique. Cela a duré de la Toussaint à février 2012. N’en faisant qu’à m’a tête, selon mon habitude (Voltaire et Rousseau n’ont jamais attendu qu’un éditeur daigne les autoriser à s’exprimer), j’ai décidé de publier mon livre moi-même, car j’avais peur, ayant travaillé d’arrache-pied depuis décembre 2010, de me faire brûler la politesse, et de rater le créneau du débat sur le mariage au cas où François Hollande serait élu. Cent fois moins de possibilités de vente et d’articles dans la presse, un coût prohibitif [1] mais la fierté de se regarder dans la glace sans baisser les yeux, cela n’a pas de prix. J’ai donc consacré toutes les vacances d’hiver à concevoir la couverture du livre avec un ami graphiste, et à faire la maquette moi-même, en apprenant ce métier. J’ai reçu les exemplaire un peu avant le 1er avril, date prévue de parution.
Le premier article dans Le Monde.
Dès les premiers jours, paraissent les deux premiers articles sur les blogs de mes amis Jean-Yves Alt et Jean-Gabriel. Au fait, quand j’écris « amis », il s’agit de gens qui, ayant découvert et apprécié mon travail depuis des années, sont devenus progressivement des amis parce qu’ils partagent une partie de mes idées. Il ne s’agit pas de copains de longue date qui se seraient fendus d’un article pour me faire plaisir, ce qu’on appelle copinage (et qui n’a rien de répréhensible, sauf quand la pratique est tellement généralisée que l’espace pris par le copinage ne laisse plus de place aux autres, voir Bourdieu). Je pars en vacances loin de France, l’esprit tranquille. J’ai envoyé des mails aux principaux médias, je n’ai eu quasiment pas de réponses, comme d’habitude. Si, Têtu a demandé un exemplaire, parce que la dernière pigiste qui m’a interviewé (pas en tant qu’écrivain, ne rêvons pas : en tant que spécialiste de la littérature jeunesse, et sur le site, pas dans le journal…) a signalé cette parution à la rédaction. Je le leur ai envoyé le 28 mars. Après avoir beaucoup hésité, j’ai envoyé le 6 avril un exemplaire à Louis-Georges Tin, pour sa chronique du Monde. Si j’ai hésité ce n’est pas pour lui, mais parce que j’avais eu naguère une mésaventure avec un journaliste du Monde des Livres, qui m’avait interviewé, avait prétendu apprécier mes précédents livres, et finalement n’avait pas pu passer d’article, dit-il, parce que ces livres étaient publiés par Publibook. Comme je suis dorénavant publié par moi-même, je craignais que cette discrimination fonctionnerait encore, puis je me suis dit qu’il serait de toute façon utile que Louis-Georges Tin ait connaissance de l’existence de ce livre ; j’avais d’ailleurs à un moment pensé lui demander une préface, mais je n’avais pas osé. Enfin, il se trouve que dans la première partie de ce livre, je taille un costard à toutes les personnalités gaies qui monopolisent la parole dans la communauté, au premier rang desquelles le propriétaire du Monde… Bref, je pars en vacances, sans me douter que Louis-Georges Tin ferait un article d’une part, et d’autre part si rapidement : il paraît le 20 avril, moins de 15 jours après que je lui eus envoyé le livre ! En plus le mot « altersexuel » figure dans le titre, alors que j’ai tant de mal à faire passer dans le grand public l’usage de ce mot ! (Feu Pref Mag l’avait adopté, mais par une rivalité très pédée, du coup, les autres médias gays l’ont scrupuleusement évité !) J’étais donc extrêmement content, ce journal étant censé être le seul dont les articles fassent vendre, mais aussi il reste le titre phare de la presse française, enfin Louis-Georges Tin est la personnalité altersexuelle numéro 1 en France, si ce n’est dans le monde, et le fait qu’il consacre une de ses chroniques intitulées « Sans interdit » à mon essai, sans préjuger de ses propres idées sur la question du « mariage gai », donne du poids à mon livre : on pourra donc le contester, mais non l’ignorer, comme tous mes livres précédents. Te mettrais-tu le doigt dans l’œil, Perrette ?
La tribune dans Le Monde.
Quelques commandes de libraires arrivent, et, fait révélateur, le jour même de la parution de l’article du Monde, une journaliste de Têtu me demande un exemplaire de presse : au lieu d’être à la pointe de l’info sur les questions gay, Têtu attend après Le Monde… Je lui réponds que j’en ai envoyé un avant parution… Faut-il supposer qu’il a été jeté à la poubelle, comme les précédents ? Le journal des gays va-t-il se sentir obligé par cet article de Louis-Georges Tin d’informer messieurs les gays de l’existence d’un gay qui ne pense pas de façon grégayre, et qui publie des livres, qui plus est, en échappant « à la confrontation avec un éditeur », comme le prétend sans rire le prétendu site d’information gay Media G, qui oublie de se demander s’il n’aurait pas par hasard échappé à la confrontation avec l’esprit critique… Pour tout dire, un seul de mes livres a fait l’objet d’un tout petit article (sur le site, pas dans le journal, ne rêvons pas…) dans Têtu, c’est celui que j’ai publié sous un pseudonyme. Le signataire de l’article est le pseudonyme d’un auteur dont j’avais critiqué un roman sur mon site, sans imaginer qu’il ferait plus tard des piges en tant que critique pour le site de Têtu. On peut considérer cela comme un renvoi d’ascenseur ; on peut aussi considérer comme la moindre des choses qu’un journal qui se prétend la référence de l’info gay permette à ses lecteurs d’être informés de ce qui se fait dans le domaine culturel dans cette communauté. Je ne parle pas que pour moi : le génial chanteur Nicolas Bacchus a eu à peu près le même traitement, ou le peintre Éric Raspaut, qui m’a permis d’utiliser trois de ses œuvres pour illustrer les couvertures de mes livres. Et on s’étonne que les ventes baissent !
Suite à ce papier prometteur, j’ai l’idée de proposer au Monde une tribune qui résumerait les idées de mon livre. Après quelques angoisses et retardements dont je vous fais grâce du récit, cette tribune paraît dans le numéro du 19 mai (lorsqu’on est auto-édité, qu’on n’a pas d’attaché de presse et qu’on est doté de naissance de la diplomatie d’un bûcheron sibérien, vous imaginez aisément qu’obtenir le droit de publier une opinion dans un tel journal ne va pas de soi : les vaches sont bien gayrdées…). Et cette fois-ci, contrairement à l’article de Tin, la tribune est en accès libre, ce qui lui donne un retentissement décuplé. Un détail pour les amateurs de précisions : je découvre à l’occasion que les tribunes dans ce journal ne sont pas rémunérées, alors que la rédaction les charcute et change les titres… En contrepartie, c’est la moindre des choses que l’article soit en accès libre ! Le succès de la tribune est important : à ce jour, elle a passé la barre des 1600 « recommandations » facebook. Dans l’intervalle, j’avais piqué un coup de sang le 11 mai, lorsque Libé avait fait sa une sur le « mariage gay », à l’occasion de la petite phrase d’Obama. On trouvait un énième dossier téléphoné sur le sujet, avec gays fous de joie de pouvoir convoler, et la sempiternelle interview de Caroline Mécary, qui nous servait sa soupe habituelle, alors que la journaliste, Marie-Joëlle Gros, oubliait de dire que cette « avocate » (comme la présente le sur-titre) est aussi et surtout une élue locale d’un parti politique. Ce silence-là est un acte de désinformation comme le film Les Nouveaux Chiens de garde le dénonçait récemment. Il est malhonnête de la part de Libé d’omettre qu’une personne qu’on interviewe a plusieurs casquettes, et de laisser croire aux lecteurs que cette personne n’exprime qu’un avis personnel et désintéressé. Et après on se plaint de la baisse des ventes… J’avais envoyé un mail d’engueulade aux auteurs de ce dossier, et l’une d’entre eux m’a fait l’honneur d’une réponse outrée, bien sûr sans me demander un exemplaire de mon livre (que j’avais déjà envoyé à la rédaction, avec le même succès que celui de Têtu…). Idem le 13 juillet sur France Culture, décidément accro au « mariage gay » !
Les réactions sur la Toile
Cette tribune du Monde a suscité des réactions intéressées ou enthousiastes [2] : ici et là, un article intelligent, nuancé, bien écrit, qui répond à la tribune après avoir pris le temps de se renseigner, mais le blogueur (anonyme) n’aime pas du tout que je traite de « biphobes » les partisans du mariage à deux [3]. Encore un autre du même bon tonneau par ici, puis un autre par-là (ça serait sympa, les filles, de faire un petit lien vers mon site…). Sans oublier, bien sûr, le billet de Jean-Yves Alt, qui avait précédé tout le monde. Décidément, il suffisait d’ouvrir la boîte de Pandore pour que les gens s’autorisent à penser sur ce sujet qu’on croyait plié ! Enfin, miracle, Libération a enfin publié un article intelligent sur le sujet, dû, ça ne vous étonnera pas, à Marcela Iacub. Libé ne fait que dans les grandes marques de penseurs… Mais ne boudons pas notre plaisir : « Le mariage gay à la noce ». Selon des sources autorisées, Têtu songerait à un article en 2013 ou peut-être 2014… Quant aux autres sites d’information (sic) gays, n’en parlons pas : je n’existe pas pour eux, et aucun couac ne doit se faire entendre dans la fanfare gay propre sur elle. Et puis, lire un livre, quelle purge pour un homosexuel tendance du XXIe siècle ! Il y a des avocats payés pour penser à notre place, pourquoi se fatiguer ?
On s’amusera bien sûr à parcourir les inénarrables vomissures inspirées par une lecture superficielle et des contresens, qu’inspire inévitablement ce genre d’article à la blogosphère : par ici, par là, puis par-là. Quel plaisir que la célébrité ! Maintenant je comprends Sarko ! Plus mesuré, mais tellement téléphoné dans le genre chrétien de droite, nous trouvons ceci et cela, et puis des truellées d’autres sites du même tonneau, la plupart ne faisant que se copier les uns les autres. C’est hallucinant ce que ça peut pulluler ce genre de sites-clones ! Il doit sans doute y avoir de l’argent à gratter, quand on voit les pubs sur ces sites tellement spirituels… Allez, pour la bonne bouche, un site en espagnol qui a traduit le texte de l’article, pour s’en moquer et, selon l’argument éculé de l’extrême droite, voit en ce que je propose le précurseur d’un futur mariage « zoophile », etc. Mais la traduction de l’article proprement dit est sérieusement faite. [4] Ces braves gens très à cheval sur la déontologie ne mentionnent pas l’origine de l’article, ni la date, ni rien, font souvent croire qu’ils critiquent le livre entier et non la tribune, et, cerise sur le gâteau, sont allés voler au hasard une photo sur votre site préféré, croyant sans doute qu’elle me représente, mais il ne s’agit pas de moi ! Eh oui, au bout de 6 ans, il n’y a toujours pas de photo utilisable de moi sur le site, ni d’ailleurs nulle part sur Internet. Étonnant, non ? N’oublions pas qu’il existe chez les cathos, comme dans toutes les religions, des gens ouverts et humanistes, comme le prouve cet article de Thierry Jaillet. Voir mon article sur les « nazillons » de la toile.
Quelques jours après la parution de la tribune, j’écris une lettre au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, dont voici grosso modo la teneur : « Vous avez tapé sur les doigts du nouveau ministre de l’Éducation Vincent Peillon pour avoir annoncé la prochaine réforme de la semaine de quatre jours en oubliant de préciser qu’il y aurait concertation. Or sur ce sujet, vous disposez d’un grand nombre d’études scientifiques commanditées par vos prédécesseurs. Sur la question du mariage des personnes de même sexe, vous ne disposez d’aucune recherche, et pour cause (tous vos prédécesseurs y étaient hostiles et n’ont commandité aucune étude), or vous annoncez cette réforme sans concertation. Il ne doit pas y avoir deux poids deux mesures, et je vous demande d’organiser une vraie concertation sur le sujet, notamment dans le but de savoir si l’on ajoute le mariage au pacs, ou si l’on fusionne les deux. » Toujours pas de réponse…
Une émission de France Culture.
Une émission de France Culture, « La Grande Table », a parlé de ce livre le 31 mai 2012. J’ai joué de malchance : la remplaçante de l’attachée d’émission me contacte pour que je lui envoie pas moins de quatre exemplaires de presse (quand je vous dis qu’on ne s’enrichit guère en publiant des livres !), pour une émission programmée le jeudi 31. Je lui envoie les bouquins aussitôt, le vendredi précédent, par la poste, or il y a entre-temps le lundi de Pentecôte. La titulaire revient à son poste et m’appelle le mardi : elle n’a pas reçu les bouquins, et s’étonne que sa remplaçante n’ait pas envoyé un coursier, ou ne m’ait pas demandé d’envoyer directement aux chroniqueurs… Bref, les livres arrivent finalement dans l’après-midi, et elle les fait parvenir comme elle peut aux chroniqueurs parisiens. L’essentiel est cette chance extraordinaire — à laquelle je n’aurais pas osé rêver un mois auparavant — d’avoir accès d’abord à ces deux médias les plus réputés de France avant tout autre média ! Et avant tous les médias gays (sauf deux blogs privés) !
L’émission est décevante de mon point de vue (heureusement il reste la page sur le site très bien organisé de France Culture). Il semble que cette émission avait été prévue depuis longtemps et que, ayant vu ma tribune dans Le Monde, les producteurs aient décidé d’intégrer mon livre au dernier moment, en modifiant l’intitulé de l’émission. Résultat : il est surtout question pendant 80 % de l’émission d’Irène Théry et de ses idées, pourtant pas récentes, sur les changements dans la famille, et ce n’est que dans les 5 dernières minutes qu’il est question de mon bouquin (en mon absence, cela va sans dire : vous ne croyez quand même pas qu’un citoyen issu de la plèbe aurait droit de s’exprimer comme ça en direct à la radio sous prétexte qu’il a des idées que personne n’a eues avant lui et qu’il a travaillé sur un thème pendant un an et demi !). Catherine Clément, l’une des trois invitées, est enthousiaste. Elle trouve le livre, je cite, « absolument formidable, à part les attaques personnelles », et ajoute que le contrat universel que je propose serait utile relativement aux idées d’Irène Théry. Puis elle cite un extrait relatif aux célibataires. Je trouve ce thème secondaire parmi ceux que j’aborde, mais il faut reconnaître qu’il a touché : Louis-Georges Tin l’aborde dans son article, et d’autres personnes itou. On ne peut jamais savoir comment un livre sera reçu par ceux qui l’apprécient ! Quant à Éric Fassin, je suis déçu par ses propos. D’abord, il oublie de préciser qu’il n’a sans doute pas eu le temps de prendre connaissance du livre (mais il a forcément eu connaissance de ma tribune du Monde), puis il s’exprime ainsi : « Il me semble que le sous-titre de cet ouvrage c’est « au-delà du mariage gay », donc je crois qu’il faut se placer au-delà, c’est-à-dire une fois que le mariage sera ouvert aux couples de même sexe, toutes ces questions-là deviennent possibles et pensables. […] Mais on voit bien que là aussi il y a une barrière qui est une barrière raciale puisque dès qu’on va dire plus de deux, le spectre de la polygamie va resurgir immédiatement, c’est-à-dire qu’on n’aura plus le sentiment de parler de nous. On aura le sentiment de parler d’eux. ». Attitude étonnante, étant donné que parmi les « gays de garde », ceux qui monopolisent la parole médiatique, Fassin est plutôt un de ceux avec qui je suis en général d’accord, notamment quand il met en garde contre la haine des polygames. Mais peut-être n’est-ce que partie remise, peut-être est-ce par rigueur intellectuelle qu’il préfère prendre le temps de lire mon livre… avant d’en dire le moindre mot. Je suis cependant plutôt agacé qu’il fasse dire au sous-titre de mon livre l’exact contraire de mon propos, et le simple titre de ma tribune dans Le Monde : « Un « contrat universel » à plusieurs plutôt qu’un mariage à deux, fût-il gay », aurait dû lui suffire pour ne pas me faire porter à moi son opinion à lui, opposée à la mienne, d’autant plus que contrairement à lui, je ne suis jamais invité à la radio ou à la télé, et ne pourrai peut-être jamais répondre à ses propos (ironie du sort… voir plus bas !). Je ronge mon frein…
Les Inrocks : la désinformation continue
Je suis contacté par l’intermédiaire de mon site le vendredi 25 mai par Anne Laffeter, journaliste aux Inrockuptibles. Après plusieurs coups de fils et mails échangés, elle refile le dossier à une de ses collègues, qui m’appelle le lundi 28 au soir, et m’interroge pendant une demi-heure, avec un enthousiasme feint ou réel (feindre l’enthousiasme est une ficelle du journalisme), pour un dossier qu’elle m’a dit devoir paraître le mercredi 30. Elle ne demande aucun exemplaire de presse du bouquin. Dans ces conditions, je m’attendais à ce qu’on ajoute au dernier moment la mention de mon livre, et une ou deux phrases de l’interview, mais tout est bon à prendre. Le dossier paraîtra en fait une semaine plus tard, en une du numéro du 6 juin. Je me dis « chouette », ils ont décidé de prendre le temps de développer, et vont consacrer plus de place à mes idées. Que nenni : alors qu’on est à 100 % dans le sujet, toute allusion à l’existence de ce livre a délibérément été gommée, je ne suis pas même nommé (serais-je innommable ?), et au lieu de mon entrevue, il y a une entrevue de deux pages de… Éric Fassin, qui déclare : « L’ouverture du mariage est revendiquée au nom de l’égalité. Elle est également dénoncée, non seulement en termes conservateurs (au nom de l’ordre symbolique) mais aussi, parfois, dans une logique radicale (contre la normalisation). Il ne s’agit pas d’imposer le mariage à quiconque mais d’ouvrir un droit égal. » « Logique radicale » : on sent que le sociologue éprouve une grande réticence à mentionner du bout des lèvres l’existence d’une dissidence aux gays de garde dont il fait partie (il a la même réticence dans son livre L’Inversion de la question homosexuelle). Plus loin, il ajoute : « En pratique, on continue de définir la conjugalité, avec ou sans mariage, par le couple. C’est que l’interdit n’est pas seulement moral ; il est également racial. La polygamie, c’est l’autre. Ou plutôt la polygynie – soit plusieurs femmes pour un homme. Qu’en est-il de la polyandrie ? Jules et Jim, de Truffaut, nous apparaît comme une expérience purement expérimentale ! Quand on s’écarte de l’exclusivité sexuelle, c’est sur le modèle de l’aventure ou de l’infidélité. La structure à deux demeure intouchée. » S’il lisait mon livre, Fassin réviserait peut-être son jugement, notamment à propos non pas du film, mais du roman Jules et Jim, auquel j’ai consacré une analyse exhaustive… Dans La Grande table du 21 juin 2012 consacrée au « débat entre sexe et genre », Éric Fassin s’est fait le défenseur d’une révision de la structuration des sexes, moyennant la prise en compte de l’intersexualité. D’un côté une « structure à deux » qui « demeure intouchée », de l’autre, une structure duelle dont il défend la subversion actuelle, grâce notamment au livre de Judith Butler qu’il a lui-même édité en France… Butler est sans doute une plus grande marque de penseur que Labosse…
J’ignore si l’entrevue a été réalisée après l’émission de France Culture… Il se trouve que dans le même temps, le hasard a mis entre mes mains un livre dont je ferai bientôt un article, Le Commerce des pissotières, de Laud Humphreys. Ce livre est préfacé par Éric Fassin, et est paru dans une collection « genre et sexualité » dirigée par lui-même, aux éditions La Découverte. Or j’avais proposé le manuscrit de mon livre à cet éditeur, qui m’a envoyé une lettre-type de refus le 9 novembre 2011. Mon livre étant à cheval sur plusieurs catégories (politique, sociologie, sexualité…) j’ignore si c’est Éric Fassin qui a pris la décision de ne pas le publier, mais ce n’est pas impossible. Je préfère penser que je fais de la parano, que tout cela n’est que hasard, et qu’Éric Fassin profitera bientôt d’une des innombrables occasions qu’il a de s’exprimer dans la presse, à la radio, à la télévision, pour dire tout le bien, ou tout le mal qu’il pense de ma « logique radicale », en daignant me nommer… À moins qu’il connaisse dans le milieu gay d’autres personnalités qui aient pris position de façon significative (je veux dire en développant leurs idées) pour cette « logique radicale », et qu’il puisse nommer à ma place… Je pense à cette phrase de l’article de Louis-Georges Tin : « Lionel Labosse ne va pas se faire que des amis ». Le 14 juin 2012, France Culture consacre à nouveau une émission de « culture mondes » au mariage homosexuel, et l’invité principal est devinez qui ? Éric Fassin, gagné ! Est-ce la centième ou la deux-centième fois qu’il est invité sur une radio ou une télé a opiner sur le mariage homosexuel ?
Didier Lestrade : le « gay de garde » qui se prenait pour un paria
En mai dernier, je prends enfin le temps de lire un livre dont le titre m’interpelle, et dont j’avais entendu parler malheureusement trop tard pour le citer dans mon livre : Pourquoi les gays sont passés à droite, de Didier Lestrade. Avec un tel titre, je m’attendais à ce que l’auteur critique, ou du moins discute la reddition des gays dans les rangs traditionalistes des amateurs de conjugalité, de fidélité et de couronnes de fleurs d’oranger. D’autre part, étant donné que mon livre contient une bonne part de critique du milieu gay, il me fallait me tenir au courant des ultra-rarissimes livres qui osent critiquer des gays (par les temps qui courent, oser critiquer des gays, c’est presque comme critiquer des juifs, il vaut mieux être gay ou juif soi-même, ou avoir de quoi se payer un bon avocat ! Par contre, ne pas cracher sur l’islam vous rend intellectuellement suspect.). Je me faisais sans doute des illusions, mais j’imaginais qu’il y aurait en France un journaliste de radio ou de télé consciencieux qui serait intéressé par l’organisation d’un débat entre deux auteurs qui ne traiteraient pas de la question homosexuelle sous l’angle de l’angélisme béat. J’ai été moyennement déçu par le livre, et l’ai dit clairement dans l’article que je lui ai consacré, que j’ai porté à la connaissance de l’auteur. Soit dit en passant, Didier Lestrade, qui traite ses collègues de l’intelligayntsia de « classe A de gays proches du pouvoir » (p. 14 de son livre), semble avoir oublié qu’en tant que fondateur du magazine Têtu pour lequel, si l’on en croit Wikipédia, il a collaboré jusqu’en 2008, non seulement il fait partie sinon de la « classe A », du moins des « gays de garde » constamment invités à s’exprimer sur tous les médias, et qui n’ont pas à chercher un éditeur pendant des mois et des mois quand ils ont un texte à publier, mais encore il pourrait avoir une certaine responsabilité dans l’inculture propagée par le principal média gay, dont la couverture et un épais dossier du dernier numéro (de mai 2012) sont consacrés à un footballeur hétérosexuel et pourvu de jolis abdominaux. Au passage, il est amusant de constater que Lestrade considère que les chroniqueurs de France Culture sont des « grands garçons de la classe A culturelle » (voir ce post sur son site). C’est un peu la backroom qui se moque du bar gay ! Pour un vrai débat sur le « mariage gay », les homosexuels de gauche ou de droite font mieux de lire… Le Monde. [5].
Bref, Lestrade publie un petit « post » ironique sur l’un de ses sites, où il écrit mon nom avec une coquille (Labrosse), et ajoute un s à « altersexualité », c’est dire s’il a lu cet article avec attention !
Quelques jours plus tard, on peut lire sur la partie publique de sa page Facebook, un message laconique d’un courageux anonyme dont le pseudo est Thill Eulen Spiegel : « en même temps tu noteras que Lionel Labosse est un mec qui fait lui même la critique de ses propres bouquins ;) sans compter qu’il a crée un prix littéraire qui s’appelle les Isidores (faire la liaison pour saisir la blague, toute en finesse). » (orthographe originale respectée) [6] On passera sur le côté mijaurée de la remarque sur les « Isidors » (sans e), s’agissant d’un « ami » facebook de Didier Lestrade, lequel a fait sa marque de fabrique de l’utilisation à haute dose des mots considérés comme grossiers, comme « pédé » (voir par exemple cette entrevue). La calomnie selon laquelle je ferais la critique de mes bouquins par contre, tombe sous le coup de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en son article 29 : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. […] Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. » (voir mon article sur la déontologie d’Internet). Mais plutôt que de me ruiner en avocats, il vaut mieux prendre cela avec humour et considérer que ce genre de calomnies colportées par de couards « corbeaux » qui n’ont pas même le courage de signer de leur nom ne salissent que ceux qui les formulent et ceux qui les publient. Et puis, connaissant le courage des calomniateurs anonymes, il faut se réjouir de la légèreté de cette diffamation. Alors pour couper l’herbe sous le pied aux futurs calomniateurs, je préfère le reconnaître tout de suite : antisémite, pédophile (je découpe les petits garçons en morceaux après les avoir violés), je vole les sacs à mains des vieilles dames, et comme le disent les sites fachos, je suis zoophile, je sodomise les ânes et les cloportes. Cela dispensera les brillants intellectuels de la blogosphère de répondre à mes idées par… des idées. Didier Lestrade étant un homme de presse, quand on le voit laisser complaisamment une telle lâcheté anonyme tacher son site, on songe qu’il a dû procéder de même pour faire du magazine qu’il a fondé un support d’une si haute qualité intellectuelle et abdominale. D’autre part, le fameux « Thill » a quand même rectifié l’orthographe de mon nom (ce qui, en passant, m’a permis de prendre connaissance des propos de Lestrade sur moi grâce à Google), et on notera que ce dernier n’a toujours pas rectifié sa coquille… Mais ce grand gayrçon de la classe B confond sans doute réellement mon nom avec une brosse à reluire, et n’a sans doute toujours pas entendu parler ni de mon livre ni de ma tribune. Ce qui est étonnant, c’est que, même si son égo n’a pas supporté que j’écorne quelque peu son livre (dont ma critique dit aussi beaucoup de bien, car c’est un livre utile malgré ses oublis fâcheux), on pourrait penser qu’il se réjouirait de la perspective de pouvoir débattre à la radio ou à la télé avec un autre gay qui comme lui n’est pas islamophobe et n’est a priori plutôt pas « passé à droite ». Même si nous ne sommes pas d’accord sur le mariage, il me semble que les débats contradictoires entretiennent plus le « buzz » que les cirages de pompes… À moins que ma théorie soit la bonne : « de gauche » ou non, un « gay de garde » tient son micro bien ferme, et ne permet pas au loup pelé de passage de s’en emparer, fût-il proche de ses idées. Il est à craindre que la radio et la télé, sans parler de Libé, continuent jusqu’à l’adoption du projet de loi à endormir le bon peuple avec de faux débats caricaturaux entre Mécary, Borrillo, Fassin, Lestrade d’un côté, et de l’autre un bon vieux catho bien rigide pour servir de repoussoir.
Voilà où nous en sommes le 10 juin 2012. J’espère que la suite me donnera tort.
– Eh bien, pas plus tard que ce jour même, je suis heureux de commencer à avoir tort : un article de Richard Mèmeteau dans Minorités, une revue Internet dont Didier Lestrade est rédacteur en chef, évoque mon livre avec précision (sans aller jusqu’à donner le titre de ce livre, il ne faut pas exagérer). Pourvu que « Thill Eulen Spiegel » ne lise pas cet article, il risquerait d’être choqué, le pauvre chéri, par des formules du style « deux pédés de l’Open Café », « Boutin aussi à son pédé sac à main », ou « vieilles pédales refoulées »… Le lendemain 11 juin, l’article est publié dans une version remaniée et raccourcie, sur le site Rue89/rue69. Du coup, on a rajouté le titre du livre, et même l’image de couverture ! Il doit y avoir un secrétaire de rédaction qui connaît son boulot. Au passage, on note que l’auteur de l’article est qualifié sur un site de « professeur de philosophie », et sur l’autre de « philosophe ». Je n’avais pas remarqué jusqu’alors que nous autres profs de français faisons partie d’une catégorie qui n’a pas de qualificatif de cette sorte. Le prof de maths peut être « mathématicien », de physique, physicien, de sociologie, sociologue, mais le prof de français ou de lettres, est au mieux un vague lettré. Enseigner la philo, c’est vraiment être philosophe. Quelle chance ils ont de pouvoir socratiser les jeunes gens !
– Au 11/6/2012, le Point G des bibliothèques de Lyon propose deux de mes livres, dont le dernier ! L’énorme réseau des bibliothèques de Paris ne propose toujours aucun de mes livres…
– Le 15 juin 2012, parution de la critique de Mehdi Hachemi (l’ancien libraire de Bluebook) dans Qweek du mois de juin. Mehdi avait jadis chroniqué Karim & Julien.
– Le 20 juin, miracle, je suis invité à participer à une émission en direct de France Inter qui aura lieu lundi 2 juillet à 12h : Le débat de Midi, de Thomas Chauvineau. Ce sera la première de cette série d’émissions d’été. Je suis très impatient, d’autant plus que l’incontournable Éric Fassin en sera, ainsi que Sophie Cadalen et Robert Macia, que je ne connais pas. L’émission s’est bien passée, je n’ai pas trop bafouillé, et ai pu m’exprimer (pas autant que j’eusse aimé bien sûr, mais patience…) et échanger cordialement avec Éric Fassin, qui semble pour l’instant fixé sur le fait qu’il faut le mariage avant de commencer à réfléchir à autre chose… il reste encore quelques mois pour le convaincre (et vous convaincre peut-être !) Dans les jours qui suivent, alors que la tribune dans Le Monde avait entraîné des kyrielles de réactions sur le Net, l’émission de France Inter n’entraîne pas un seul billet — et pas une seule commande de livre !
– Le 2 juillet itou, paraît le n° d’été du magazine gai LOM magazine. Mon livre a droit à une pub gratos (merci !), mais n’a pas encore été lu (à quoi servent donc les exemplaires de presse ?) Par contre, Jonathan Denis s’esbaudit sur une page entière à propos du joli footballeur qui a fait la une de Têtu le mois précédent (c’est bien gentillet Jonathan, mais consacrer deux pages à un mignon minou va de pair avec le fait de ne pas consacrer deux pages à un vrai débat social et à la culture…), et Erwann Le Hô nous propose un article intitulé « Sachons inventer l’après-mariage ! » dans lequel il ne dit pas un mot de mon livre (dont le titre aurait dû l’interpeller vu le sujet de son article), et parvient à écrire, je cite, que : « les intellectuels homosexuels majeurs (comme Jean Louis Bory ou Guy Hocquenguem) ont commencé à défendre l’utopie d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe. » Comme récupération, c’est pas mal (voir la citation anti-mariage de Bory dans mon article en cliquant sur son nom). Inutile de se demander si ce responsable d’un centre gay et lesbien aura l’idée de m’inviter pour un vrai débat sur la question…
– Le 11 septembre 2012 la sénatrice Esther Benbassa a organisé un « débat » (sic) au Sénat avec toujours les mêmes, Éribon et Mécary (qui est bien sûr présentée comme « avocate », et non pas élue de la même couleur que la sénatrice…)
– Le même jour, mon livre est signalé par Livres hebdo dans un article recensant les ouvrages récents parus sur mariage et homoparentalité, en ces termes : « Lionel Labosse a préféré lancé (sic) la piste d’un nouveau type d’union, sans prise en compte du sexe et du nombre dans contractants, dans Le contrat universel : au-delà du mariage gay (Poil à gratter, avril 2012) ». (re-sic).
– Le 12 septembre, le site de L’Express publie un article de Julie Saulnier dont le titre est inspiré de mon bouquin, ou plutôt de mon article du Monde : « Du mariage au ménage à trois ? ». Extrait : « Ménage à trois rime-t-il nécessairement avec polygamie ? "N’y a-t-il pas un abîme entre condamner la polygamie sexiste et cantonner au nombre de deux les unions légales ? " s’interroge Lionel Labosse, enseignant et écrivain, dans les colonnes du Monde. Et de conclure : "Un contrat universel rendrait possible des unions dans lesquelles chacun des contractants serait à égalité avec chacun des autres." ».
– Le 21 septembre paraît un article du Figaro signé Raphaël Stainville : « Les surprenants opposants au mariage gay ». Je n’y suis pas cité, mais je ne suis plus seul !
– Le 26 septembre, une courte interview pour l’émission de France Culture Du Grain à moudre, consacrée à l’« homoparentalité ». Il s’agit du « contrepoint de Julie Gacon », que l’on peut écouter sur le lien précédent. L’entrevue a eu lieu à la librairie Les Mots à la Bouche, où a été prise la photo visible sur le site de France Culture.
– Le 5 octobre, Libération publie une tribune de Benoît Duteurtre « Pourquoi les hétéros veulent-ils marier les homos ? », qui reprend celle qu’il avait déjà publiée le 2 juin 2004, et que je commente amplement dans mon livre. Le 10 octobre, il a droit à une volée de bois vert de Yannick Barbe, présenté comme « rédacteur en chef et cofondateur de Yagg.com » : « M. Duteurtre, gardez votre placard ! ». Où l’on voit que de prétendus journalistes de médias gays n’informent pas leurs lecteurs de la diversité d’opinions des gays, qui sont… leurs lecteurs ! Ce prétendu journaliste n’agit pas en responsable d’un média, mais en lobbyiste. Oublierait-il que son site fonctionne avec les revenus de la pub, et que, à force d’insulter une partie du public gay (en prétendant qu’il l’insulte !), il risque de perdre ce public, et de décourager quelques annonceurs ! A-t-il oublié que Benoît Duteurtre, moi-même, et des dizaines de milliers d’altersexuels qui ne pensent pas comme lui, sont aussi de possibles consommateurs de la soupe qu’il sert sur son site ? Je lui réponds le 12 octobre, dans cet article : « Pissotières ou jarretière, faut-il choisir ? », et propose un débat contradictoire le 14 octobre. Il ne relève pas le gant.
– Mercredi 10 octobre, voilà que je suis convié par une commission de députés UMP à une « audition groupée d’associations et de personnalités engagées en faveur du mariage gay ».
Les contributions pourraient « permettre aux députés du groupe
de travail de mieux appréhender la conception de la famille qui sous-tend
les revendications des personnes engagées en faveur du mariage gay ». Les quatre députés responsables de
ce groupe de travail sont Mme Claude Greff, MM. Jean Leonetti, Hervé Mariton et Yves Nicolin ; était également présent M. Xavier Breton. Les trois personnalités du monde associatif présentes à mes côtés sont Catherine Michaud, de Gay Lib, Nicolas Gougain de l’Inter-LGBT, et Stéphane Corbin, porte parole de la Fédération LGBT. Voir une trace de cette audition sur ce site. Le débat est bien mené, et, après les trois interventions absolument similaires de mes trois voisins, je peux exposer en 10 minutes mes idées discordantes. Je remercie les députés UMP de permettre un débat qui n’a pas été possible dans le milieu gay. Le représentant de la fédération LGBT qui s’est exprimé avant moi venait de dire qu’il était le porte-parole de 120 centres LGBT en France. Aucun de ces 120 centres, fais-je remarquer, n’a daigné organiser de vrai débat ; aucun ne m’a invité depuis six mois que mon livre est sorti (ou d’autres altersexuels réticents devant le « mariage gay »), et ces gens se permettent de parler en mon nom et au nom de tous les altersexuels ! Bref, il est tristement significatif que ce soient des parlementaires UMP qui permettent ce débat. Le débat néanmoins a été courtois et de bonne tenue. Le risque évident serait que des députés instrumentalisent mon discours, mais compte tenu de la teneur de mes propos, cela me semble improbable. Le débat s’est d’ailleurs clos de façon inattendue, sur une question de Xavier Breton, interpellant nos camarades militants sur la possibilité d’unions à plus de deux. Catherine Michaud réagit alors vivement : pour elle, il était hors question d’envisager une telle possibilité, le mariage, ce n’était pas la polygamie. Xavier Breton faisait remarquer qu’il n’avait pas parlé de polygamie, mais éventuellement de trouple. Amusé de la situation, qui voyait des militants prétendument LGBT (en l’occurrence, il est vrai, une militante de droite de « Gay Lib », ce qui exclut les bis) défendre une position réactionnaire face à des députés de droite qui les titillaient en affectant une position révolutionnaire, je déclarais que cette position me scandalisait (le fait que des gens s’exprimant entre autres au nom des bisexuels, puissent à la fois réclamer le mariage au nom de l’« égalité », et exclure a priori toute union à plus de deux) ! Bref, on n’a pas fini de rigoler. Dans l’immédiat, je pense que Têtu va peut-être enfin se sentir obligé de cesser de boycotter mon livre et le courant de pensée que je représente. Cela ne m’étonnerait pas que l’on ridiculise ma position, non pas en réfutant mes arguments et mon livre sur le fond, mais en citant de façon isolée et caricaturale, telle ou telle phrase que j’aurai pu prononcer lors de ce débat. J’espère me tromper, mais je n’attends plus rien des apparatchiks LGBT depuis longtemps (Louis-Georges Tin mis à part, dont je m’étonne qu’on ne lui demande jamais son avis sur la question du mariage). Puissent-ils me donner tort !
- Le 19 octobre 2012, Yannick Barbe ni personne parmi les partisans gays du mariage n’ayant eu le courage de répondre à ma proposition de débat, je publie ce Communiqué de presse.
– Le 3 décembre 2012, Romain Vallet mentionne brièvement mon essai dans un article sur le site heteroclite en ces termes : « Enseignant et gay, l’essayiste Lionel Labosse s’irrite au contraire de voir la monogamie érigée en unique horizon désirable des homosexuels : il a fait paraître en avril dernier Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay », dans lequel il estime que le mariage est un « piège » pour les couples de même sexe et plaide pour la création d’« unions dans lesquelles chacun des contractants serait à égalité avec chacun des autres ». Et si sa voix est actuellement minoritaire, nul doute que ses réflexions alimenteront les débats de l’après-mariage. » Voix minoritaire, c’est vite dit. Voix censurée serait plus juste. Enfin saluons ces quelques lignes qui brisent l’omerta dans le milieu gay.
– Le 5 décembre 2012, interview par Mathilde Bourge, étudiante au CFJ (centre de formation des journalistes), qui avait assisté à l’audition UMP.
– Le même jour, le site des « matriciens » met en ligne un collage des articles du Monde, plus de six mois après leur parution, en tentant d’assimiler mes prises de position aux leurs : « vers la Famille Choisie Associative ». En six mois, il semble que ces militants anonymes n’aient pas encore eu le temps de lire mon livre. La France est un grand pays d’intellectuels. Puis-je me permettre de signaler qu’en plus d’écrire des livres, j’ai pour ma part publié sur ce site plus de 500 critiques de livres depuis 2005 ?
– Le 19 décembre 2012, l’interview de Mathilde Bourge est reprise et modifiée sur le site réponse à tout.
– Le 20 décembre 2012, Courrier International titre « Mariage non merci ! », et consacre un dossier à des articles de différentes origines qui critiquent le mariage et constatent son obsolescence. Je vous recommande entre autres p. 18-19 un article de Thijs Kleinpaste et Jorrit Nuijens paru dans NRC Next (Amsterdam) : « À bas le mariage civil ! » : « personne ne semblait ni ne semble encore se soucier des inégalités fondamentales qui persistent entre les personnes en couple et les célibataires. […] Une politique neutre vis-à-vis de l’état civil est plus équitable vis-à-vis des célibataires et des personnes qui n’optent pas pour le mariage classique parce qu’ils trouvent plus agréable de vivre ensemble autrement ». L’article commence d’ailleurs par remarquer que le mariage entre personnes de même sexe existe déjà depuis 11 ans aux Pays-Bas… Faudra-t-il dix ans avant qu’on ait le droit d’avoir de telles idées en France ?
– Le 12 janvier 2013, nouvel article de Benoît Duteurtre dans Marianne : « Un idéal petit-bourgeois ». En mai 2013, parution d’un livre intitulé Polémiques, éditions Fayard, où l’écrivain revient sur cette polémique. Voir un extrait sur le site Culture & Débats.
– Mon dernier article avant l’adoption de la loi est publié par le site Atlantico le 24 janvier. Ironie du sort, c’est grâce à une journaliste indépendante qui m’avait interviewé pour Têtu ! Des centaines de courriels, de courriers, de coups de fils, pour arriver à publier deux articles dans la presse nationale en un an !
– Le 29 janvier 2013, excellente tribune de Nathalie Heinich : « Mariage gay, halte aux sophismes ». Elle écrit : « il existe des homosexuels opposés à ce projet, par fidélité à une certaine conception de l’identité homosexuelle ». Elle aurait pu aller jusqu’à me nommer ! Parce que les journalistes ont vraiment beaucoup de mal à les /nous trouver… beaucoup, beaucoup de mal…
– Le 31 janvier, excellent article de l’auteur de L’Étrangeté française, « Une fausse image d’Epinal ». Un intellectuel français qui ne pousse pas les hauts cris devant l’idée de polygamie… On se sent moins seul !
– Le 27 juin 2013, je publie un article-bilan : « Et si le « mariage gay » était le révélateur des défauts du mariage ? ».
– Le 20 septembre 2013, publication dans Le Monde d’une pétition : « Prostitution : mobilisons-nous pour une loi d’abolition ! », signée quasiment uniquement par… des parlementaires (et d’un article similaire dans Libé. Grand mélange habituel, mais qui se veut compatissant pour ces victimes du « système prostituteur », avec quelques mesures qui font passer la pilule, comme celle qui est placée en tête de gondole pour racoler l’indécis : « l’abrogation du délit de racolage ». C’est un produit du site http://www.abolition2012.fr/ dont l’intitulé ressemble comme deux gouttes d’eau à un site de racolage pour les élections municipales de 2014. Si je l’indique dans cet article, c’est que l’abolition de la prostitution constitue une suite logique à la promotion du mariage pour les gays. Parions pour la suite : fermeture des backrooms, interdiction du porno ? Personnellement, j’aimerais qu’on lance une autre pétition : peine de mort pour les maquereaux de l’édition, je veux dites les « auteurs » qui monopolisent indûment les étals des librairies et les médias alors que ce sont des « nègres » qui ont écrit leurs livres. Comme les politicards, les journalistes et bien sûr les grands éditeurs sont les premiers coupables de ce genre de délit, il y a peu de chances de voir une telle pétition dans Le Monde, truffé de pubs pour ce genre de bouquins bidons. Et à l’instar de la Suède qui aurait aboli la prostitution, il doit bien y avoir des pays où l’utilisation de « nègres » est abolie ! Et j’en ai d’autres : abolition de la fraude fiscale : combien de députés signataires ? Abolition de la consommation d’héroïne, de crack, de haschich ; abolition du vol, du paupérisme, et bien sûr du divorce ! Etc. Et puis, mesdames et messieurs les abolitionnistes, allez, mettez-vous à la place d’un ou d’une jeune étudiant(e) pauvre mais bien foutu(e). Alternative cornélienne ; dilemme, ou plutôt trilemme, puisque trouple il y a : pour gagner 1000 € par mois nécessaires à sa survie dans notre contexte de hausse des loyers délirante ; choix n° 1 : travailler dans un resto ou un magasin trois soirs et un samedi chaque semaine. Choix n°2 : passer une seule nuit rémunérée par mois dans le lit d’un député PS ou UMP, tous frais payés, dans un grand hôtel à Zurich ou à New York ? Choix n°3 : dealer un peu de coke dans la fac où il/elle travaille, auprès des étudiants des beaux quartiers. Au choix ! Une tribune de protestation contre cet abolitionnisme opportuniste a été publiée le 24 septembre par Libération.
– Le 25 septembre 2013, (trop) brève participation à l’émission Service public de Guillaume Erner, sur France Inter : « Le couple ne passera pas par moi ! », avec Marie-Hélène Bourcier, laquelle semble toujours ignorer que le mot altersexualité est une autre traduction possible du mot « Queer », pour lequel elle propose uniquement « transpédégouine » (voir la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada)… Je n’avais été invité à participer que par téléphone ; on m’a évacué après deux petites questions-réponses, sans que je puisse répliquer à Marie-Hélène Bourcier, qui s’est empressée de balayer ma proposition de « Contrat universel », figée dans sa posture queer ultra : « Je me demande si ce n’est pas une version appauvrissante du projet (quel projet ?) […] Là il y a le côté universaliste français […] Ça c’est une opposition qui ne m’intéresse pas ». Mais la che guevara Queer répondait ainsi à la dernière question de l’animateur : « Ce que je trouve désolant c’est que pendant ces mois interminables de débat sur le mariage gay, on n’ait pas parlé d’autre chose. Y a énormément d’homosexuels, de queer, etc., qui ne se reconnaissent pas du tout là-dedans », ce qui est à peu près mon discours ! Décidément, entre les « homonormatifs » d’un côté comme elle dit, et les ultra-queer bouchés de l’autre, difficile de débattre.
– En mars 2014, publication d’une entrevue pour la revue S !lence dans son n° 421 consacré aux « amours libres ». La journaliste m’a contactée après avoir entendu l’émission ci-dessus.
© altersexualite.com (sans s ni accent), 2012.
P.S. L’illustration de cet article est tirée de cet article. C’est un montage de Jacques Raffaelli à partir d’une affiche de propagande soviétique.
[1] Même quand je vends quelques livres aux librairies, je perds de l’argent, sans compter le temps perdu, entre les coûts de fabrication, de port, et les impôts, sauf en vente directe, mais depuis la parution, deux d’entre vous seulement, chers lecteurs, m’ont commandé ce livre directement par le site… Quant aux ventes par des libraires, elles se chiffrent pour l’instant (au 10 juin) à une centaine, car pour des raisons évidentes il n’y a pas de piles de ce livre dans les librairies !
[2] Je ne parle pas des 19 « réactions » anonymes, pour la plupart sans intérêt. Il me semble indigne d’un grand journal de publier des réactions anonymes à un texte écrit par un intellectuel qui s’engage et signe de son nom. Si les crapauds veulent baver, qu’ils signent leur bave ! J’en atteste cette citation d’Arthur Schopenhauer : « De même que la police ne permet pas qu’on aille masqué dans les rues, elle ne devrait pas permettre qu’on écrive anonymement. Les journaux littéraires anonymes sont tout spécialement l’endroit où l’ignorance juge impunément le savoir, la sottise, l’intelligence, où le public est impunément trompé. […] Attaquer anonymement des gens qui n’ont pas écrit anonymement est une chose manifestement infâme. […] Aussi ne devrait-on mentionner un critique anonyme, même cité en passant et en dehors de tout blâme, qu’en lui accolant ces épithètes : « Tel lâche coquin anonyme », ou : « Le gredin anonyme masqué de ce journal », etc. (extrait de Parerga, in Insultes, éditions du Rocher, 1988, p. 39. Le traducteur n’est pas mentionné.)
[3] Comme il le reconnaît le blogueur trouvera des éclaircissements dans mon livre ; mais pour donner un élément de réponse supplémentaire, il se trouve que dans le supplément luxueux vendu avec le n° du Monde dans lequel figurait cet article, on pouvait lire un article de Christophe Donner, dans lequel il évoquait un trouple en ces termes : « J’étais copain avec Patrick Pen, qui avait à peu près mon âge et qui était l’amant de François (Reichenbach) mais il sortait en même temps avec une fille qui travaillait au Cherry Lane […] Tous les trois n’arrêtaient pas de se courir après […] c’était une histoire d’amour. » Or donc, ledit Patrick Pen répond-il à la définition de « bi » ? Aimait-il un homme et une femme à la fois ? S’il lui était venu l’envie de se marier avec les deux, la loi qu’on nous promet et promeut actuellement l’autoriserait-elle ? Une loi qui interdit à un bi de type simultané de se marier avec les deux personnes qu’il aime est-elle respectueuse de tous les bis ? CQFD. Qu’il existe des bis de type alterné et qui rêvent de se faire violence en s’engageant pour la vie, j’insiste sur ce point, dans un mariage avec une seule personne d’un seul sexe, c’est leur droit le plus absolu, mais ces bis peuvent-ils refuser à d’autres bis qui auraient envie de s’engager pour la vie à la fois avec un garçon et une fille, de convoler avec les deux ? Enfin, de même qu’il existe des homosexuels homophobes qui n’aiment pas tel ou tel type d’homosexuel, pourquoi n’existerait-il pas des bisexuels biphobes, qui refusent, méprisent ou nient l’existence d’autres types de bisexuels ? Mais mon livre propose bien d’autres exemples…
[4] Le fait que dans les commentaires d’un article portant sur le « mariage gay » on en arrive rapidement à évoquer la zoophilie pour discréditer l’idée peut être considéré comme une variante du point Godwin.
[5] Il convient de rappeler le précédent du débat sur le TCE en 2005 : déjà à l’époque, Libé avait publié un article qui avait provoqué un tollé : « Les associations homo votent oui à la Constitution de l’U.E. ». Déjà à l’époque, les mêmes « gays de garde » expliquaient au gay de base ce qu’il fallait penser, puis il y a eu un vrai débat… Voir mon billet d’humeur à ce propos.
[6] Le hasard (décidément…) fait que le pavé de Charles de Coster a aussi fait partie de mes lectures de mai dernier. Je n’ai pas fait d’article, mais ai inclus une citation ici. Till Ulenspiegel est un héros qui brave courageusement les Espagnols et les papistes, et qui œuvre pendant des années pour venger l’exécution de son père, victime de calomniateurs. Rien à voir avec le titulaire de ce pseudonyme.