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Homoparentalité, une génération témoigne. À partir de la 4e.
Nous, enfants d’homos, de Stéphanie Kaim
Éditions de La Martinière, 2006, 174 p., 13,9 €.
jeudi 5 avril 2007
Si la mention dès le titre du terme réducteur à la mode d’« homoparentalité » pouvait faire craindre le pire, Stéphanie Kaim nous propose en fait un ouvrage remarquable alliant témoignages et réflexion de fond. Où l’on découvre que, en dépit des difficultés, ces familles non-strictement hétérosexuelles sont peut-être le germe d’une véritable révolution sexuelle.
Stéphanie Kaim n’abuse pas du mot « homoparentalité », et utilise parfois le terme moins médiatique mais plus juste dans certains cas, de « Coparentalité » (p. 10) (on suggère « alterparentalité »). Les témoignages sont variés, même si on pourrait faire d’entrée quelques reproches. Le reportage est limité d’une part à la Californie, d’autre part à la France, mais surtout Paris et les grandes villes, ce qui concentre le regard sur des milieux militants pas forcément représentatifs. L’effet loupe est redoublé par certains oublis. Qu’en est-il de ces nombreux homos mariés de l’ancienne génération qui ont révélé leur homosexualité sur le tard à leurs enfants ? Qu’en est-il des transgenre, qui font que, né de parents hétérosexuels, l’enfant se retrouve avec des parents de même sexe ? Ou encore de ces couples hors-normes constitués d’un(e) homo et d’un(e) hétéro, qui construisent sciemment une famille, et vivent une sexualité libre en parallèle à la parentalité ? C’est pour eux notamment que le terme « homoparentalité » ou « enfants d’homos » se révèle absurde ! Voir à ce sujet le recueil de nouvelles Les Petites déesses, de Francesca Lia Block, ou cet article d’Éric Verdier. Enfin, si on ne peut pas reprocher à l’auteure de donner une vision trop idyllique, on s’étonne de ne pas trouver de cas où le projet de « coparentalité » s’avère un échec cuisant, notamment pour l’homme qui se trouve évincé de façon parfois violente. Une sorte d’omerta éloigne ces loupés des loupes médiatiques. L’auteure évoque quelques cas de séparation de couples, mais on pourrait lui reprocher d’avoir évité ces cas dramatiques qui font tache et pourtant existent, à côté de ces enfants élevés par des « communautés de lesbiennes » étasuniennes. Les chiffres sont fort variables, justement selon qu’on considère seulement l’homoparentalité militante, ou bien toutes les familles altersexuelles au sens le plus large. Aux États-Unis, l’ampleur du phénomène lui a valu le nom de « gayby boom » (p. 11). Au-delà de ces petites querelles d’images, Stéphanie Kaim garde son esprit critique, et signale fréquemment ses doutes sur la sincérité des témoignages recueillis. Elle parle d’« enfants poster » (p. 143), sur qui pèse la charge de rassurer la société sur la valeur morale de ces familles, et qui militent aux côtés de leurs parents sans se permettre le moindre propos dysphorique : « [Samantha] me fait l’effet d’une surdouée de l’homoparentalité qui me récite un discours bien rodé » (p. 27). Cette Samantha a été élevée avec l’image d’un père violent, qu’elle n’a plus vu depuis l’âge de 2 ans. Dans les familles traditionnelles aussi, il est difficile de s’en tenir après une séparation, à une seule version ! La possibilité novatrice de la « délégation provisoire d’autorité parentale » est signalée (p. 47, p. 85). L’auteure fait le point sur les hypocrisies actuelles en matière d’adoption ou de procréation assistée, consistant à les refuser aux homos en couple sous prétexte d’un freudisme mal digéré (« scène primitive » (p. 24) ou « choix de vie » (p. 52)).
Les témoignages sur le ressenti des enfants fourniront de bons conseils, et rassureront les sceptiques. Ces enfants éprouvent parfois des difficultés psychologiques, mais pas plus insurmontables que ceux de couples traditionnels. Au contraire, ils peuvent retirer certains avantages de la situation. « Faut-il [...] « avouer » à un enfant qu’il a été conçu avec le sperme d’un inconnu ? » (p. 67) L’auteure compare les différentes options légales en Europe et aux États-Unis. La partie la plus novatrice de l’essai est le chapitre III, qui montre la révolution latente derrière ces nouvelles formes de famille : « Les homoparents, en bouleversant la dichotomie père/mère, contribuent à destabiliser la notion de genre » (p. 100). On est loin des premiers militants qui caricaturaient les rôles hétéros pour rassurer la société : « Le problème pour un enfant d’homo est que chaque signe de confusion ou de trouble dans son parcours risque d’être attribué à la sexualité de ses parents » (p. 124). La tendance actuelle serait plutôt à s’affranchir de cette charge, et on s’en réjouira. Les enfants témoignent de leur libération par rapport aux normes, grâce à leurs parents. Par exemple Thomas : « Le modèle de sexualité des homos me plaît. Ils ont une sexualité beaucoup plus libérée que les hétéros » (p. 129). À tel point qu’une question se pose : « Un enfant d’homo fait-il partie de la communauté gay au même titre qu’un homosexuel ? » (p. 134). Dilemme symbolisé par le cas d’Arthur, exclu d’un festival réservé aux femmes alors qu’il avait onze ans ! La réponse qui ressort des réflexions de l’auteure est évidemment positive, raison de plus pour nous de remplacer le terme réducteur « homoparentalité » par celui bien plus large de « familles altersexuelles », qui inclut les parents transgenre, et surtout renoue avec cet esprit de libération sexuelle trop souvent gommé pour des raisons de respectabilité ! J’irais plus loin en incluant dans cette appellation les familles au sein desquelles l’un des membres altersexuel, parent ou enfant, est pleinement accepté et entraîne une ouverture à la diversité sexuelle de toute la famille. Voici donc un excellent ouvrage à proposer dans les CDI pour faire le point sur ce sujet d’actualité.
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
– Voir notre article qui traite de la question de l’altersexualité et de l’« homoparentalité ».
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