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Cannabis, alcool et cinéma, pour le lycée

Troubles, de Claudine Desmarteau

Albin Michel, Wiz, 2012, 192 p., 12 €.

samedi 29 décembre 2012

Alternant comptes-rendus de films célèbres et une sorte de journal d’ado écrit en style ado cru (notamment question sexualité), ce récit tente de nous mettre dans la peau d’un(e) lycéen(ne) en première, qui passe sa vie avec ses potes, à fumer des joints et boire de l’alcool. En plus, il/elle mate des films, surtout attiré(e) par la sexualité, mais bizarrement, jamais des films pornos sur Internet, uniquement des films de cinémathèque, commentés comme des films pornos. Tout cela nous mène à un drame final. Un livre vite lu, vite oublié. Ah oui, l’intérêt pour notre site est qu’il est un peu question de boucs émissaires et d’homosexualité.

Résumé

Camille a un pote, Fred, dans sa classe, en première. Camille a l’air sérieux, travaille, tandis que Fred fume des pétards à longueur de journée. Ils habitent Paris, dans le XIe. Les journées se passent de visionnage de films en consommation assidue (pour Fred) de pétards et contrôles de flics ; les soirées, de sorties dans des fêtes foireuses en révisions et en films pour Camille, tandis que Fred semble encore plus paumé. Les parents de Camille se sont séparés, mais cohabitent à cause du prix des loyers. Camille ne croit pas aux « contes niaiseux » de la réconciliation, contrairement à son petit frère. Les profs au lycée sont soporifiques, comme un certain M. Bideau. Camille l’imagine excité sexuellement par des « baby-dolls », « ados déguisées en petite fille modèle un peu salope » (p. 66). Il ne se passe pas grand chose à part le drame final un peu téléphoné ; Camille chronique le temps qui passe, vitupère l’époque à son niveau, évoque l’inflation de la présence de clochards dans son quartier (Bastille), l’interdiction nouvelle de la consommation d’alcool en public, les arrestations de jeunes fumeurs de joints engendrées par la politique du chiffre, etc. Il paraît qu’un élève « en est une », « Une tarlouze. Un pédé » (p. 73). De cet élève il ne sera plus question, mais Camille remet en place Paul, qui relaie cette rumeur :
« — T’as peur qu’il te mette la main aux couilles ?
— J’ai pas peur, je dis juste que s’il fait ça, je lui fous mon poing dans la gueule.
— T’as peur de bander, s’il te met la main aux couilles. Avoue.
— N’importe quoi. Tu fais chier, Camille. On peut pas discuter, avec toi.
[…] La rumeur est un ballon de baudruche. Tout le monde souffle dedans. Chacun y injecte ses miasmes et ses aigreurs. Elle enfle, elle explose ou se dégonfle. Elle est incontrôlable. Elle a des émissaires. J’en connais quelques-uns, quelques-unes. Je les évite comme la peste. »

Le bouc émissaire suivant ne sera pas un homo (enfin, qu’on le sache), mais un gars qui ne se lave pas et pue, et supportera les insultes de ses camarades jusqu’à un certain point.

Mon avis

« J’ai passé deux semaines à essayer de m’expliquer l’intrigue – si on peut appeler ça une intrigue – et puis j’ai fini par comprendre que c’était inutile de ramer pour trouver un lien rationnel entre les scènes. » (p. 108). Ce propos sur un film de David Lynch constitue un miroir qualifiant (notion empruntée à Dominique Maingueneau) : nous voilà prévenus que ce livre sans queue ni tête ne se veut pas « rationnel ». Entre les scènes de vie et les scènes de films, les thèmes s’entrecroisent au hasard. Par exemple le thème de l’homosexualité introduit ci-dessus est repris dans l’évocation de films à personnages homos : « Jim Carrey il avait joué un gay dans I Love you Philip Morris. […] Il faisait sa tournée de promo et sur TF1, il avait chauffé Claire Chazal, en direct […] Comme s’il voulait prouver à la terre entière que c’était bien les femmes, qu’il kiffait. » (p. 137). Le Secret de Brokeback Mountain est évoqué à plusieurs reprises. Les films choisis sont évoqués dans les termes les plus crus : « Et ta queue est tellement douce. Elle me parle quand tu es en moi, elle a une petite voix rien qu’à elle.Tu me prends vraiment » (p. 150).
Comme dans un certain nombre de livres (Cf. L’âge d’ange, d’Anne Percin, par exemple), le narrateur a un prénom épicène, et sauf inattention, je n’ai relevé aucune mention de genre grammatical, ce qui fait qu’on ne sait pas (sauf erreur de ma part, je le répète, dans ce cas, envoyez-moi un message pour que je rectifie) si c’est un garçon ou une fille. Son « pote » Fred, en tout cas, n’envisage pas Camille comme une fille, et lui confie tous ses problèmes de cœur et de bite (pardon, je cause comme le livre !) : « Et je ne pouvais pas penser à elle sans avoir une gaule d’acier » (p. 44). Quand Fred lui demande : « Tu préfères les filles ou les garçons ? » (p. 145), Camille botte en touche. Mais plus tard, quand Delphine lui « chatouille les orteils et [lui] caresse le mollet », Camille trouve ça « Pas désagréable du tout » (p. 153). En fait, pour ma part, je n’ai trouvé ce livre, qui ne m’a guère chatouillé le cervelet, ni agréable, ni désagréable. Autant la sexualité est un thème qui m’intéresse intellectuellement (vous n’êtes pas sur le site altersexualite.com pour des prunes), autant la lire traitée de cette façon grossière ne m’apporte rien. Je préférerais que le narrateur mate carrément des films pornos, plutôt que de se donner cette aura cinémathèque. Mais chacun ses goûts… Attention, il y a aussi quelques passages fort châtiés, et fort réussis, comme celui sur la rumeur cités ci-dessus.

 Lire l’article de Jean-Yves Alt sur ce livre.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Le site de Claudine Desmarteau


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