Accueil > Livres pour les jeunes et les « Isidor » HomoEdu > Fictions niveau 5e > En cas d’absence, de Frédérique Niobey & Corinne Mercadier

La mère qu’on voit danser, pour les 5e/4e

En cas d’absence, de Frédérique Niobey & Corinne Mercadier

Éditions Thierry Magnier, collection « photo roman », 2008, 90 p, 13 €

mercredi 17 février 2010

Dans la logique de la collection « photo roman », voici un texte court sur un thème simple — le recherche de la mère — qui tient moins du récit que du poème, voire du monologue à tenter en club théâtre. Ce n’est pas une œuvre inoubliable, mais les adolescents y trouveront de quoi passer une heure agréable, et peut-être le goût de la création photographique.

Résumé

Martin Pritski reçoit un courriel grâce à son blog, mais pas n’importe quel message : c’est sa mère, dont il souffre de n’avoir aucune nouvelle depuis très longtemps. Bouleversé, il hésite à répondre pendant une nuit d’errance, et en profite pour dévoiler ses états d’âme dans un monologue poétique. Il avait participé à un atelier photo dans son lycée sur le thème des souvenirs d’enfance, et ses clichés avaient été remarqués lors de l’exposition finale ; il les avait mis sur son site à dessein. Il n’avait pas pu retrouver de photos de son enfance, et avait recréé cet univers dont il n’avait quasiment aucun souvenir au moyen d’objets, notamment la robe de mariée de sa mère, qu’il enfile en cachette avant de plonger dans la mer : « Je plonge, ou plutôt je me laisse couler, je me recroqueville au fond, un jour j’ai été comme ça, dans toi, j’ai été porté dans l’eau de ma mère pendant neuf mois nous avons été l’un dans l’autre, rien ne nous séparait et je ne m’en souviens pas. / Je ne me souviens de rien de toi avec moi. » (p. 31). Il finit par trouver une photo — qui sera la dernière du livre, montrant une partie du visage de sa mère.

Photo © Corinne Mercadier : série « Une fois et pas plus »

 Une des photos de la série « Une fois et pas plus ».

Mon avis

Ce texte est très court ; on peut le considérer comme un poème en prose plutôt qu’un récit. L’histoire est est un simple prétexte pour évoquer le personnage de la mère et les souffrances d’un garçon qui en est privé, et de ce fait se voit bridé dans son développement affectif, à partir d’une série de photos assez disparates, qui se prêtaient donc à ce type de traitement. Si le propos n’est guère original (la mère et la mer (p. 66), un père taiseux, un garçon timide face à une copine compréhensive…), c’est la langue qui peut séduire les jeunes lecteurs. On relèvera de nombreux passages fort réussis, par exemple quand Martin « reproduit » sa mère en photo (p. 47). Les photos peuvent s’interpréter en parallèle au texte (une bouteille à la mer / mère brisée ; le ciel comme absence de mer…)
Si ce livre figure dans notre sélection, c’est parce que le personnage se pose des questions relatives à son genre (il met la robe de sa mère) et à sa sexualité. Il ne s’intéresse pas à la drague mimétique de ses cousins qui « commentent tout ce qui bouge, surtout si ça a des seins » (p. 59). Il a envie d’embrasser une fille enfin (p. 76), mais se demande sans transition « est-ce que je suis un pédé ? » (p. 79), puis il a l’intuition du lien (qui date de Gilgamesh) entre « se battre, aimer ». La question semble venir trop tôt pour lui, car il s’en sort par une pirouette, reprochant à son père son mutisme au sujet de sa mère : « si c’est ça être un homme, ne pas parler, jamais, de ce qui est au fond de soi, les femmes parlent plus facilement, si c’est ça être un homme, non, j’aurais préféré être une fille » (p. 80).
 J’avais lu naguère un roman de Frédérique Niobey : En roue libre. L’histoire d’une adolescente qui s’occupe de sa mère clouée sur un fauteuil roulant, et tente de vivre sa vie malgré cette charge. Elle doit fuguer pour que sa mère lui laisse plus d’autonomie. Je n’avais pas fait d’article, parce que la question de la sexualité était à peine abordée.
Finissons par une remarque sur cette collection récente, dont deux autres ouvrages sont déjà chroniqués ici : Un Amour prodigue, de Claudine Galea & Colombe Clier et Amoureux grave, d’Élisabeth Brami & Philippe Lopparelli. Dans les trois cas, l’auteur s’en est tiré en installant la pratique de la photographie au centre de la narration. Est-ce le cas pour tous les textes de la collection ? Espérons que d’autres auteurs ont donné un statut différent aux photos qu’on leur a confiées.

 Lire l’avis de Jean-Yves avec des extraits.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Site de Corinne Mercadier : série « Une fois et pas plus »


© altersexualite.com 2010
Retrouvez l’ensemble des critiques littéraires jeunesse & des critiques littéraires et cinéma adultes d’altersexualite.com. Voir aussi Déontologie critique.