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Sensible comme un éléphant, pour les 6e /5e
Le Rire de Milo, d’Églal Errera
Actes sud junior (cadet), 2009, 96 p., 6,5 €.
mercredi 5 mai 2010
Un beau roman court pour les jeunes élèves, qui pose un regard sur un vieux monsieur – surtout pas un grand-père ! – nostalgique du grand amour de sa vie pour Kamel, resté en Égypte, marié et père de famille, mais qui n’a pas oublié son ancien amant. Une réponse inattendue de la littérature jeunesse à ceux qui s’imaginent que l’homosexualité serait propre à l’occident, et n’existerait pas dans les pays de culture islamique ! À ceux aussi qui croient qu’on ne devrait évoquer l’altersexualité avec les élèves qu’à partir du moment où c’est trop tard ! [1]
Résumé
La jeune Irène raconte les mésaventures de Milo, un homme âgé devenu proche ami de sa famille. Rencontré chez une amie commune, c’est la passion de l’Égypte qui a réuni le père d’Irène, fasciné par les pharaons, et Milo, qui a vécu jadis au Caire et y a tenu une librairie. Milo est plein d’une joie de vivre communicative ; Irène le compare à un éléphant, dans cette superbe métaphore : « Il est tellement grand et imposant qu’entre ses doigts, le paquet [de pralines] a l’air d’un bouton de rose dépassant de la trompe d’un éléphant » (p. 19). Un jour cependant cette joie de vivre est balayée suite à un accident qui immobilise Milo. Les parents d’Irène, constatant sa dépression, le recueillent dans l’appartement familial. Irène sent ce vieil ami dépérir. Un jour, il laisse échapper en soupirant le nom de « Samir Kamel » (p. 38). Comme Irène demande qui c’est, il précise évasivement : « quelqu’un de ma famille… et plus encore » (p. 39). Le père d’Irène recherche ledit Samir sur Internet, et finit par partir au Caire avec sa fille pendant les vacances. Leur enquête chanceuse les conduit à Louxor, sur la piste d’un Samir vieillissant et père de famille, très ému de retrouver trace de son vieil ami. Samir ne fait ni une ni deux, il prend l’avion pour retrouver Milo. Au retour à Paris, Irène comprend, au prix d’une discussion avec sa mère, qu’entre les deux hommes il s’agissait d’amour : « c’est beau deux personnes qui s’aiment » (p. 88). Au début, elle n’y croit pas : « On ne peut pas aimer les hommes et les femmes ! » (p. 89) ; mais sa mère lui explique.
Mon avis
Le rire de Milo économise ses moyens pour faire ce portrait émouvant d’une personne âgée qui ose à peine avoir vécu sa vie sentimentale. Il faut un traumatisme pour qu’il ose laisser échapper un indice de sa vie affective. Or, et c’est là tout l’intérêt de l’œuvre, à l’encontre de la condescendance avec laquelle on accueille souvent les confidences des personnes âgées, la famille d’Irène ne fait pas semblant de comprendre l’attente de Milo. Cette amitié active n’est pas sans rappeler Au rebond, de Jean-Philippe Blondel.
On regrettera seulement quelques idées trop appuyées, qui rappellent la leçon de Marcel Proust : « Une œuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix. » (Le temps retrouvé). Était-il besoin de préciser que « l’amitié, c’est tout simplement être avec l’autre, passer de longs moments avec lui, et quand il souffre, l’envelopper comme un nuage de douceur léger et transparent. » (p. 31) ? L’histoire ne le faisait-elle pas suffisamment comprendre ? Quelques invraisemblances peuvent également agacer, comme cette recherche de Samir Kamel sur Internet, alors qu’on apprend que le père d’Irène ne parle pas arabe : comment pourrait-on espérer trouver en anglais un nom aussi banal ? De même, sur place au Caire, ils cherchent « toutes les librairies » (p. 58) du souk, comme si Milo, pourtant totalement conscient, n’avait pu leur donner aucun indice… Et quand Samir décide de les suivre à Paris, on s’étonne de la facilité des démarches ; mais le roman tient du conte ! À part ces menus détails, on se régale avec ce très beau livre, à la fois explicite et pudique, qui permet d’aborder la question de la bisexualité. Encore une fois, ce genre de livre devrait rappeler aux personnes aux idées courtes, qu’aborder l’homosexualité avec les jeunes élèves, ce n’est pas faire du prosélytisme, mais contribuer à leur apprentissage de la diversité du monde qui les entoure.
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
– Lire l’avis de Jean-Yves.
Voir en ligne : Fiche de l’auteur sur le site d’Actes sud
© altersexualite.com 2010
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[1] Voir à ce sujet en février 2010 les articles intéressants pour Le Monde d’Aline Louangvannasy et de Gaël Pasquier.