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Tout corps plongé dans un liquide… pour les 5e/4e

Jésus et Billy s’en vont à Barcelone, de Deirdre Purcell

Librio, 2001, 86 p., 2 €.

mardi 2 octobre 2007

Cette nouvelle malicieuse fait partie d’une collection de six ouvrages publiés en Irlande pour « donner le goût de lire à un large public », et dont les droits d’auteurs « sont reversés à des organisations caritatives ». Le mot « roman » est inscrit en couverture, mais il s’agit bien d’une nouvelle, c’est-à-dire un récit court basé sur un seul événement, tout entier tendu vers sa chute. Malheureusement le mot « nouvelle » ne fait pas vendre en France. Les éditions Librio nous la proposent pour un prix de 2 €, ce qui semble plus correct que certains éditeurs jeunesse qui parviennent à proposer à 8 € des textes à peine plus longs. Eh oui, derrière le critique, le contribuable sommeille, car ces ouvrages sont souvent achetés avec l’argent public ! L’absence de mention de la fameuse Loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse a sans doute permis de publier en 2001 ce joli texte qui contient l’un des plus beaux baisers entre deux garçons de notre sélection !

Résumé

Billy est un Irlandais de 16 ans, vivant dans une famille modeste, fort angoissé par son hétérosexualité théorique : « Si le fait de s’angoisser à propos des femmes avait été une épreuve olympique, Billy O’Connor l’aurait emportée haut la main ». Sa sœur Doreen est obnubilée par ses capacités de séduction et son poids. Ses parents Janet et Jimmy se sont sacrifiés pour qu’il puisse participer à un échange scolaire avec Barcelone. Arrive Jésus Martinez, un garçon sublime sous tous rapports, qui ne ressemble pas au correspondant attendu — « Les pauvres aussi peuvent être beaux, tu sais. » — mais qui séduit vite Billy, Doreen, Janet et même Anthony, le meilleur copain de Billy, « tombé amoureux de Jésus » (p. 66). C’est que la jeune fille chargée de répartir les jeunes Espagnols s’est trompée de famille, et Jésus, qui était prévu pour Un William O’Connor d’une famille aisée, se retrouve avec ces O’Connor populaires, mais il refuse de changer lorsque l’autre famille O’Connor, qui s’est rendu compte de l’erreur, demande le retour de son correspondant, tandis que le malheureux Jésus Martinez n°2 maudit terre et ciel et commet un vol pour « se comporter comme on attendait qu’il se comporte » (p. 59). Quand Jésus « passa son bras sous celui de Billy », celui-ci lui dit que « les hommes ne se touchent pas en Irlande » (p. 60). En boîte, il danse avec toutes les filles, « Mais elles étaient toutes d’accord, tout beau qu’il était, personne n’arrivait à le remuer » (p. 70). Billy, à son corps défendant, y parviendra, un peu d’alcool aidant : Jésus le défie dans un corps à corps qui finit en fougueux baiser : « Billy se sentait très, très bizarre. Les sentiments les plus divers se bousculaient en lui. En l’espace d’une ou deux secondes, il se sentit tour à tour excité, piégé, embarrassé, curieux, peureux, honteux, excité à nouveau » (p. 75). Malheureusement, le père intervient et sépare les belligérants, comme on dit. Une fois Jésus reparti, tous les O’Connor ont changé, à commencer par Billy, qui « ne pouvait plus parler de femmes sans se souvenir de la bizarre et étrange douceur du baiser de Jésus » (p. 81). Le père, quant à lui, constate un « vide qui s’était creusé dans son cœur, à l’endroit où auparavant se nichait le sentiment conjugal » (p. 84).

Mon avis

Pour une fois j’ai raconté presque en entier un texte pourtant court. Ce qui compte, c’est la manière dont l’auteure est allée droit vers sa cible, traitant ses personnages comme des cobayes de laboratoire soumis à une modification de leur quotidien. Vu le prix de ce livre, je conseille d’en acheter une série et de le donner à lire en classe. Cela devrait tenir en une heure, et voilà une petite séance sur la nouvelle vite bouclée, avec à la clé des échanges sans doute vifs, tant les portraits brossés de tous les personnages, notamment les adolescents, sont bien vus et sans fioritures. Le mot « homosexualité » ou aucun de ses synonymes ne sont utilisés, car les personnages se situent en-deçà de la notion (Billy, son père) ou au-delà (Jésus). Il me semble que ce texte daté de 1999 va fort loin, et compte tenu de la fameuse « Clause 28 » en vigueur au Royaume-Uni à l’époque, c’était courageux de le publier tel quel. On se félicitera de ce que l’auteure ait laissé Billy en proie à ses doutes, qui ne semblent pas le perturber davantage que son hétérosexualité supposée ne le torturait au début de la nouvelle (ce en quoi c’est une nouvelle, car en un court laps de temps, le personnage passe d’un point A à un point B), sans se vautrer dans le fameux « avoir eu, une fois comme ça, juste par curiosité, une relation sexuelle avec un autre garçon » « ne signifie pas pour autant qu’on est homosexuel », lancé par Dolto et qu’on retrouve malheureusement jusque dans Le Livre des garçons, d’Anne Vaisman. Dieu soit loué, ces O’Connor-là sont trop pauvres pour mener notre Billy à la pédopsychiatre tel le bœuf à l’abattoir !

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Lire, sur « Culture et Débats » le point de vue de Jean-Yves.

Lionel Labosse


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