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« Melon charentais origine Maroc : 1,99 € le pièce »

jeudi 7 mai 2015

Cet article va donner à certains l’impression que j’ai découvert le fil à couper le beurre, mais informera les autres. Je savais vaguement qu’il y avait du champagne californien, mais le mot « champagne » est relativement commun, et puis c’est marqué sur l’étiquette ; des « Laguiole » made in China (voir cet article du Figaro, et tutti quanti ; mais voir affiché brusquement cela en gros dans un Monoprix, ça fait drôle :

Melon charentais origine Maroc
Affichette Monoprix mai 2015
© Lionel Labosse

En effet, ce qui choque, c’est l’aspect réglementaire de ces affiches. La réglementation qui impose de préciser l’origine des denrées n’impose donc pas que cette origine ait un sens ! Et puis, dans ce contexte où l’appellation « socialiste » © a été accaparée par un groupe de com et s’utilise désormais pour désigner le contraire de ce qu’elle voulait dire dans le bon vieux temps, où les chantres de la « démocratie participative » © dudit parti « socialiste » © ne vous consultent même pas pour modifier les bonnes vieilles régions et mélanger la Bourgogne et la Franche-Comté, on peut trouver que finalement, la décentralisation de la Charente entière, avec ses melons, au Maroc, pourrait permettre quelques économies d’échelle… Trêve d’ironie, après une recherche sur Internet, j’ai découvert que ce n’était pas nouveau (voir cet article de Politis). Mais quand même, est-ce qu’il n’y a personne dans la chaîne de prise de décision à Monoprix, pour se dire « Attention, on frise le ridicule, et là, on va choquer quelques clients et risquer d’en perdre deux ou trois » ? Est-ce que, vraiment, ces fabricants de melons marocains en vendent davantage qu’en les appelant tout simplement « melons » ou « melons ronds », origine Maroc ? C’est vrai qu’il n’y a personne non plus pour signaler que « pièce » est un nom féminin…
Au rayon huiles du même magasin, je cherche une huile d’olive. Elles sont toutes estampillées « 1re pression à froid », et alors je regarde les origines. La plupart indiquent « origine Union européenne », et il y a même une marque prétendument bio qui indique – je vous jure que je n’invente pas – « origine Union européenne / hors UE », ce qui est le comble mondial du foutage de gueule : autant écrire noir sur blanc : « allez vous faire foutre bande de consommateurs de mes deux qui avez l’outrecuidance de vouloir savoir d’où vient la merde qu’on vous vend ». Et il y en a qui nous traitent de tous les noms quand on réclame la peine de mort pour les technocrates de l’UE qui rendent cela possible. Mais la peine de mort est un châtiment très magnanime pour de tels crimes contre le sens commun !
On ne va pas en faire (ni en acheter) six caisses. Alors pour conclure, je vous laisse méditer cet extrait de Les Paysans, roman posthume & inachevé de Balzac : « Les Parisiens habitués à manger de la verdure, des légumes qui accomplissent une seconde végétation exposés au soleil, à l’infection des rues, à la fermentation des boutiques, arrosés par les fruitières qui leur donnent ainsi la plus trompeuse fraîcheur, ignorent les saveurs exquises que contiennent ces produits auxquels la nature a confié des vertus fugitives, mais puissantes, quand ils sont mangés en quelque sorte tout vifs » (Les Paysans, I, XIII. « L’Usurier des campagnes »).

En mai, mange le melon qui te plaît !

Lionel Labosse


Voir en ligne : Le melon, plus charentais que Ségolène Royal ?