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Les tickets SNCF, ou l’incompétence à l’état brut.

mercredi 11 novembre 2020

Voici une nouvelle pierre apportée à l’édification du monument glorifiant l’incompétence crasse des décideurs de la SNCF, une des œuvres auxquelles l’artiste qu’est votre serviteur se consacre à temps perdu dans la Rubrique Transports de ce site. Voici un billet de train tel qu’il se présente à notre ère du tout numérique et du tout écolo. J’ai juste réduit les marges blanches, mais c’est une feuille A4 21 x 29,7 que vous imprimez chez vous, en plus ou à la place du ticket numérique que vous utilisez si les pickpockets contre lesquels les haut-parleurs du métro vous mettent en garde à peu près dix fois par jour, ne vous ont pas chouré votre smartphone.

Ticket SNCF : gare "Paris MONT".
© SNCF

Vous pouvez constater que sur cette feuille A4, la moitié du bas ainsi que le quart du haut à droite contiennent une publicité et des informations générales, inutiles à votre voyage. Les informations utiles sont donc concentrées sur le quart en haut à gauche, soit 25 % de la page, premier gaspillage écologique (on pourrait de la sorte imprimer son aller ET son retour sur une seule feuille A4, voire les 4 tickets d’une famille sur une seule feuille recto-verso).
J’avais donc réservé un voyage en train pour me rendre en Bretagne, à Lannion, pendant les vacances de la Toussaint 2020, pour tâcher d’échapper au couvre-feu mis en place par les branquignols qui nous gouvernent, ou plutôt qui nous incarcèrent. Regardons de plus près la partie utile de ce billet, c’est-à-dire le quart supérieur gauche :

Ticket SNCF : gare "Paris MONT". Le quart utile.
© SNCF

Donnons pour commencer la liste exhaustive des points positifs :
 la date est écrite en toutes lettres avec le nom du jour de la semaine (vendredi). On a tellement souvent des incapables qui nous vendent des billets ou nous délivrent des convocations pour le 12/11/2020, sans préciser le jour de la semaine, source de confusions, oublis ou erreurs, surtout qu’on est obligé, pour bénéficier d’un tarif correct, de réserver plusieurs mois à l’avance, ce qui accentue le risque d’oublier si on a réservé pour un vendredi ou un samedi par exemple. Donc, bravo !
C’est fini, c’était la liste de tous les points positifs prouvant que les décideurs de la SNCF sont conscients des besoins de leurs clients. Passons aux points négatifs :
 Le flashcode prend encore la moitié de ce quart de feuille (alors que les gens concernés ont déjà ça sur leur smartphone). Pourquoi ne pas l’avoir foutu à droite ?
 Conséquence de ce qui précède : le peu d’informations utiles est écrit en tout petit. Donc il faut sortir ses lunettes chaque fois qu’on veut retrouver les infos. Et comme la quantité d’infos est impossible à mémoriser, il faut ressortir le papier et les lunettes (de deux poches différentes) à chaque fois.
 La gare de départ est nommée, je cite : « PARIS MONT 1 et 2 ». Vous notez que ce n’est même pas « PARIS MONTP. » ou même « PARIS MONT. », ce qui montrerait qu’il s’agit d’une abréviation, mais bien « PARIS MONT 1 et 2 », qui entretient l’ambiguïté avec un « MONT » quelconque. Observez bien qu’il y aurait, vu le tout petit caractère, largement la place d’ajouter « PARNASSE ». Mais non, le décideur de la SNCF, énarque ou polytechnicien, a jugé que « PARNASSE » était un gaspillage, donc « PARIS MONT ». Imaginez le ressortissant des Samoa de passage à Paris pour la première fois de sa vie, en transit pour voir un match de Rugby en Bretagne, ce que ça peut lui parler : « PARIS MONT » ? Montmartre ?
 La seule destination de transit nommée est une gare minuscule située dans un trou perdu dont je n’ai jamais entendu parler (comme le Samoan). Elle est de plus, impossible à mémoriser même le temps de lever les yeux, ce qui empêche de la repérer sur le défilant des gares desservies. Dans le temps d’avant, il y avait un panneau, et les noms de toutes les gares étaient fixes. Mais maintenant, ça défile, alors le temps que vous cherchiez ce foutu « ploumachin », vous faites des allers-retours à n’en plus finir entre le défilant et votre papier, avec vos lunettes (où les ai-je foutues) pour vérifier si c’est ploutruc ou plouchose, mais le défilant est passé, et pas de ploutruc, alors vous n’êtes pas sûr que c’est votre train, pourtant il part bien à 11h57… Ce problème serait résolu si le décideur, au lieu de mettre « PLOUARET TREGOR », avait écrit « PLOUARET TREGOR », direction « SAINT BRIEUC ». Là on repère et on mémorise immédiatement la destination finale affichée en gros sur le tableau des départs.
 Absence de la précision « fenêtre » ou « couloir » pour la place. Leurs logos dans les voitures sont incompréhensibles, je suis obligé de me les faire expliquer à chaque fois, et même comme ils sont situés, on ne sait jamais si ce sont les places de devant ou de derrière, alors que « dans le temps » c’était clairement situé dessus la place, et c’était écrit « fenêtre », pas avec un logo gribouillis.

Il semble donc que les décideurs qui conçoivent ces billets n’aient jamais songé qu’il arrive qu’on ait « un train à prendre », et que les impondérables et autres contingences font qu’on soit en retard, et qu’il faille nous aider à voir VITE et SANS LUNETTES les informations importantes, donc écrites de façon claire, nette et précise, et GROS.

Bécassine prend le train

Bon maintenant, je vous raconte ma mésaventure pour prendre ce fichu train. Le départ étant fixé à 11h57, pour un trajet de 3 h, je me suis dit que je déjeunerais à bord du train pour avoir un prétexte à ôter le masque. Mais je suis parti à l’avance, n’étant pas sûr qu’il y ait un wagon restaurant. Je pensais prendre un truc dans un magasin de la gare. Donc j’arrive une bonne demi-heure en avance à la gare… Saint-Lazare. Là c’est à 80 % de ma faute. J’ai compris subséquemment la raison de mon erreur : la dernière fois que j’ai pris le train pour l’Ouest, c’était pour la Normandie. Or pour moi, les Ploucs, c’est très vague, et sans raison, une association d’idée inconsciente s’était faite entre Saint-Lazare et Ouest, donc je ne m’étais pas posé la question. C’est là qu’intervient la bêtise de ces billets : si au lieu de « PARIS MONT 1 et 2 », ils écrivaient tout simplement : « PARIS GARE MONTPARNASSE », et en plus gros, cela aurait eu plus de chance de frapper mon entendement lorsque j’ai acheté le billet. Alors j’arrive à Saint-Lazare, et je regarde le tableau des départs. La scoumounie, cette vieille compagne, fait qu’il y a aussi à Saint-Lazare, un train qui part à 11h57, qui est vous l’avouerez une heure peu banale. Mais la destination de cette gare est une ville que je situe mal dans la géographie française. C’est alors que je tente de trouver la destination intermédiaire de mon trajet, mais il m’est impossible de la mémoriser, et le temps que je ressorte le billet et les lunettes, le défilant a défilé. Impossible d’identifier ce Plou-machin, mais je me dis que je n’ai pas réussi à le voir. Rassuré par l’heure de départ, je me dirige vers les épiceries. C’est alors qu’une lumière s’allume dans mon esprit embrumé. Le mystérieux « MONT » du billet fait enfin un tilt rétrospectif dans mon cerveau. Je ressors à nouveau billet et lunettes, et l’évidence m’apparaît enfin. Je regarde ma montre, et vroum, je me dis qu’il me reste un espoir. Je bouscule et envoie à une mort certaine une dizaine de petites vieilles qui avaient échappé au Covid ; je parviens à réfléchir en courant que la meilleure ligne de métro pour rejoindre Montparnasse n’est pas la 12, dont je viens, mais la 13. Je bouscule encore trois ou quatre mères de famille avec mon sac à roulettes, et je parviens juste à monter dans un métro à quai, les portes se referment sur moi ! Arrivé à Montparnasse, même topo, et comme la gare est en travaux, ce qui réduit la place de circulation, je cours comme un dératé, je vois affiché un train à « 11h 57 », je passe le portillon avec le flashcode, et là, il y a plein de monde, et deux trains de chaque côté. Un contrôleur voit mon air paniqué, et me demande ma destination. Je lui dis que je n’en sais fichtre rien (définitivement impossible de mémoriser ce « Ploumachin-Trucmuche »), et lui montre le billet. Il me dit que c’est le quai de gauche, mais qu’il y a deux trains accouplés, que le mien est le second, que si je n’y parviens pas à temps, que je monte dans le premier, et je n’aurai qu’à changer au premier arrêt. Je cours comme un dératé, bouscule force bigoudens, et j’arrive enfin en vue du 2e train (c’est super long un TGV !). Je vois que c’est ma voiture, la 13 (ça ne s’invente pas !) la première, et de toute façon, ça sonne et ça clignote, et un contrôleur me fait signe de monter et me bloque le passage.

Sauvetage en mer, Ploumanac’h.
© Lionel Labosse

Je suis en sueur, ça va mettre une heure à sécher. Comme lors de mon voyage à Marseille, les porte-bagages sont pleins. Je déplace deux petits sacs que des gens avaient posé en plein milieu, de façon à carrer le mien. Je demande aux gens où est ma place. Un type me hèle du fond du wagon : « Il reste de la place ici ». Je ne comprends pas qu’il veut dire « pour les bagages », et je réponds que je préfère prendre ma place numérotée. Mais je finis par comprendre qu’il parlait de places pour les bagages. Pourtant j’avais demandé au contrôleur, qui m’avait dit qu’il n’y avait plus de place. Bref, tout le monde arrive à caser des sacs dans le moindre interstice (les crétins qui ont géré les trains dans les 30 dernières années sont les mêmes fils de putes que ceux qui ont géré les lits d’hôpitaux), et en voiture Simone. Chance, je tombe sur un « carré » comme indiqué sur le billet, occupé par un papa et deux enfants, mais pas du tout les mômes capricieux qu’on rencontre là où je vis. Ils n’ont pas moufté de tout le trajet ! J’ai fait la queue à peu près une heure au bar, pour faire l’acquisition d’un très bon menu à 19 € je crois, que j’ai bouffé en face de cette famille en m’excusant (mais les rares tables du wagon resto sont interdites). Les gens sont montés au premier arrêt, Rennes je crois, puis descendus à Lamballe, et moi à Plou-truc, avec changement en face pour Lannion, aucun arrêt intermédiaire, voie unique ! Comme je l’ai dit dans mon article sur la Bretagne, certains TGV sont même terminus Lannion, ce qui crée un effet bœuf. Cela m’aurait évité tant d’hésitations.
Bref, dans cette mésaventure je suis à moitié responsable, mais si les informations sur les billets étaient mieux organisées, cela ne ferait pas de mal…

Lionel Labosse