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Les ancêtres de l’homosexualité en BD, pour adultes

Bandes dessinées altersexuelles pour adultes

Introuvables et oubliées : des incunables, entre 1984 et 1997

samedi 15 octobre 2011

À l’heure où j’écris cet article, la rubrique BD de votre site préféré est devenue une ressource relativement riche (mais loin d’être exhaustive), en ce qui concerne les bandes dessinées (et mangas) abordant les thématiques altersexuelles et susceptibles d’être proposées dans un cadre plus ou moins scolaire. Mais la présence de listes ou d’articles sur des sites concurrents et néanmoins amis me pousse à réunir dans cet article quelques impressions rapides sur d’autres BD plus ou moins anciennes et introuvables qui me semblent plutôt destinées aux adultes, souvent ne sont plus disponibles à la vente, mais constituent la préhistoire de l’émergence de ces thèmes dans la BD. Je remercie Jean-Yves de m’avoir prêté trois de ces précieux incunables. Pour plus de précision je renvoie à un article historique et érudit de François Peneaud, daté de 2005, sur le site Actua BD : « Homos en bulles ». Il existe aussi un article de Wikipédia : Homosexualité dans la bande dessinée et une association LGBT BD. Voir aussi une sélection de nombreux albums qui nous ont échappé, sur le site Bdthèque.


Les Chéries d’Hippolyte Romain, est paru en 1984 aux éditions Dominique Leroy. Il s’agit de saynètes d’une page en noir et blanc parues dans Gai Pied. Les scènes se déroulent à la terrasse d’un café, ou bien à la plage, voire en d’autres endroits pour aborder d’autres thèmes, par exemple dans une cour d’école où un enfant dit à un autre : « son père c’est un p.d. », ce qui signifie pour lui « président directeur ». Il est question d’une des premières gay pride, de Fréquence Gaie, mais pas encore du sida. Si la plupart des scènes présentent des gays, les lesbiennes et les hétéros ne sont pas oublié(e)s. Certains propos peuvent être très crus, même si on est, sociologiquement parlant, en bonne compagnie. L’album se termine par des aquarelles pleine page, puis des scènes sans paroles que le lecteur est invité à compléter. Le moins qu’on puisse dire sur le dessin est qu’il ne valorise pas l’esthétique gay de l’époque. Comme le dit un personnage : « mais oui t’es musclé… en attendant, je préférais quand tu étais gros et mou, au moins tu t’occupais de moi ».
 Voir l’article de Jean-Yves Alt.

Le Protecteur, de Frédéric Lère, est paru en 1984 aux éditions Futuropolis. Pour ce livre, je ne saurais mieux dire que Jean-Yves Alt dans son article illustré. Il s’agit d’amours secrètes et contrariées entre une petite frappe un peu intello quand même (affiches de Querelle de Brest de Fassbinder / Genet aux murs de sa chambre), et d’une part un voyou un peu plus âgé, d’autre part un policier homo honteux. Celui-ci surprend le jeune voler des gants dans un magasin : « Tu as un beau sourire gamin, il te donne le droit de voler avec beauté ». C’est le flic qui gagne contre le voyou, mais l’amour n’est pas consommé à la fin de l’album : doit-il l’être ? Le dessin réaliste en noir et blanc convient bien à l’histoire : les deux hommes se rapprochent, mais n’osent aller au bout de leur attirance réciproque. La trahison de Dahlem, qui donne son amant au flic est la base de leur amour, d’où la présence tutélaire de Jean Genet sur tout l’album. Un polar réussi qui pourrait très bien faire partie de la sélection pour adolescents.

Odeur de mâles d’Alain Fretet est paru en 1990. L’éditeur est « CAP », à Ivry-sur-Seine. L’ouvrage bénéficie d’une préface de Bernard Joubert, qui nous apprend que l’auteur a commencé un peu au culot à publier des dessins dans Libération, avant d’illustrer quelques livres pour enfants aux éditions Syros, un de Gudule par exemple. Le livre est atypique, il réunit plusieurs histoires en noir et blanc, sans utiliser de phylactères, mais en juxtaposant texte et dessin. Un mec rêve qu’il baise de façon sauvage avec plusieurs types dans une sorte d’usine désaffectée ; il se réveille auprès d’une « gonzesse que je me suis tirée hier soir » : « si elle savait » ! Deux dealers noirs se font descendre alors qu’ils baisent dans les chiottes réservées aux blancs. Un ado se branle sur les dessins de Tom of Finland ; il fantasme une histoire sombre où il va rechercher sa sœur qui fréquente un mauvais garçon, et devient l’amant dudit voyou. Un beau barbu écrit à sa fille pour la rassurer sur son petit-ami, qu’elle a cru gay. Sa lettre mensongère court en regard d’une scène de baise torride (et superbement dessinée) du père et son futur gendre ! « Itinéraire d’une haine » pour finir est l’histoire d’un garçon, fils de prostituée, prostitué lui-même, qui tue son amant quand il découvre qu’il couche aussi avec des filles, puis s’engage au Viêt Nam pour échapper à la prison, et y trouve la mort.

Blonde Platine d’Adrian Tomine, compile 4 histoires datant de 1998 à 2002. Il est publié en France par le Seuil en 2003 par Vincent Bernière, traduction de Philippe Paringaux (15 €). Il s’agit d’histoires hétérosexuelles, avec quelques allusions altersexuelles. Dans l’histoire intitulée « Blonde Platine », un certain Carlos provoque la jalousie de son voisin en se tapant toutes les filles à sa portée. Il drague deux filles et leur demande de baiser ensemble avant de les « tirer toutes les deux ensemble » (p. 41). Il intensifie la frustration sexuelle de son voisin qui suit une psychanalyse et ne parvient pas à entretenir des relations paisibles avec le sexe opposé. Dans « Escapade hawaïenne », un type se vante auprès d’une fille d’aimer « observer les gens », en l’occurrence « toutes sortes de gens » qui « viennent s’enculer et se branler et tout ça » (p. 77). Le reste de l’histoire est hétéro. Dans « Alerte à la bombe », deux personnages, Scotty et Alex, sont pris pour un couple gay. On les harcèle dans les douches d’un club de sport. Alex, semble refouler son homosexualité. Il fréquente une fille, Cammie, mais prétend ne ressentir aucun intérêt pour le sexe. Il prétend qu’Alex serait sans doute réellement gay, en disant à Cammie que, l’ayant invité à dormir chez lui, il l’aurait surpris à tenter de défaire sa braguette. Il fuit son ami, lequel est exclu du lycée pour s’être défendu d’un nouvel harcèlement homophobe ! Dans son casier, un mot d’Alex : « Je sais combien les blagues sur les « pédés » peuvent être pénibles. Au fait, je ne suis pas très sûr de ce que tu as raconté aux autres, mais nous savons tous les deux ce qui s’est passé cette nuit-là. Plus tard, tu te sentiras gêné et coupable en y repensant mais, pour l’instant, amuse-toi bien. » (p. 122). Sur ce livre, encore une fois, lire l’article de Jean-Yves.

Les aventures d’une étudiante lesbienne de Petra Waldron et Jennifer Finch (48 p., 12 €) a été publié en 1997 aux États-Unis, et repris en 2010 en France par l’éditeur Dynamite, qui semble lié à La Musardine. La traduction est de Jean-Paul Jennequin.

Les aventures d’une étudiante lesbienne
Les aventures d’une étudiante lesbienne, de Petra Waldron et Jennifer Fich

Il s’agit là d’un livre clairement pornographique consacré à l’usage lesbien compulsif du gode-ceinture. Si je le mentionne quand même, c’est qu’il s’agit de l’histoire d’une lycéenne qui s’achète un tel objet et fantasme sur son utilisation, ou l’utilise avec une camarade de classe et une pro-fesse-sœur qui mérite bien son nom, dans un institut catholique (voir illustration ci-dessus, une des rares images montrables du livre !). Cette sœur, prof et bombe sexuelle pratique en effet une punition corporelle dont l’héroïne est aussi avide qu’en fut le jeune Jean-Jacques Rousseau. Tous les personnages sont féminins, et cette BD très provocatrices semble à mille lieues de l’instrumentalisation traditionnelle des lesbiennes pour assouvir des fantasmes mâles.

Lycaons d’Alex Barbier est un ovni, paru en 1979. Voir cet article.

 Parmi les incunables, je ne désespère pas de trouver un jour l’album sulfureux Hitler=SS, de Philippe Vuillemin. Article en cours de rédaction. Bientôt d’autres albums…

Lionel Labosse


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