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Un « notamment » conquis de haute lutte !

Circulaire de rentrée 2008 : la lutte contre l’homophobie enfin mise en avant

Le 4/4/2008 : date à marquer d’une pierre blanche.

jeudi 10 avril 2008

Enfin ! Après avoir dénoncé le silence de l’Éducation nationale, et sa pratique de la discrimination parmi les discriminations (Voir mes articles La lutte contre l’homophobie à l’Éducation nationale : c’est pour quand ? et Des « abstractions » fâcheuses), il faut saluer le changement historique marqué par la « Circulaire de rentrée 2008 », n° 2008-042 du 4-4-2008, signée du directeur général de l’enseignement scolaire, Jean-Louis Nembrini. Faut-il y voir la conséquence du Colloque du 16 mai 2007 contre l’homophobie et pour la diversité par l’éducation ? Ce « Texte adressé aux rectrices et recteurs d’académie ; aux inspectrices et inspecteurs d’académie, directrices et directeurs des services départementaux de l’éducation nationale » établit « dix grandes orientations prioritaires » pour l’année scolaire, parmi lesquelles on relève en tête de liste « scolariser les élèves handicapés », et en 9e point « lutter contre toutes les violences et toutes les discriminations, notamment l’homophobie ». Quelle révolution. Voici l’intégralité du paragraphe 9 :

9 - Lutter contre toutes les violences et toutes les discriminations, notamment l’homophobie

« L’école doit offrir à tous les enfants des chances égales et une intégration réussie dans la société. Sa mission est donc aussi de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, de permettre une prise de conscience des discriminations, de faire disparaître les préjugés, de changer les mentalités et les pratiques. Au sein des établissements, une importance particulière devra être accordée aux actions visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne : violences racistes et antisémites, violences envers les filles, violences à caractère sexuel, notamment l’homophobie.
Par tous les moyens, prévention et sanction, la lutte contre la violence dans et autour des établissements demeure une priorité absolue. »

Nous nous réjouissons d’un tel virage : certes, au sein du Collectif HomoEdu nous préférons valoriser l’idée de diversité sexuelle et jouer surtout un rôle pédagogique, et il est regrettable que les questions de sexualité en général soient prioritairement vues à travers le prisme des « violences » ; mais saisissons cette opportunité de faire évoluer les mentalités et les pratiques. Le point n°3, pourtant, intitulé « Développer l’éducation artistique et culturelle », propose entre autres, de développer les « dispositifs existants », comme « École, collège et lycéens au cinéma ». Quelle bonne idée ce serait, comme nous le préconisons depuis des années à HomoEdu / altersexualite.com, de réunir ces deux points, et par exemple, de programmer des films abordant les thèmes altersexuels dans ces « dispositifs existants », qui s’y sont toujours refusés… (cf. le n°3 de mon Journal de bord).

Le ministère écoute les associations, y compris les parents d’élèves, car cet adverbe « notamment » figurait déjà dans un texte publié dans Le Monde du 6 novembre 2004, signé de six responsables d’associations antiracistes ou éducatives, dont le MRAP, la FSU, la FCPE, la LDH : « ce qui compte, c’est que chaque organisation ait pris l’engagement de lutter contre l’antisémitisme, le racisme, le sexisme et toutes les discriminations, notamment en raison de l’orientation sexuelle. » Une certaine hiérarchie demeure dans cette circulaire, et le « notamment » n’a pas la même portée, mais l’essentiel est que c’en est fini des attitudes discriminatoires de certains chefs d’établissements ou recteurs, qui bannissaient les associations de lutte contre l’homophobie.

 Voir aussi la précédente circulaire consacrée à L’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées. Vous trouverez un historique des rapports de l’Éducation nationale à l’homosexualité dans cet article, notamment l’analyse des propos du ministre Xavier Darcos qui mettent un bémol à cette circulaire.
 Une entrevue édifiante du ministre de l’Éducation, le 25 juin 2008, sur le site de Libération : « L’omertà sur l’homophobie à l’école est toujours présente ».
 La circulaire de rentrée 2009 a repris et développé la thématique, sous le titre « Le refus des discriminations » : « L’École est un lieu où s’affirme l’égale dignité de tous les êtres humains : la communauté éducative doit faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté à l’égard de toutes les formes de racisme, d’antisémitisme, d’homophobie et de sexisme. Tout propos, tout comportement qui réduit l’autre à une appartenance religieuse ou ethnique, à une orientation sexuelle, à une apparence physique, appelle une réponse qui, selon les cas, relève des champs pédagogique, disciplinaire, pénal ou de plusieurs d’entre eux.
Les règlements intérieurs doivent impérativement mentionner le refus de toutes les formes de discrimination et les nommer clairement [1], ainsi que l’interdiction de tout harcèlement discriminatoire portant atteinte à la dignité de la personne. Il en va de même pour les propos injurieux ou diffamatoires.
Dans les lycées, la campagne d’affichage sur le thème « Parler de sa différence », organisée à compter de la fin de la présente année scolaire et poursuivie à la prochaine rentrée, sensibilisera la communauté éducative à la lutte contre l’homophobie. Elle sera complétée par le dispositif d’écoute téléphonique « ligne Azur » (0810 20 30 40). Les enseignements et l’éducation à la sexualité, dans leurs différents développements, offriront par ailleurs l’occasion de répondre aux questions que peuvent se poser les élèves. »

Pour tout dire, dans mon établissement, on est loin du compte ! Et dans le vôtre ? Faites une recherche Internet sur cette fameuse campagne « Parler de sa différence », vous constaterez qu’elle tient surtout de la méthode Coué…

 Voir notre chronologie de l’Éducation nationale et la diversité sexuelle en France.

Lionel Labosse


Voir en ligne : La circulaire sur le site du ministère de l’éducation nationale


© altersexualite.com, 2008.


[1Exercice périlleux : autant donner une liste fermée, sinon, il faut s’attendre à ce que des élèves doués de l’esprit critique que nous sommes censés leur enseigner fassent remarquer que seules les discriminations portant sur les vêtements, surtout islamiques et féminins, sont acceptées dans les établissements…

Messages

  • « Pierre blanche » et quels effets ? Comment sera suivie cette circulaire ? Dans le secondaire, quels professeurs accepteront d’en faire « une priorité absolue » ? Je devine que la “patate chaude” va se refiler…
    « Par tous les moyens… » dit la circulaire, en se gardant bien de faire la moindre suggestion. Je constate aussi qu’aucune association n’est citée… (1)
    Le 9e objectif de cette circulaire risque de ne pas faire long feu…

    • Cher Jean-Yves, je te trouve pessimiste ! (tu voulais dire "faire long feu" je crois) Dans les collèges et lycées, la circulaire de rentrée est à peu près le seul texte du B.O. de l’année qui soit photocopié et distribué à tous les collègues, et commenté à la réunion de rentrée. Certes, ce ne sera pas le Pérou, mais cela veut dire que tout usager du service public de l’Éducation pourrait se plaindre si cette partie de la circulaire n’était pas appliquée. Prenons un exemple : un parent altersexuel peut se plaindre de ce que son enfant ait entendu des propos homophobes sans qu’un adulte les ait repris, et exiger, en s’appuyant sur ce texte, que l’administration fasse quelque chose. Un autre exemple : après une T.S. dont la cause aurait été identifiée à de l’homophobie, un chef d’établissement qui n’aurait engagé aucune action sur cette question pourrait voir sa responsabilité pointée. Non, Jean-Yves, cela va donner un sacré coup d’accélérateur à notre travail de fourmi… Et tous les professeurs qui osaient moins vont se mettre à oser plus. Sans oublier, toutefois l’adage : Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles (Sénèque, Lettres à Lucilius, n° 104).

    • Je suis d’accord Lionel sur le côté « offrir un cadre officiel de référence ». Sauf que juridiquement une circulaire n’est pas une loi.
      Toute personne peut poursuivre l’État pour non enseignement de la prévention routière car une loi existe. Contre l’homophobie, c’est certes un progrès, mais il reste qu’il n’y a aucune obligation légale.

  • La volonté de Xavier Darcos semble réelle. Pourtant il est plus important de favoriser la tolérance et le respect de chacun que de combattre une attitude aux effets limités dans le temps et peu visible. Il faudrait pour cela rassembler des outils ’pédagogiques’ dont les établissements scolaires français manquent et pour le moins les mettre à disposition des élèves.Je me souviens dans un cadre différent de l’initiative du gouvernement britannique qui, en 1986, avait distribuer dans chaque foyer du pays un fascicule d’information sur le SIDA - On ne savait en 1986 presque rien sur cette maladie, mais pour une cause nationale, chacun recevait un minimum de connaissance... La distribution d’un tel fascicule est-elle possible maintenant que cette lutte est inscrite dans les textes ?
    Cette initiative de la lutte contre l’homophobie est peut-être un pas vers une normalisation plus raisonable de l’acceptation de la différence après le raz de marée homophobe débuté en 1997 par le même ministère. J’attends les premières réactions et les premières actions avant de me féliciter d’une éventuelle bonne volonté des enseignants à ce sujet.

    Voir en ligne : Tu quoque, fili ?