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Un navet prétentieux pour les 4e / 3e.
J’ai pas sommeil, de Cédric Érard
L’École des loisirs, Médium, 2003, 111 p., 8€.
mardi 1er mai 2007
Nouvel avatar de cette série de L’école des loisirs consacrée aux chroniques estivalo-scolaires des fils blasés de la bourgeoisie. Un style prétentieux servant de cache-sexe à l’ineptie du propos. Tout cela dans la bouche d’un personnage imbu de lui-même qui risque fort de desservir la cause que l’auteur croit défendre.
Résumé
Balthazar passe ses vacances à la plage, avec sa cousine Jeanne et le copain de celle-ci, Valentin. Il a dix-sept ans et regarde le monde en phraseur hautain : « Mon esprit côtoyait les abîmes » ; « j’ai la porosité des falaises » (p. 44). Dans une ellipse agréable au lecteur, on suppose que le narrateur baise avec Valentin : « Je n’avais jamais essayé, lui non plus, je crois » (p. 54). De retour en ville, le narrateur raconte cette expérience à sa copine Laure, et n’ayant pas de nouvelles dudit Valentin, s’acoquine avec un gars du lycée, Thomas, après s’être engueulé avec son père : « Tu me balances veulement tes doutes et tes névroses à la gueule » (p. 76). Ils s’embrassent pour la première fois au cours d’une manifestation de lycéens, qu’ils regardent pourtant avec la distance requise par leur conscience d’appartenir à une caste supérieure : « des slogans un peu crétins ». Et puis ces deux héros romantiques se font des promesses de bonheur futur quand cesseront les persécutions horribles qu’ils ont à subir : « même si on prend des coups, tu sais, on n’en meurt pas, surtout pas, ce serait leur donner raison » (p. 108).
Mon avis
J’ai pas sommeil ne vous prendra que trois quarts d’heure à lire, mais avec beaucoup de blancs on a gonflé ce récit gonflant à l’état de « livre » de 111 pages. C’est le pire de ce que cette maison d’édition souvent mieux inspirée peut proposer dans le genre. On retrouve au passage ce goût suranné pour les prénoms gaulois les plus traditionnels, même quand il s’agit de désigner les « camarades » d’un lycée en grève : « Rémi, Lucien, Garance, Nicolas », en plus de ceux déjà cités. Un chapelet de sentences méprisantes au vocabulaire soutenu mais répétitif dégoulinent de la plume de ce personnage dont la préoccupation principale semble « avoir l’air impassible » ou « avoir l’air lointain ». Il « observe, méthodiquement » tous les humains qui l’entourent, lesquels lui semblent « vulgaires », ou bien « ridicules et crispants » (p. 27). Il « trouve ça humiliant » de parler avec le prof de philo à la fin des cours. Le simple fait d’entendre une blague sur les pédés le révolte : « je la trouvais bête et vulgaire, la tête de tous ces cons quand ils gloussaient d’aise et de normalité, ça me révoltait ». C’est cette révolte qu’est censé symboliser le poing levé en couverture. Je n’ai pas relevé la moindre notation positive sur le monde qui l’entoure. Il y a un peu d’homophobie en France, sans doute, mais elle est minoritaire, et pour peu qu’on creuse autour de soi, il n’est pas difficile de trouver des personnes plus tolérantes, y compris chez les gens qui rigolent d’une blague sur les pédés, dont les pédés sont souvent les premiers à rire. Ce personnage est tellement imbu de lui-même, tellement dépourvu d’humour, que loin d’inspirer la sympathie pour les gais en général, ce livre ne peut que conforter le vieux préjugé du « vice bourgeois ». C’est le dernier ouvrage que je conseillerais à mes élèves, à moins de chercher à les dégoûter de la lecture et des gais tout à la fois. Voici une dernière citation que l’auteur applique au père du héros : « engoncé dans ses mots ineptes qu’il voulait doux et fermes à la fois, mais qui n’étaient rien que vides et pathétiques » (p. 77). Tel père, tel fils !
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