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Un lexique satirique autant qu’utile, pour les éducateurs
Le Petit Madame H illustré, de Christophe Marcq et Cunéo
Éditions gaies et lesbiennes, 2004, 240 p., 12 €
mercredi 5 décembre 2007
Tout citoyen digne de ce nom connaît Madame H, présidente et seule membre de l’association « Homosexualité & Bourgeoisie », qui « tente de réconcilier les pédérastes et les sapphistes avec les valeurs bourgeoises, le savoir-vivre et le bon goût ». Christophe Marcq, créateur et interprète de ce personnage haut en couleurs, donne ici le « premier dictionnaire homo-centré », où il recense avec érudition ce qu’il appelle « l’homo-langue », qui puise ses racines dans l’argot déjà pratiqué par François Villon. Rappelons que la première cérémonie de remise des « Isidor » du 17 mai 2006 avait été placé sous le haut matronage de Madame H, qui avait à cette occasion prononcé un discours d’une grande valeur hystérique. Il faut parcourir ce lexique transpédégouine, se laisser aller à ses définitions tour à tour va-t-en guerre, provocatrices, pince-sans-rire, poétiques… qui oublient rarement la raison d’être d’un véritable dictionnaire : transmettre le goût des mots. De plus, de la taille d’un missel, Le Petit Madame H illustré déformera moins votre sac à main Hermès que Le Petit Larousse ! Petite virée :
Pince sans rire : « L’actif est dit agent, et le passif, patient, car il faut effectivement parfois prendre sur soi pour supporter les actifs. » ; « Tenue délicatement du bout des doigts, l’asperge […] est mordillée, sucée et exprimée afin que la bouche s’imprègne de tout son suc. » ; « Les bars hétérosexuels ont des noms auvergnats, car l’hétérosexualité serait très répandue dans le massif central » ; Boîte de nuit : « Les homosexuels dansent beaucoup la nuit pour narguer les hétérosexuels qui préfèrent dormir pour être en forme le lendemain pour tondre la pelouse » ; Chauve-souris : « Mammifère tellement hideux que la langue française s’est vengée en mettant cet animal au féminin » (et le crapaud, alors, c’est-y le mari de la grenouille ?) ; « fixer des lunettes pour la vue sur des oreilles destinées à écouter est contre-nature » ; Ecstasy : « drogue à base d’amphétamines destinée à rendre heureux malgré la musique techno »…
Quelques néologismes, expressions ou mots très rares qu’on découvre ou redécouvre : Ambisextre ; Anandryne ; Anticoniste… Branler m’a appris le sens de branle-bas ; j’ignorais le sens obscène de Corbillon ; quant à Plumer l’oie : « se masturber pour un mégalo-phallomane », je n’en ai trouvé trace nulle-part, mais quelle image évocatrice ! Un seul défaut, mais il est de taille : Le Petit Madame H illustré ignore délibérément le terme Altersexualité, que votre serviteur allait créér (ou co-créer) un an plus tard. Quelle faute de gout inacceptable !
Un peu de provoc, ça fait du bien : « Les Backrooms auraient été inventées, au premier siècle de notre ère, par les premiers chrétiens » ; Le Football est un « rite de passage fort douloureux, que les pères hétérosexuels imposent à leurs fils » [1]. À Génétique, on évoque le « gène du football » ; tandis que la Glacière est désignée comme « attribut de l’hétérosexualité » ! L’Hétéropride défile « 364 jours par an » ; l’Hétéro-psy a pour synonyme flickiâtre. Selon Madame H, Jésus « lança la mode du petit bouc chez les gays ». Au contraire, le Machiste « ne croise jamais ses jambes parce qu’[il] est embarrassé par un clitoris hypertrophié » ! Obélix est vu comme un Nounours, ce qui nous consolera de l’instrumentalisation d’Astérix lors des manifs anti-pacs de 1999. Le Pacs, justement, est un « demi-mariage », une « demi-loi » (je suis persuadé du contraire : le mariage est un pacs hypertrophié, qui limite votre liberté !). « Le Pédophile est généralement hétérosexuel, blanc, homme d’affaires et père de famille ». Hum !
Quelques infos à vérifier Amazone est donné avec l’étymologie grecque que Le Robert juge fantaisiste, de a (sans) + mazos, mamelle. Il s’agirait d’une fausse étymologie accréditant le mythe du sein coupé… Mais la définition donne des amazones un aperçu sinon sans mamelle, du moins… sanglant, et voit dans les héroïnes de Baise-moi de Virginie Despentes, des « amazones modernes », ce à quoi nous opinons du bonnet (D) ! Le chiffre de « 35000 triangles roses » (article Déportation), serait à revoir à la baisse si l’on en croit les dernières informations disponibles. Pour Drag queen, l’article de Wikipédia donne une étymologie différente de celle avancée par Madame H (« a drag est une longue robe à traîne »). En ce qui concerne Fag et faggot, Madame H commet la même erreur que j’ai commise dans Altersexualité, Éducation & Censure (p. 88) [2] : croire que le mot fait référence aux bûchers sur lesquels on aurait brûlé les hérétiques sodomites. Légende contredite par ce très sérieux et très british dictionnaire étymologique, avec des arguments convaincants : les sodomites étaient pendus et non brûlés, et en plus le terme ne s’utilise que depuis 1914 dans ce sens…
Les citations Madame H cite ses sources, sauf quelques exceptions, par exemple pour la citation de Diderot à l’article antiphysique, qu’on trouvera facilement dans un des ouvrages cités en bibliographie, le Vocabulaire de l’homosexualité masculine de Claude Courouve (Payot, 1985), dont on trouve d’ailleurs de longs extraits mis à jour en format PDF sur Internet. L’article Membre nous renvoie une belle citation de Montaigne, que vous aurez plaisir à retrouver dans l’essai n° 20 du Tome 1 des Essais : « Sur la force de l’imagination ». Madame H cite un grand nombre d’auteurs de tous les temps, de François Villon à Violette Leduc, de Marc Papillon, seigneur de Lasphrise à Cy Jung, et ce n’est pas le moindre plaisir du butinage dans cet ouvrage. Pour les illustrations, on apprécie l’humour de Cunéo qui s’harmonise avec celui de l’égérie transpédégouine, par exemple pour la double page consacrée à la Gay pride, qui donne une idée de ce que pourrait être une marche vraiment gaie, ou, plus trash, pour les 5 façons originales de se suicider…
Terminons par ma préférée : Jeune : « Futur vieux ou futur vieille. v. alcoolisme, dépression, suicide, vieillesse. »
Voir en ligne : Madame H sur myspace
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[1] Voir une inversion dudit rite dans Foot foot foot, de Denis Lachaud.
[2] C’est donc la seule erreur qui lui sera remise : toutes les autres sont imprescriptibles !