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De vieillir sans vivre, pour les 3e et lycées

De collectionner les timbres, de Hakan Lindquist

Éditions Gaïa, Taille unique, 2003, 219 p., 18 €.

samedi 28 avril 2007

Dix ans après Mon frère et son frère, Hakan Lindquist remet le couvert. Un narrateur âgé d’une quarantaine d’années revient sur l’amitié qui l’a lié depuis l’adolescence avec un homme plus âgé que lui, dont il achève de découvrir les secrets après sa mort. Le récit alterne passé et présent, le tout entrelardé de lettres retrouvées.

Résumé

Quatre mois avant son douzième anniversaire, Mattias reçoit son cadeau, un vélo de course, de façon qu’il puisse en profiter pendant l’été. Il fait une chute à sa première sortie, et se fait soigner par une femme, dont le fils Samuel, âgé à l’époque de plus de quarante ans, devient son ami. Leurs échanges sont basés sur la philatélie, la botanique et les papillons, mais tout cela sert d’écran à l’érotisme sublimé de Samuel : « De toutes les plantes, c’est précisément l’orpin que préfère l’Apollon. Il pond ses œufs aux endroits où il en pousse. […] Et tu vois cette fleur un peu pâle dont la tige tire sur le rouge, là-bas, sur le mur. C’est un orpin, justement. On l’appelle aussi herbe d’amour, ici » (p. 26). Samuel vit sur le souvenir de la seule liaison amoureuse qu’il ait eue, avec un marin, son exact opposé, qu’il avait vaguement souhaité fixer à terre. Ils se sont vus parfois, mais Willam lui écrivait surtout, et lui envoyait des timbres, grâce auxquels Samuel le casanier voyageait par procuration. L’île de Tristan da Cunha, (située par erreur dans le Pacifique par un texte cité p. 156) est une île de l’Atlantique sud, réputée la plus isolée du monde, d’où Willam lui a envoyé des enveloppes qu’il n’ouvrait pas. Samuel avait l’habitude de demander à ses correspondants de lui envoyer des timbres sur des lettres vides en ajoutant un F comme « factice » entre son nom et son prénom (p. 92). Samuel a transmis à Mattias sa nostalgie de cette île jamais vue. Mattias apprend la mort de Samuel par sa mère, ce qui motive le récit. Celle-ci revient sur son attitude à l’époque de cette amitié, ses craintes par rapport à cet adulte chez qui parfois son fils passait la nuit. Mattias retisse ses souvenirs, en s’aidant de documents qu’il retrouve petit à petit, qui lui permettent de compléter les confidences de Samuel, notamment sur son père haï, qui le battait et battait sa mère, et avait disparu quelques semaines avant la Seconde Guerre mondiale.

Mon avis

De collectionner les timbres est un beau roman nostalgique qui porte bien son titre. La traduction du suédois d’Anne Ruchaud est excellente. La construction du récit est la même que celle de Mon frère et son frère, avec cet entrelacs de passages en romain et en italique, et le dialogue posthume qui s’instaure entre les deux au point que parfois le lecteur ne se rend pas compte qu’il a changé d’époque, par exemple quand le narrateur revient dans le clocher de l’église où Samuel l’amenait régulièrement et où il avait caché sa boîte à secrets. Il y a même des passages en romain repris en italique (p. 63 / p. 78), comme pour mieux montrer du doigt cette machine à transformer le présent en passé qu’est la nostalgie. On apprécie moins, surtout vers la fin, les longs passages en italique repris avec quelques modifications (p. 70 / p. 165), qui allongent inutilement la lecture, mais nous renvoient, comme dans Mon frère et son frère Une émouvante discussion avec sa mère nous en suggère plus : « Est-ce que tu vois quelqu’un, en ce moment ? […] Quelqu’un à qui tu es attaché ? Samuel avait l’air tellement seul. Je ne voudrais pas que… » (p. 130). Les derniers chapitres nous montrent Mattias dans la ville recueillant les traces de Samuel (portraits, lettres, photos), et face à son ordinateur mettant de l’ordre dans les souvenirs de son ami. On se demande s’il ne serait pas en train de transformer la collection de timbres en collection de souvenirs, et si ce roman ne jouerait pas le même rôle que l’album de timbres, c’est-à-dire symboliquement une collection de timbres ou d’enveloppes scellées qu’il ne tiendrait qu’au lecteur d’ouvrir s’il ne veut pas terminer dans la même solitude.

 Lire, sur « Culture et Débats » le point de vue de Jean-Yves.

Lionel Labosse


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